Le Haut comité juridique de la Place financière de Paris prend ses distances avec les positions défendues par la communauté bancaire sur la problématique de l’Euribor négatif.

Investi de la problématique des taux négatifs, le Haut comité juridique de la Place financière de Paris (HCJP) a rendu son rapport. Les conclusions du groupe de travail viendront éclairer le règlement des litiges entre les entreprises et les banques consécutifs, notamment, à l’introduction d’un plancher sur les indices de référence servant au calcul de la rémunération d’un emprunt. Le sujet est sensible. Fait rare, l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) lui a consacré deux prises de position en mars 2015 et en novembre 2016 pour dénoncer les pratiques des banques.

Dans son rapport, le HCJP souligne l’absence d’avis unanime au sein de son groupe de travail, la Fédération bancaire française se démarquant sur plusieurs points de l’analyse des autres membres (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Autorité des marchés financiers, Association Française de gestion, AFTE, avocats, universitaires). Les conclusions présentées dans le rapport ont toutefois recueilli un avis majoritaire.

La position la plus intéressante concerne les dépôts bancaires. Suite au basculement en territoire négatif des taux de référence du marché monétaire de la zone euro, certains établissements bancaires français ont averti leurs clients entreprises et institutionnels de leur souhait d’exiger une rémunération sur les dépôts. A la question un dépositaire peut-il exiger le versement d’un flux d’intérêt du déposant, le groupe de travail fournit une réponse claire : c’est non. Le rapport reconnaît la possibilité pour le dépositaire d’exiger une commission de service ou droit de garde. Mais en l’absence de disposition contractuelles spécifiques, « la rémunération du capital déposé, comme celle concernant le capital prêté, ne peut pas être négative ».

Refus de sanctuariser les marges des crédits bancaires

Au-delà, les conséquences des taux négatifs sur le fonctionnement des prêts à taux variables ont donné lieu à des échanges nourris. Le rapport rappelle que le taux d’intérêt d’un prêt à taux variable soumis au Code civil ne peut descendre en dessous de 0 %, dans l’hypothèse où l’indice de référence incorporé à la formule de calcul du taux d’intérêt deviendrait négatif. Surtout, le groupe estime qu’en l’absence de disposition contractuelle claire fixant un taux plancher à l’indice de référence, la marge de l’emprunt qui rémunère le prêteur n’a pas vocation à être préservée. Dit autrement, une banque n’est pas fondée à imposer unilatéralement un plancher à 0 % sur l’indice de référence dans l’objectif de préserver sa marge.

La Fédération bancaire française ne partage pas cette analyse. Pour les représentants des banques, il serait préférable de rechercher l’intention des parties au moment de la signature du contrat de prêt. Cette approche, ouvrant la voie à une possible sanctuarisation de la marge de l’emprunt, n’a pas été retenue par les autres membres du groupe de travail.

La position finale du groupe s’appuie sur plusieurs décisions de justice récentes. Cinq ordonnances de référé de janvier 2016 ont considéré comme une rupture de contrat l’application par la banque d’un plancher de 0 % sur l’indice de référence. Le prêteur a été condamné à poursuivre l’exécution des clauses contractuelles qui ne prévoyaient pas de plancher. Aussi, la publication du rapport du HCJP constitue un juste milieu entre les positions des uns et des autres, même s’il est plutôt de nature à conforter les entreprises qui se sont vu imposer hors contrat un plancher sur l’indice de référence de l’emprunt. Ces dernières peuvent sereinement engager les négociations pour obtenir réparation du préjudice.

Obligations & opérations de marché

S’agissant des émissions obligataires, le HCJP indique qu’un contrat prévoyant expressément la possibilité de verser des « intérêts négatifs » ou d’inverser un flux de paiement peut être valablement conclu car il ne heurterait alors aucune règle d’ordre public.  S’agissant des opérations de marchés et des contrats de couvertures de taux et de change, le groupe estime qu’il n’y a pas d’interdiction en droit français d’un prix de rétrocession inférieur au prix initial de la cession. Il a été constaté que les associations internationales de Place laissent aux parties le choix d’insérer ou non une clause prévoyant un plancher à 0 %.

  • L’AMF veut des prospectus explicites pour les émissions à taux variables
    Sans se prononcer en droit sur les problématiques soulevés par les taux d’intérêt négatifs, l’Autorité des marchés financiers a précisé le 27 juin ses attentes en termes d’informations à donner aux investisseurs dans les prospectus obligataires.

    • Lorsqu’un prospectus prévoit expressément un taux plancher à 0%, une telle stipulation n’appellera pas de commentaire particulier de l’AMF dans la mesure où l’information est donnée au marché et que l’application d’un « taux d’intérêt négatif » est formellement exclue ;
    • Lorsqu’un prospectus prévoit expressément un « taux d’intérêt négatif » ou la possibilité d’un tel taux, une telle stipulation n’appelle pas davantage de commentaire particulier de l’AMF dès lors que ses modalités de mise en œuvre sont précisées (notamment son mode de calcul et d’imputation) et que cette stipulation est complétée d’un « facteur de risque » ;
    • Lorsqu’un prospectus demeure silencieux au sujet de l’éventuelle application d’un « taux d’intérêt négatif » ou d’un taux plancher, l’AMF veillera à ce que l’émetteur indique expressément dans ledit prospectus s’il entend appliquer un plancher contractuel à 0% ou s’il prévoit d’appliquer un taux négatif, le cas échéant, en fonction de l’évolution de l’indice concerné.
Recevez nos publications

Select your location