Plusieurs projets de digitalisation du marché des titres de créances vont voir le jour dans les prochaines semaines. En donnant la parole au fondateur d’Onbrane, Pascal Lauffer, Redbridge publie aujourd’hui un premier entretien sur le sujet, qui sera à mettre au regard d’autres à venir, notamment de l’ACPR et de NOW CP.

– A quels besoins répond la création d’une plate-forme de négociation pour les titres de créances négociables ?

– Pascal Lauffer, président fondateur d’Onbrane : L’idée de développer une plate-forme dédiée à l’émission des titres de créances négociables a germé en discutant avec des trésoriers, qui déploraient l’absence de digitalisation des processus sur le marché primaire des NEU CP.

La négociation d’une émission se mène aujourd’hui de la même manière qu’il y a dix ou vingt ans. Une myriade de coups de téléphones sont nécessaires pour sonder l’appétit du marché. Les processus de confirmation reposent sur des signatures manuscrites, voire du fax, des révisions en cascade pour vérifier que tout est en ordre avant la création du papier et des saisies manuelles pour obtenir le code ISIN du NEU CP. Il est possible et même nécessaire d’optimiser ces processus.

Organiser le flux d’informations et de conversations sur une plate-forme facilite la traçabilité de la prise de décision pour les émetteurs, intermédiaires et investisseurs. Cela répond à un souhait fort des directions générales comme du régulateur. Par ailleurs, la digitalisation du front office libère les utilisateurs qui ne sont plus contraints d’être rivés à leurs téléphones pour soumissionner à une émission ou transmettre des cotations. Ils peuvent partager facilement des tâches entre membres d’une même équipe. Cette fluidification des communications et du travail promet de se traduire par une réduction des erreurs de ressaisie et la suppression de tâches administratives et répétitives qui éloignent les acteurs de leur cœur de métier. La création d’un titre est ainsi automatisée ainsi que sa descente dans les TMS (STP).

– Vous parlez d’un carnet d’ordres pour le marché des TCN ?

– Non. A notre avis, le marché primaire des TCN n’est pas adapté pour fonctionner avec un carnet d’ordres. Sur un carnet d’ordres, seuls un prix et une quantité se négocient. Or, la création d’un titre nécessite de négocier l’ensemble de ses caractéristiques qui sont autant de paramètres modulables (montant, taux, maturité, commission). In fine, l’objectif est de répondre au besoin de financement de l’émetteur avec des conditions acceptables pour le marché.

Les brokers/dealers ont un rôle important d’animation du marché. Ils ont démontré leur capacité à porter du papier pour accompagner leurs clients et prennent le temps de lisser la volatilité du marché. Notre point de vue est que cette organisation est efficace et notre outil ne fait que l’optimiser. Avec Onbrane, le trésorier conserve la main sur l’allocation de ses émissions, pour continuer de développer ses relations avec ses partenaires stratégiques à sa guise.

– La plate-forme améliore-t-elle les processus de middle office et de back office ?

Sur le middle-office, Onbrane automatise les demandes qui sont aujourd’hui manuelles. La plate-forme évite des allers-retours fastidieux entre les acteurs, en envoyant à tous le code ISIN en temps réel grâce à l’API d’Euroclear. Le système Euroclear/domiciliataire permet déjà de mettre à disposition les fonds en jour J. Nous rendons cette procédure plus simple et plus rapide.

En ce qui concerne les processus de back-office, Onbrane propose trois modes d’interfaçage pour réintégrer les données dans les systèmes d’information des différentes parties. Le mode le plus basique est un dépôt de fichier plat, contenant les informations du titre, à réintégrer dans le TMS ou dans l’ERP. Un mode plus sécurisé consiste à utiliser le protocole FIX. Mais le grand intérêt d’Onbrane réside les l’API que nous avons développé pour communiquer directement avec notre écosystème. Les banques avec qui nous travaillons ont un grand intérêt pour cette technologie ouverte, flexible et évolutive.

– Pourquoi continuer de recourir à un dépositaire, là où la modernité semble être du côté de la blockchain ?

Il existe plusieurs projets de blockchains dédiées à l’industrie financière, qui connaissent des trajectoires diverses. CORDA, la blockchain du consortium de banques R3 ; SETL, qui fournit une infrastructure de blockchain de banque, notamment pour Orange ; et enfin HyperLedger, l’offre blockchain d’IBM. Mais seules des blockchains publiques, comme Bitcoin ou Ethereum, adressent vraiment le problème de fond qu’est la suppression du tiers de confiance car elles fonctionnent sans entité centralisatrice.

Chez Onbrane, nous sommes convaincus du potentiel de la technologie blockchain et de la tokénisation des actifs, mais nous constatons que l’industrie n’est pas prête pour cette transformation. C’est pourquoi nous développons notre offre blockchain par étapes et en parallèle de l’existant. On ne s’improvise pas CSD du jour au lendemain ! Ainsi, tout en travaillant avec Euroclear (le dépositaire historique) pour la création des titres, nous inscrivons les transactions sur la blockchain et les rendons accessibles à nos clients. A terme, nous avons pour ambition de tokéniser les titres eux-mêmes mais cette progression se fera en collaboration avec les acteurs du marché.

– La plate-forme Onbrane est-t-elle dédiée au seul marché primaire ou favorise-t-elle également la liquidité sur le marché secondaire ?

– Nous proposerons ce service de négociation dans un deuxième temps. Au préalable, il nous faut discuter avec l’ACPR du statut le plus adapté à cette activité. Nous travaillons avec Bloomberg pour permettre la revente des papiers hors de notre plateforme.

– Quel sera votre business model ?

Notre offre repose sur un abonnement annuel, discrétionnaire et fixé en fonction du volume d’utilisation.

– Quand le lancement opérationnel est-il prévu ?

– Nous sommes prêts. Les premières transactions auront lieu avant l’été selon la réactivité du marché. Nous avons reçu des lettres d’intention d’une dizaine d’émetteurs et travaillons avec la plupart des intermédiaires sur l’intégration de notre plate-forme dans leurs systèmes d’information. Fondamentalement, nous n’avons pas besoin d’atteindre une masse critique d’émetteurs, d’intermédiaires et d’investisseurs, avant de nous lancer. Un seul émetteur et un intermédiaire suffisent en théorie. Notre plateforme sait envoyer, à la demande des utilisateurs, des invitations par email aux acteurs qui ne sont pas connectés. Pour accéder à la plate-forme, ils n’ont besoin de rien d’autre qu’une connexion internet sécurisée.

– Quels autres marchés de dette pourraient bénéficier de la digitalisation des process ?

– Le marché de la dette mondiale est gigantesque, mais se compose de micro-marchés qui répondent à des contraintes et des dynamiques différentes. Nous serons à l’écoute de la demande et entendons fixer nos priorités de développement en fonction des enjeux pour l’industrie financière. Il est manifeste que le marché des obligations recèle des marges d’optimisation importantes. En plus des NEU CP, les NEU MTN seront disponibles sur la plateforme en juin et les Euro CP sont prévus pour la fin d’année.

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