La période d’incertitude économique liée à la crise sanitaire renforce l’intérêt de la monétisation du poste client pour financer la reprise de l’activité ou bonifier un bilan dégradé. Le marché de l’affacturage reste ouvert et l’attitude des assureurs-crédit sera un facteur déterminant pour lui permettre de jouer son rôle, écrit Hugo Thomas, associate chez Redbridge.
Le début de la période de confinement et la mise en place du télétravail généralisé au sein des banques et des sociétés d’affacturage ont entraîné quelques difficultés techniques sur certains programmes d’affacturage en place, suscitant l’inquiétude des cédants de voir le marché se refermer.
Les sociétés d’affacturage sur le pont pour soutenir leurs clients actuels
La situation semble avoir été rapidement maîtrisée et les grands acteurs assurent à nouveau la continuité du service. Pour preuve, les volumes de cessions au mois de mars ressortent en ligne avec ceux de février, malgré la chute des facturations dans beaucoup de secteurs.
Désormais, les équipes sont majoritairement occupées à adapter leurs services aux circonstances exceptionnelles, afin de limiter la diminution des encours financés. Les comités de crédit statuent sur un définancement plus tardif des créances échues, un déblocage partiel de comptes de garantie, ou l’ajout de nouveaux débiteurs.
Les analyses déjà en cours de nouvelles opérations ont pu continuer, mais les factors sont peu sollicités pour l’étude de nouveaux dossiers.
Enclencher la réflexion rapidement
Ce ralentissement des demandes s’explique par la possibilité, voire la nécessité pour certaines entreprises, de mettre en œuvre rapidement les dispositifs de soutien public. Cependant, enclencher sans attendre une réflexion et des démarches autour d’un programme d’affacturage permettrait de tirer un maximum de bénéfices lors de la reprise de l’activité, et d’éviter un embouteillage en comité de crédit anticipé à partir de fin mai, et de procéder beaucoup plus rapidement à des cessions ponctuelles si la situation de liquidité de la société devait le nécessiter
Deux grands types d’opérations peuvent en effet être envisagés. Les cessions spots pour répondre à des besoins urgents de trésorerie, ou à la volonté de bonifier son bilan à des dates précises (clôture, tests des covenants). Les programmes d’affacturage, qui s’inscrivent dans la durée, sont un outil pertinent pour faire face à une augmentation prévisible des besoins en fonds de roulement (BFR) – ce qui pourrait être le cas dans certains scenarios de sortie de confinement
Dans les deux cas, plusieurs éléments sont clés pour bien préparer sa demande et s’assurer un traitement rapide et fluide. L’entreprise doit d’abord vérifier sa capacité à céder ses créances : pas d’interdiction prévue dans les contrats, pas de contrainte dans la documentation financière. La typologie du poste client (grands comptes ou PME, exposition à des secteurs en difficulté) et la qualité des données permettant de les identifier et les analyser vont cristalliser l’attention des financeurs lors de l’étude préalable du dossier.
Les conditions de marché vont continuer d’évoluer
Les sociétés d’affacturage indiquent conserver des politiques de risque leur permettant de soutenir les entreprises dans des proportions similaires à celles d’avant-crise. Certaines prépareraient même pour la reprise des nouvelles offres plus souples, permettant d’élargir le champ des actifs cessibles (bons de commande, par exemple).
Parallèlement, les conditions de marché risquent d’évoluer, impactant plus ou moins fortement, et plus ou moins rapidement les différents financeurs : des écarts de prix sont à prévoir.
Enfin, le marché de l’affacturage va continuer à suivre de près la position des assureurs-crédits. La fragilisation de nombreuses entreprises se traduit par l’ajustement à la baisse des limites de garanties, limitant directement la capacité de financement de leurs fournisseurs. Après avoir déjà vu leurs plafonds réduits en fin d’année 2019, les entreprises du secteur automobile sont de nouveau touchées. A l’heure actuelle, les réductions semblent limitées aux secteurs les plus directement touchés par la crise (aéronautique, tourisme, textile). La communication des assureurs-crédits, qui assurent que les ajustements de garanties seront progressifs, contrairement à ce qui leur a été reproché lors de crises passées, ne semble pas convaincre. L’action des pouvoirs publics pourrait contribuer à atténuer cet effet pro-cyclique. Le Ministère de l’Economie et des Finances a indiqué le 19 mars 2020 la réactivation des dispositifs de réassurance publique CAP, CAP+ et CAP Francexport, pour une enveloppe globale de 12 milliards d’euros, portée à 15 milliards d’euros le 15 avril. A date, les modalités de mise en œuvre font encore l’objet de discussions.