Financement ETI – Les PME/PMI ont un déficit d’information important à combler pour optimiser leur stratégie financière, construire de nouvelles relations et diversifier leur structure financière, estime Augustin Huyghues-Despointes, Associate Director chez Redbridge.

Et moi, et moi et moi, chante toujours Jacques Dutronc. A l’instar des grandes entreprises, qui depuis 2014 renégocient opportunément leurs financements et optimisent la structure de leur dette (nouveaux instruments de financement, documentations amendées et assouplies, etc.), leurs petites cousines, les PME / PMI, dans un contexte liquidité abondante et bon marché, souhaiteraient leur emboiter le pas. Construire de nouvelles relations, diversifier ses partenaires bancaires, initier des financements désintermédiés ou adossés, etc. J’y pense et puis j’oublie.

Peu démarchées ou « pitchées » par leurs banques, pour emprunter au langage des financiers, les PME/PMI doivent composer avec une série de barrières pour élargir leurs sources de financement. La relation avec les banquiers historiques doit perdurer, le développement de l’entreprise n’est pas envisageable sans leur concours. Toutefois, les premiers partenaires de financement des PME/PMI se limitent généralement à offrir des solutions standards. L’entreprise ne peut pas s’appuyer sur sa banque principale pour améliorer sa connaissance du marché et des instruments de financement auxquels elle est éligible. Par exemple, une entreprise cotée de petite taille a accès au marché des NEU CP (i.e. billets de trésorerie) qui propose des conditions compétitives sur les financements court terme. Bien rares sont les banquiers proposant spontanément cette solution, bénéfique à l’entreprise… mais peu profitable à leur établissement.

Les PME/PMI ont un déficit d’information important à combler pour optimiser leur stratégie financière. Les entreprises sont trop nombreuses à méconnaître la perception qu’ont leurs banques de leur solidité financière. Or, cet élément fonde toute les décisions des prêteurs ! Le plus souvent, l’entreprise ne connait que sa notation octroyée par la Banque de France. Les notions d’emprunteur investment grade (qualité d’investissement) ou non-investment grade (qualité spéculative, dans laquelle elles rentrent le plus souvent, compte-tenu de leur taille réduite) lui sont étrangères. Or, toute banque a l’obligation de fournir à une entreprise qui en fait la demande sa notation interne, ainsi que la grille de lecture correspondante (article L313-12-1 du Code Monétaire et Financier). Une bonne façon de comprendre tant son profil de risque que pourquoi une banque cherche à compenser les lignes de financement octroyées, coûteuses en fonds propres, par du side-business.

Une large partie de l’appréciation du profil de risque est qualitative. Connaître cette appréciation permet de travailler à son amélioration et de préparer la diversification des sources de financement. De nombreux investisseurs en dette privée, lassés de l’érosion de la rentabilité des financements de la catégorie investment grade, sont enclins à financer des entreprises de taille plus modestes, au profil plus risqué. Ces dernières trouvent auprès des investisseurs des financements longs (supérieurs à cinq ans), dont le principal est remboursé à maturité.

Les freins à l’élargissement des sources de financement ne proviennent pas toujours de l’extérieur. Beaucoup de PME / PMI non cotées sont réticentes à communiquer leurs comptes, notamment pour motifs concurrentiels, ce qui réduit le nombre de leurs partenaires financiers potentiels.

Le manque de temps et de ressources est une autre réalité de la direction financière, de nature à renforcer le poids de la parole du banquier dans les décisions de financement. Comment s’affranchir de l’influence d’une partie prenante et évaluer en toute objectivité les solutions de financement mise en avant par les banques ? Avant d’interroger ses principaux banquiers, la direction financière doit travailler sur les éléments qui lui permettront de définir une structure de financement cible et d’aborder le marché plus sereinement.

D’abord, le besoin de financement à moyen terme, mis à jour dans le plan d’affaires, sans oublier la liquidité qui demeure le nerf de la guerre pour toutes ces entreprises. Les besoins identifiés (à court et moyen termes), la prochaine étape est le profil de crédit. Celui-ci influe largement sur la structure de financement cible. Une solution, facile mais nécessitant de s’exposer, consiste à appeler ses banques pour avoir un bon échantillon, même si celles-ci peuvent être réticentes à communiquer leur notation interne. Une autre consiste à être un pro de la notation bancaire (si ancien banquier) ou un pro des méthodologies de notation des grandes agences de notation (utile pour les candidats à la désintermédiation des financements).

Il est important de connaître et de hiérarchiser en amont ses critères de décision, pour se préserver de toute influence extérieure dans le choix de la solution : maturité recherchée, prix, souplesse documentaire, etc. Ainsi, si le profil de risque d’une entreprise est plutôt faible auprès de ses banques, celle-ci aura plus intérêt à négocier la documentation de son financement qu’un prix déjà compétitif, surtout si elle cherche à financer une croissance forte ou de la croissance externe.

Ce travail en amont, s’il est bien conduit, permet de définir une structure cible, qui pourra être défendue sur le marché et permettra au management de connaître sa marge de manœuvre auprès de ses futurs partenaires, qu’ils soient bancaires ou non. En tout état de cause, les PME/PMI ont tout intérêt à maintenir une relation bancaire locale, afin de continuer à bénéficier de financements compétitifs. Un petit corporate peut être un client significatif dans une agence. Le banquier le défendra avec d’autant plus d’ardeur.

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