En janvier, Bercy et les banques se sont accordés pour proposer aux entreprises ayant souscrit un prêt garanti par l’Etat (PGE) un différé d’amortissement d’un an supplémentaire. Muriel Nahmias, senior director – conseil en dette chez Redbridge, fait le point sur ce différé d’amortissement et les options de prorogation du PGE.

– Quel est le calendrier à avoir en tête lorsqu’on a souscrit un PGE l’an dernier ?

Muriel Nahmias : Avant de répondre à cette question, je rappelle qu’il est possible de souscrire à un prêt garanti par l’Etat (PGE) jusqu’au 30 juin 2021. A ce jour, le dispositif a garanti 135 milliards d’euros de prêts octroyés à prix coûtant aux entreprises sur une enveloppe totale fixée par l’Etat à 300 milliards d’euros.

Maintenant, sur le calendrier, chaque contrat de crédit prévoit une période pendant laquelle l’option de prorogation à la main de l’emprunteur doit être exercée. Elle se situe généralement entre le quatrième et le troisième mois, ou un mois et demi avant la date anniversaire du contrat.

– Comment fonctionnent le différé d’amortissement et l’option de prorogation du PGE ?

– Les pouvoirs publics, en concertation avec les banques, ont introduit une année de différé d’amortissement supplémentaire, en option. Ainsi, une entreprise ayant contracté un PGE en avril 2020 et qui ne serait pas en mesure de commencer à le rembourser en avril 2021 pourra demander un report d’un an. Elle ne commencera à le rembourser qu’à partir d’avril 2022.

Il est donc possible d’intégrer dans la phase d’amortissement une nouvelle période d’un an où seuls les intérêts et le coût de la garantie d’État seront payés, en restant dans une durée totale de prêt de 6 ans, qui est la durée maximale du prêt autorisée par la Commission Européenne. Au lieu d’être sur un schéma de 1+5, le PGE s’apparente dans ce cas à du 1+1+4.

Il n’y a pas de décret précisant l’articulation entre le différé d’amortissement et l’option de prorogation, mais les textes et les questions-réponses des sites du ministère de l’Economie et de la BPI sont assez clairs.

Chaque emprunteur doit désormais fixer les modalités d’amortissement de son PGE dans les délais requis dans la documentation de crédit. Il peut proposer un plan d’amortissement débutant en 2021 ou en 2022 et qui s’étalera sur 1, 2, 3 ou 4, ou 5 ans selon le choix du différé d’amortissement. Opter pour une seconde période de différé nécessitera a priori un amendement à l’unanimité. C’est un point à vérifier. Mais ce sera une simple « technicalité ».

Les banques ont commencé à contacter les souscripteurs des premiers PGE. Nous constatons qu’elles intègrent bien cette deuxième année de différé d’amortissement optionnelle dans le choix de l’amortissement.

– Sur quels éléments les entreprises doivent-elles fonder la durée d’amortissement de leur PGE ?

– L’analyse de la question doit se faire en fonction des prévisions d’activité de l’entreprise, de ses besoins de financement, de l’évolution de la dette brute et enfin, du cout all-in de chaque option par rapport à la maturité moyenne du prêt, à comparer avec ses autres sources de financement.

A noter que pour les PGE de masse, les banques se sont engagées à proposer une tarification maximale à prix coûtant, dans les conditions actuelles de taux, comme il est d’usage de nuancer. En intégrant la garantie de l’État, ce coût est compris entre 1% et 1,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023, et passe entre 2 % et 2,5 % pour des prêts remboursés entre 2024 et 2026.

Le PGE est un prêt compétitif ! Certes il y a le cout de la garantie mais son impact décroit au fur et à mesure de l’amortissement, la garantie se calculant sur le capital restant dû (CRD).

Pour les PGE Trésor, les négociations devraient être plus ardues, mais il faudra voir au cas par cas.

En tout état de cause, il convient d’approcher chacune de vos banques – si elles ne l’ont pas déjà fait de manière proactive – pour leur demander leur cotation sur toutes les options. Ensuite il faudra considérer le coût total au regard des autres sources de financements, des critères qui vous sont propres et selon les termes de votre PGE (flexibilité, contraintes de documentation, etc.).

A bien y regarder, et malgré sa vocation initiale d’être un financement temporaire, conserver le PGE peut être dans certains cas une bonne décision. C’est l’opportunité de l’intégrer à une structure de financement à part entière et qui serait celle d’une sortie de crise. Le coût est attractif pour beaucoup de PME et d’ETI, voire même des sociétés ayant des profils de risque « non investment grade ».

– Les banques seront-elles confortables à l’idée de financer durablement les entreprises dans le cadre du dispositif PGE ?

– Il est vrai qu’aux premiers jours de la crise, certaines banques s’étaient montrées critiques sur ce dispositif de financement, certes à marge nette quasi nulle, mais qui mobilise peu de fonds propres. Elles sont là en soutien de l’économie. Depuis, les relations avec les entreprises se sont apaisées, me semble-t-il. Il y a eu des discussions l’été dernier qui ont abouties à un gentleman agreement et tout le monde s’y retrouve finalement.

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