Plus besoin d’attendre deux à trois semaines pour se voir délivrer un Identifiant Créancier SEPA (ICS) afin de pouvoir émettre des prélèvements sur une entité. L’obtention du numéro de référence unique à 13 chiffres pourrait prochainement devenir instantanée en France, à la faveur d’une remise à plat de la procédure de traitement des demandes d’attribution fondée sur la technologie blockchain.
La Banque de France, qui souhaitait évaluer sur un cas pratique l’intérêt et l’impact potentiel de la blockchain, a développé avec six établissements bancaires un prototype de registre d’identifiants créancier dont la gestion serait partagée par l’ensemble des contreparties. « Le processus d’attribution de l’Identifiant Créancier SEPA est un cas d’usage simple, avec des volumes d’échanges limités. Aussi se prêtait-il bien à une remise en cause des rôles et des responsabilités de chacun des intervenants, pour passer d’un modèle centralisé à un modèle décentralisé », explique Christine Sampic, directrice des services bancaires à la Banque de France.
Actuellement, la Banque de France collecte les requêtes d’identifiant créancier et procède aux vérifications des documents de l’émetteur. Les documents sont conservés chez les contreparties bancaires, mais c’est la Banque de France qui est responsable des 300 000 références de la base d’ICS. En moyenne 30 000 demandes d’ICS sont transmises chaque année par 50 banques auprès de la Banque de France. À noter que 60 % des demandes sont déposées auprès de trois banques.
Entre juillet et décembre 2016, 7 établissements dont la Banque de France, banque de cash management de l’Etat français, ont expérimenté une blockchain privée à 6 nœuds sur la plate-forme Ethereum. La décentralisation du processus vient reporter la responsabilité de la vérification des documents sur les banques. L’attribution et l’intégration des nouveaux ICS au registre sont automatisés par la blockchain, en s’appuyant sur des contrats intelligents (smart contracts) aux termes et conditions prédéfinis. La Banque de France ne se charge plus que de contrôler les accès à la chaîne.
« La décentralisation de la chaîne d’attribution des identifiants créancier SEPA soulève des questions de gouvernance. Qui fixe les règles ? Qui contrôle l’accès à la chaîne ? Qui est en charge de la gestion des risques ? Par ailleurs, l’adoption d’un modèle décentralisé redistribue les coûts », résume Christine Sampic.
Globalement, l’expérience a confirmé la capacité d’utiliser la technologie blockchain sur une problématique simple. La gestion d’un processus plus complexe se serait probablement heurtée aux fonctionnalités étroites des plates-formes de blockchains publiques, à ce jour les plus développées. Le déploiement sur un temps très court constitue un autre motif de satisfaction pour la Banque de France.
La question est désormais de savoir s’il est opportun de basculer de la phase d’expérimentation vers la phase industrielle. « Les deux schémas d’attribution des ICS pourraient coexister et les banques ayant participé à l’expérience pourraient si elles le souhaitent substituer le canal traditionnel à la blockchain afin de proposer un service plus réactif à leur clientèle entreprise. Les établissements bancaires n’ayant pas participé à l’expérience pourraient également être invités à se connecter à la chaîne », indique Thierry Bedoin, Chief Digital Officer de la Banque de France.