Les plus grands groupes européens se tiennent à l’écart des dispositifs de financement spéciaux mis en place par les Etats. En France, parfois avant même la présentation du Prêt Garanti par l’Etat, plusieurs large caps avaient déjà sécurisé des liquidités complémentaires en vue de traverser les premiers mois de la crise, à l’image d’Airbus qui a annoncé la signature le 23 mars d’un crédit syndiqué de 15 milliards d’euros.

Ces opérations ont été mis en place avec une célérité qui tranche nettement avec les délais d’obtention des financements couverts par une garantie de l’Etat. Elles concernent essentiellement un univers d’entreprises qui se financent en obligataire et commercial papers (CP) ; sont généralement équipées de facilités de crédit (type RCF) à 5 ans pour parer à l’éventualité d’une fermeture des marchés de CPs ; et présentent un potentiel de side-business important pour les départements ECM, DCM et Produits dérivés des banques.

Pour les directions financières de ces grands groupes au profil très international, l’entrée en crise s’est faite avec le souci de trouver rapidement une solution globale à l’objectif de sécurisation de la liquidité. Les banques ont immédiatement répondu à ce besoin, en proposant à leurs meilleurs clients corporate de prendre ferme un financement additionnel sur leur bilan, avant de syndiquer dans un second temps l’opération, de manière à agir vite. Sur les conditions de ces opérations « jumbo », dont le montant unitaire varie de 1 à 15 milliards d’euros, les banques ont toutefois appliqué des grilles de marge nettement supérieures à celles d’un RCF classique d’avant crise, considérant le risque de tirage plus important et les nouvelles contraintes liées à la crise pesant sur leur bilan. Typiquement, pour un financement de type bridge court à un an avec une option d’extension à deux ans, le rapport entre la marge du RCF classique et la nouvelle ligne mise en place ressort quatre fois plus élevé… sur une maturité deux fois et demie plus courte !

Alors que l’option d’un tirage simple du RCF existant était permise, les corporates se sont laissés convaincre que la situation exigeait qu’ils veillent à la capacité de leurs banquiers à continuer d’être à leurs côtés si la crise venait à s’aggraver. Mais même avec une marge quadruplée, l’opération reste intéressante pour ces emprunteurs présentant un bon profil de risque. Elle l’est aussi pour les banques qui jouent sur l’arbitrage entre les différentes opportunités et s’assurent un flux juteux de side business. S’ils avaient contracté un PGE, le prix de la garantie (50 pb la première année et 100 pb la seconde) serait ressorti dans la majorité des cas plus élevé que la marge du nouveau financement. Du fait de son caractère franco-français, des restrictions imposées sur le montant (25 % du chiffre d’affaires France), de son prix au global plus cher, sans compter les incertitudes et la lenteur dans la mise en place, le PGE n’a pas été l’option privilégiée des larges caps.

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