La norme IFRS 9 sur les instruments financiers bouscule la stratégie de refinancement des grands groupes cotés, en modifiant les termes du débat entre extinction et renégociation de dette. Pour Redbridge, Thomas Dubreuil-Chambardel, vice-président de la commission Normes Comptables Internationales de l’AFTE, livre son analyse et détaille comment les groupes peuvent adapter leur politique financière.

– Quel est l’enjeu de la norme IFRS 9 sur les renégociations de dette ?

– Certaines activités nécessitent des investissements conséquents, et donc des levées de dettes importantes souvent renégociées en cours de projet pour obtenir des marges plus faibles. Par exemple, dans le cas des financements de concessions, les renégociations sont fréquentes lors de la mise en exploitation de ces dernières. Le traitement comptable des renégociations de dette revêt donc un enjeu significatif.

La norme IAS 39 autorisait le lissage des frais financiers dans le temps et permettait de refléter l’amélioration des conditions d’intérêts dans les comptes. IFRS 9 suit une philosophie opposée. Le taux d’intérêt effectif (TIE) de l’ancienne dette est conservé dans le cadre d’une renégociation de dette. La charge financière enregistrée dans les comptes ne varie pas, mais l’amélioration des conditions de financement donne lieu à l’enregistrement d’un profit immédiat en résultat.

 

– Comment évoluent les termes du débat entre extinction et renégociation de dette ?

– Si la norme IAS 39 était favorable à la continuité de dette, les modalités d’IFRS 9 se prêtent plus à son extinction comptable et remplacement par une nouvelle. Le cadre de l’analyse continue de se fonder sur la comparaison entre les flux futurs actualisés de la nouvelle dette et la valeur nette comptable de l’ancienne. Si la différence dépasse 10 %, il y a de facto extinction de dette. Si elle est inférieure à 10 %, il y a présomption d’être en continuité de dette. Il faut alors compléter l’analyse par des critères qualitatifs. La stratégie de refinancement ne se base plus sur une unique considération économique. Une dimension comptable, qui influe sur la décision finale, se rajoute.

Pour aider à trancher cette question de continuité ou d’extinction de dette, certains groupes ont eu recours à des conseils pour développer des outils de pilotage et d’aide à la décision. Ces outils permettent de détermienr s’il y a un avantage à renégocier fortement les conditions et donc à dépasser le test de 10 %, ou être légèrement en dessous, ou encore s’il y a intérêt à jouer sur les critères qualitatifs comme pousser vers un changement de pool bancaire, par exemple.

 

– Quel a été l’impact pour les dettes renégociées avant la transition à IFRS 9 ?

– Pour les dettes renégociées avant 1er janvier 2018, IFRS 9 fait office de double sentence. Il n’est pas possible de tirer les bénéfices de la renégociation avantageuse du taux par un produit exceptionnel en résultat. L’opération se reflète en capitaux propres d’ouverture. En revanche, le taux de la dette avant renégociation (plus élevé) est réintégré au calcul de la charge financière.

Dans la majorité des cas, l’impact des continuités de dette se révèle peu important. Seul un nombre restreint de groupes ont enregistré des impacts significatifs. Pour la suite, les groupes ont potentiellement plus intérêt à afficher une nouvelle dette qu’une continuité de dette. C’est particulièrement le cas lorsque les conditions sont fortement renégociées à la baisse.

L’avantage de comptabiliser une nouvelle dette est d’afficher le nouveau taux renégocié dans les charges financières, puisque l’on part sur une nouvelle dette ex-nihilo. En revanche, les frais restant à amortir sur l’ancienne dette sont repris directement au résultat. Le pilotage doit donc prendre en considération le montant de frais à reprendre en résultat lors d’une extinction de dette.

 

– Que se passe-t-il dans un contexte de remontée des taux ?

– Dans le cadre d’une renégociation de dette, l’intérêt est alors d’aller chercher la continuité de dette pour conserver l’ancien taux en affichage et une charge la première année en résultat. Il y a un vrai pilotage à faire.

 

– La norme IFRS 9 concerne-t-elle les renégociations de lignes de liquidité ?

– Les IFRS sont peu prescriptifs sur les crédits non tirés. Calculer un TIE sur ces lignes ne fait pas sens. Certains groupes ont donc recours au cadre comptable des US GAAP et plus particulièrement à l’interprétation EITF 98-14, qui est acceptée par la majorité des commissaires aux comptes. L’EITF dit que si l’encours ou la maturité d’une ligne de crédit augmentent, il devient possible de sommer les frais et les réamortir sur la nouvelle durée de vie. La commission de non-utilisation affichée intègre au prorata temporis la marge nouvellement négociée. Il n’y a pas d’impact comptable ‘one shot’ comme dans le cas de l’extinction d’une ligne de crédit.

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