Pour Redbridge, le directeur du financement et de la trésorerie de Klépierre revient sur les enjeux liés à la fusion avec le néerlandais Corio pour la fonction finance. Ses conseils pour une intégration post-fusion réussie ? Chercher autant que possible à simplifier la donne.

Sur quelles bases le rapprochement entre Klépierre et Corio a-t-il été lancé ?
La fusion entre Klépierre et Corio s’est décidée à l’été 2014, sur la base d’un rapprochement amical prenant la forme d’un échange d’actions. L’opération s’inscrivait dans une séquence logique pour le groupe Klépierre, qui venait de compléter la cession d’un important portefeuille de galeries marchandes à Carmilla et était à la recherche de nouvelles opportunités de développement.

L’alliance avec Corio allait créer un acteur majeur spécialiste de l’immobilier commercial en Europe, avec un portefeuille d’actifs de près de 21 milliards d’euros. L’intégration laissait entrevoir d’importantes synergies au niveau des fonctions supports. Les deux groupes présentaient des profils similaires. Ils partageaient une présence sur plusieurs marchés clés (France, Italie, Espagne), sans pour autant qu’un rapprochement éventuel ne soulève de difficultés auprès des autorités de la concurrence.

Quels étaient les enjeux de la fusion pour la fonction finance ?
Les banques conseils avaient évalué en amont les synergies financières de l’opération à une dizaine de millions d’euros sur cinq ans. Dès la première année, la renégociation de la dette de Corio a permis de réaliser un montant d’économies cinq fois plus important. Ce niveau n’aurait jamais été atteint sans la préservation de la notation de crédit de Klépierre, relevée un an auparavant de BBB+ à A- par S&P.

Dans les semaines qui ont suivi le dépôt de l’offre, les équipes ont passé en revue les actifs pour déterminer ce qu’il fallait céder ou non, avant de présenter la stratégie à S&P. Il s’agissait de rassurer les analystes sur la qualité du portefeuille ainsi que sur la capacité d’intégration de Klépierre. En effet, l’agence de notation avait décidé de placer le rating de Klépierre sous surveillance négative, s’inquiétant d’éventuels risques d’exécution liés à la fusion.

Les autres questions à traiter en priorité concernaient le statut fiscal du groupe, l’impact d’un changement de contrôle sur la dette de Corio et l’impact de la fusion sur l’ensemble des financements du nouveau groupe. Les équipes de trésorerie ont dressé la liste des waivers à renégocier sur la dette de Corio. L’arrêt du programme de billets de trésorerie de Corio nécessitait également de refinancer les tirages en cours.

Les discussions avec les prêteurs se sont engagées dans un climat d’échanges constructifs. Les banques n’ont pas fait obstruction à l’opération, comprenant la logique positive de cette dernière – à une exception près. Une institution de premier plan a voulu tirer parti de la situation en réclamant des commissions déconnectées de la réalité ! Durant cette phase de négociation critique, le soutien mutuel des équipes de Klépierre et de Corio s’est révélé déterminant.

Comment s’est opéré le regroupement des équipes de trésorerie ?
Le choix du statut français de société d’investissement immobilier cotée (SIIC) pour la forme juridique de la nouvelle entité a permis de clarifier rapidement le modèle opérationnel (Target Operating Model) et la localisation de la trésorerie du groupe. Paris reste le centre de décision.

Les problématiques de cash management, relativement simples à traiter pour une foncière, ne nécessitaient pas le maintien de deux pôles de trésorerie. Une fois l’offre réussie, il ne restait, pour être opérationnel, qu’à entrer les baux de Corio dans le système comptable SAP.

La trésorerie centrale de Klépierre se composait de quatre personnes. Celle de Corio de trois personnes plus un fiscaliste et une assistante. La direction avait annoncé sa volonté de conserver les profils les plus adéquats pour la nouvelle configuration. Nos homologues néerlandais n’ont finalement pas fait partie de l’équipe retenue et ont, en pratique, très vite retrouvé un emploi dans une autre entreprise aux Pays-Bas. Ils ont travaillé avec un grand professionnalisme à la bonne passation des pouvoirs, et ce jusqu’au dernier jour.

Qu’avez-vous conservé de l’organisation de la trésorerie et de celle des financements de Corio ?
Il est toujours intéressant de voir comment fonctionne une autre organisation de trésorerie. En l’occurrence, il nous est apparu que la structure de Corio était surdimensionnée pour les enjeux, avec notamment l’entretien d’une banque interne située à Luxembourg, dont les bénéfices étaient annulés par le coût de structure.

Klépierre et Corio avaient des pools bancaires relativement similaires. Nous avons choisi de renégocier les crédits syndiqués en place afin de consolider le nouveau pool bancaire et de conserver deux lignes distinctes pour étaler les maturités. En revanche, Corio avait recours à nombre de financements structurés, complexes à gérer. Nous avons rappelé les placements privés de type USPP du groupe, ce qui nous a simplifié la donne en matière de devoir d’information et permis d’accroître significativement le montant de synergies financières.
Le cash pooling de Corio était plus automatisé que celui de Klépierre. À l’issue de la fusion, nous avons opéré une refonte des deux cash pool existants avec la mise en place d’un cash pooling unique paneuropéen. En termes d’outils, le cash pooling ainsi que les opérations intragroupes de Corio, jusqu’ici supportées par le système de trésorerie Bellin, migreront prochainement sur notre outil Kyriba. Les instruments de dette ont déjà été réintégrés dans notre système Titan.

Quels éléments positifs retirez-vous de cette opération ?
L’opération Corio nous a fait changer de dimension. Le regard des banques a changé, positivement. La relation avec les émetteurs obligataires en sort également renforcée, dans la mesure où nous sommes devenus un émetteur plus fréquent.

L’équipe a vécu une année très forte, un rapprochement de cette ampleur restant une expérience marquante dans une carrière. Rassurée par la coloration 100 % Klépierre du directoire de la nouvelle entité, elle a pu se concentrer sereinement sur ses tâches. Ce fut une année éprouvante, mais chaque membre de l’équipe est monté en compétence et a su hausser son niveau de performance lorsque cela était nécessaire pour s’adapter à des situations toujours nouvelles : une expérience inégalable à tout point de vue !

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