Air France-KLM applique depuis bientôt un an la norme IFRS 16 sur les contrats de location, entrée en vigueur au 1er janvier 2019. Pour Redbridge, Laure Garrido, Senior VP d’Air France KLM Group Finance et Xavier Jasson, directeur comptable du groupe Air France-KLM, livrent leur témoignage sur l’adoption anticipée de la nouvelle norme comptable IFRS 16 sur les contrats de location.

– Pourquoi le groupe Air France-KLM a-t-il fait le choix d’appliquer la norme IFRS 16 sur les contrats de location avec un an d’avance sur l’échéance réglementaire?

– Pour Air France-KLM, cette norme est favorable. En effet, les loyers sont remplacés par des amortissements et des frais financiers, ce qui augmente mécaniquement le résultat d’exploitation. Par ailleurs, l’application de cette norme permet de rendre les comptes du groupe Air France-KLM comparables à ceux des compagnies aériennes qui ont une moindre proportion d’avions en location opérationnelle, car notre résultat d’exploitation supportait une quote-part de frais financiers théoriques supérieurs. De plus, avant l’adoption d’IFRS 16, notre dette de location était publiée de manière extra-comptable. La norme IFRS 16 donnait l’opportunité d’évaluer selon des règles établies pour tous la dette de location de manière fiable et de la comptabiliser au bilan. Enfin, nous n’avons pas souhaité attendre pour l’appliquer, car nous avions le sentiment qu’être les premiers nous permettrait de mieux faire valoir notre point de vue si nécessaire.

– Quel était l’enjeu ?

– L’enjeu du passage à IFRS 16 était important. Air France-KLM est engagé depuis plusieurs années dans un exercice de deleveraging. L’adoption d’IFRS 16 pouvait avoir un impact important sur le ratio de levier dette nette / EBITDA, qui est un indicateur clé de notre politique financière et sur lequel le groupe communique activement.

– En chiffres, quel a été l’impact sur les comptes du groupe ?

– L’essentiel du changement pour notre groupe porte sur les 250 avions loués. En conséquence, lors de la publication des résultats annuels 2017, nous avons intégré 5,6 milliards d’euros de dette en date du 1er janvier 2017.

C’est un montant nettement inférieur à ce que le groupe ajoutait en extra-financier auparavant. Le passage à IFRS 16 a réduit mécaniquement la dette liée aux contrats de location d’un peu plus de 2 milliards d’euros. En effet, l’ancienne manière de calculer se fondait sur la méthodologie suivie par les agences de notation, qui multiplient par sept le montant annuel des contrats de location du groupe pour évaluer la dette de location. En évaluant la charge contrat par contrat, et en reflétant dans notre calcul les extensions de durée et les reconductions probables, comme le stipule la norme IFRS 16, notre dette liée aux locations opérationnelles s’est allégée.

– Comment avez-vous géré la communication avec la communauté financière ?

– Avec IFRS16, la distinction entre la dette nette comptable et dette nette ajustée des contrats de locations, sur laquelle Air France communiquait, n’existe plus.  Nous avons communiqué en présentant l’évolution de notre bilan, avant et après adoption d’IFRS 16, en commentant dans le détail sur les paramètres impactés. Il était important de faire preuve d’une totale transparence vis-à-vis des différentes parties qui analysent et qui monitorent nos ratios financiers. L’exercice était intense, mais certainement moins complexe que pour des entreprises qui ont des milliers de contrats de location à intégrer.

Au final, l’impact de notre démarche de communication est difficile à évaluer. Les analystes actions avaient tendance à dire qu’ils conserveraient leur méthodologie tant que tout le monde n’aurait pas appliqué la norme IFRS 16, pour pouvoir continuer à mener des comparaisons. Les analystes des agences de notation financière cherchaient, pour leur part, à comprendre notre démarche et notre traitement pour déterminer comment eux allaient ajuster leur modèle, calé sur un modèle d’analyste actions. Enfin, pour les prêteurs, ce fut un non-évènement, d’autant que le ratio de leverage s’améliorait.

– Le passage à IFRS 16 vous a-t-il conduit à aménager votre documentation bancaire ?

– La dette bancaire d’Air France intègre des ratios financiers classiques, sensiblement identiques à ceux utilisés par les agences de notation pour qualifier les emprunteurs de la catégorie investissement. La facilité de crédit du groupe a été renouvelée avant l’adoption d’IFRS 16. Nous avions à cette occasion introduit une petite modification, dans l’éventualité où les ratios dériveraient massivement des ratios préétablis. Cela n’a pas été le cas. Lorsque, par la suite, nous avons renégocié la facilité de crédit de KLM, ce fût un non-évènement.

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