Pour Emmanuelle Trichet, chef du service des titres de créances négociables à la Banque de France, la réforme du marché des NEU CP-NEU MTN de 2016 doit ouvrir la voie au développement d’un écosystème cohérent et complet, dans le contexte des projets de digitalisation sur la Place,  allant jusqu’à la finance verte et responsable.

– Quel est le point de vue de la Banque de France sur les différents projets de digitalisation du marché des NEU CP ? Quels points suscitent en particulier son attention ?

– La Banque de France accueille favorablement les innovations de digitalisation du marché des NEU CP (projets de plateformes, nouveautés chez les dépositaires centraux et modernisation en matière de codification des titres, …) dès lors que celles-ci concourent à la stabilité financière, en améliorant encore la profondeur du marché, la transparence et la sécurité des données, tout en fiabilisant et fluidifiant les échanges entre les acteurs. Toutes ces innovations vont dans le sens des orientations stratégiques de la Place de Paris, en particulier dans le contexte du Brexit.

Ces projets sont soumis en tant que de besoin à l’agrément des régulateurs, ACPR et AMF.  Je rappelle à cet égard que la Banque de France n’exerce pas un rôle de superviseur ou de régulateur sur le marché des NEU CP – NEU MTN, marché de titres court et moyen terme de la zone Euro, ni sur les innovations qui y sont introduites par les acteurs de l’industrie financière. Pour mémoire, la Banque de France a pour mission de veiller au respect par les émetteurs des conditions formelles d’émission des titres et d’assurer la transparence globale du marché.

En particulier, la Banque de France ne procède pas à l’analyse du risque de crédit des émetteurs qui incombe aux investisseurs en fonction de leurs stratégies, de leurs critères d’investissement et de l’environnement économique. De même, les publications sur le site sont réalisées, à partir des déclarations des émetteurs transmises via leurs domiciliataires, uniquement au titre de la transparence du marché comme prévu par les textes.

 

– La Banque de France compte-t-elle poursuivre la modernisation du marché des NEU CP ?

– Le marché NEU CP – NEU MTN a déjà été réformé en 2016 en harmonie avec la règlementation européenne et les standards internationaux. Cette réforme a favorisé le développement de ce marché et a pu jouer un rôle de catalyseur s’agissant des innovations observées aujourd’hui de la part des acteurs historiques comme des nouveaux acteurs. Ceux-ci devraient à leur tour soutenir la poursuite de la modernisation du marché, ainsi que l’élargissement de la base des émetteurs et investisseurs au niveau européen.

La prochaine étape, qui nous paraît importante, est d’encourager l’émergence de financements ESG sur le marché, en particulier dans sa partie moyen terme, dans la ligne des travaux des instances internationales et européennes. Cela permettra  de mieux répondre aux besoins croissants des investisseurs sur ce plan et participe du développement nécessaire d’un écosystème cohérent et complet en matière de finance verte et responsable, que la Banque de France encourage.

 

– Le marché a accueilli de nombreux émetteurs corporates depuis 2015. Quel est le potentiel de développement futur du marché ?

– Depuis la réforme du marché de 2016, le nombre de nouveaux émetteurs a, en fait, augmenté d’environ une centaine, dont plus d’une dizaine sur les trois derniers mois. Le marché modernisé apparaît plutôt résilient dans un environnement pourtant peu favorable en raison d’une liquidité bancaire surabondante et du niveau actuel des taux. C’est important car il assure aux émetteurs un accès à la liquidité en zone Euro et permet de diversifier leurs sources de financement court, ce qui est vital pour les acteurs économiques en particulier en période de tension.

Quoi qu’il en soit, le marché continuera à l’avenir d’offrir des financements à des entreprises disposant d’un profil adapté à la gestion de ce type de ressource non intermédiée, et de disposer d’une base solide d’investisseurs, avec des acteurs d’envergure mondiale.

Le potentiel de croissance du marché se situe également à l’international, avec le concours des différentes parties prenantes, pour bénéficier à un nombre plus large d’émetteurs. La diversification des sources de financement des émetteurs, avec des ressources en zone euro et en dehors, répond à une logique de stabilité financière, tout en s’inscrivant pleinement dans la perspective de l’Union des marchés de capitaux en Europe.

 

– Concernant le fonctionnement du marché et ses conditions d’accès, quelles seraient selon vous les améliorations souhaitables ?

– Il y a bon nombre de projets informatiques de digitalisation en cours au sein de la Banque de France. Dans ce cadre, les équipes informatiques réfléchissent aujourd’hui activement à de nouvelles solutions techniques pour fluidifier encore davantage l’accès à ce marché.

 

– Comment voyez-vous le développement du marché des NEU MTN ?

– Depuis la réforme de 2016, le marché des NEU MTN s’est également développé, avec notamment l’arrivée récente d’émetteurs corporate. Le positionnement naturel de ce marché est d’offrir un financement de moyen terme (en moyenne 1-3 ans, voire 5 ans selon les profils). Il peut constituer, compte tenu de sa simplicité, un point d’entrée afin d’accéder ensuite aux marchés financiers pour des émetteurs dont la taille est suffisante.

Un autre aspect remarquable du marché des titres négociables à court et à moyen terme concerne l’émergence de critères extra-financiers ESG appliqués par les agences de rating, qui peuvent être pris en compte pour la notation des programmes. Cette évolution est essentielle pour les investisseurs et le financement de l’économie tout en contribuant à une amélioration de la transparence du marché.

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