Les corporates du SBF120 ayant recours à des opérations déconsolidantes dans le cadre de programmes d’affacturage établis et récurrents, ou d’opérations « spot » en fin d’année ou de semestre gagnent en moyenne 0,3 x de levier, rappellent nos experts Hugo Thomas et Olivier Talvard.

 

Le marché de l’affacturage a connu un recul d’activité historique au 1er semestre 2020. Dans son rapport semestriel, l’Association Française des Sociétés Financières (ASF) chiffre à -10,2% la contraction de l’activité des factors. D’importantes disparités sont observées entre la facturation domestique (-13,4%) et celle à l’international (-3,0%), qui représente désormais le tiers de la production du marché. Notons que ces chiffres quantifient les baisses de volumes de factures cédées aux factors et non pas le niveau global de financement ainsi octroyé par ces derniers. Ce dernier indicateur, pourtant essentiel, n’est malheureusement jamais publié.

Les anticipations d’un recours croissant à l’affacturage pour financer la reprise d’activité après l’été ne se sont pas produites. Les grandes sociétés d’affacturage en France notent que le nombre de nouvelles opérations est resté limité, notamment sur le segment de la clientèle TPE/PME. L’explication réside dans l’efficacité des mesures publiques de soutien à l’économie, au premier rang desquelles les PGE, qui ont permis de soulager, pour un temps au moins, la liquidité des entreprises. Une autre explication est sans doute à rechercher dans la position des assureurs-crédit qui ont réduit rapidement et parfois drastiquement, leurs approbations, conduisant mécaniquement à une moindre vitalité de l’industrie qui en est pour partie dépendante.

 

Amélioration du levier

Le dynamisme du marché est néanmoins soutenu par la demande émanant d’ETI et de grands groupes, désireux de déconsolider pour partie leur poste client afin de piloter leur atterrissage, dans un contexte de dégradation généralisée des ratios financiers. Le ratio de levier, qui est fréquemment utilisé comme covenant ou pour déterminer la marge d’un crédit bancaire, peut-être alors ajusté du ratio Montant Déconsolidé / EBITDA, pour limiter les impacts d’une performance financière dégradée. Selon une étude Redbridge, les corporates du SBF120 ayant recours à ces opérations déconsolidantes (dans le cadre de programmes d’affacturage établis et récurrents, ou d’opérations « spot » en fin d’année ou de semestre) gagnent en moyenne 0,3 x de levier.

La forte proportion de demandes d’opérations ponctuelles de cessions de créances commerciales sans recours en vue de la clôture intermédiaire de juin dernier, et en cette fin d’année, traduisent un besoin accru de maîtrise des ratios financiers pour l’exercice 2020. Il est certain qu’un emprunteur aura souvent tout intérêt à bonifier ses ratios en recourant à la déconsolidation d’une partie de ses créances, plutôt que de solliciter dans le cadre d’un waiver ses prêteurs ou investisseurs obligataires, pour qui la demande n’a rien d’automatique !

Les opérations dites ‘spots’ obéissent aux mêmes grands principes que les opérations récurrentes (programmes d’affacturage) en matière de déconsolidation en IFRS : la quasi-totalité des risques et avantages liés à ces créances doivent être transférés au factor pour que les créances soient sorties du bilan de l’entreprise cédante. L’absence de recours du factor envers le cédant est au cœur de la structure : le risque de crédit est transféré à l’assureur-crédit ou, plus rarement, supporté directement par le factor sur « ses fonds propres ». Les cessionnaires (factors, banques…) se prémunissent du risque de dilution (non-paiements liés à des litiges, compensations, erreurs de facturation et autres non valeurs) en mettant en place un fonds de garantie. Le risque de portage et de retard de paiement est traité en augmentant la durée de calcul des commissions de financement précomptées (DSO + jours de sécurité).

Du point de vue d’un factor, une cession spot déconsolidante en IFRS est plus risquée qu’une cession dans le cadre d’un programme : à titre d’exemple, l’absence de compte dédié aux encaissements des factures cédées (qui est la règle dans les opérations ponctuelles car l’organisation des encaissements pour une période de quelques semaines ne saurait être changée) créé un risque de commingling sur le cédant ; aussi l’impossibilité d’ajuster par la suite la durée de calcul des intérêts précomptés augmente le risque de retard de paiement. En conséquence, l’appétit des factors est moindre et concentré dans ce cas sur des cédants au profil de crédit solide (car en effet, malgré l’absence de recours envers le cédant, le factor reste sensible dans son analyse à sa qualité de crédit !).

Le prix est également plus élevé, jusqu’à deux fois – toutes choses égales par ailleurs – celui d’un programme d’affacturage. Cependant, l’économie qu’une telle opération peut permettre de réaliser sur d’autres instruments financiers fait relativiser son coût. La possibilité de signer une cession spot en quelques semaines avant une clôture, malgré la nécessaire validation du montage par les commissaires aux comptes, en fait un outil particulièrement souple au profit du cédant.

Cette recrudescence actuelle des opérations d’affacturage déconsolidant, assez légitime au regard de la crise, conduira certainement les commissaires aux comptes, à suivre avec une stricte minutie le cadre des contraintes IFRS permettant de qualifier comme décomptabilisant un montage. C’est sûrement à avoir à l’esprit pour les opérations de fin 2020 et de 2021. Dans ce contexte, une base documentaire simple et lisible (convention de cession ou contrat d’affacturage), des débiteurs cédés bon payeurs et des quantums recherchés raisonnables sont d’autres facteurs clés de succès à avoir à l’esprit.

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