Domingos Antunes, responsable trésorerie et financement du groupe Décathlon, nous dévoile comment l’enseigne a repensé son organisation de trésorerie en misant sur la donnée comme levier stratégique. Retour sur cette transformation conçue avec Redbridge pour accompagner la montée en compétence de l’équipe, réduire les risques, optimiser le pilotage financier et, pour la suite, cibler des économies.

Pourriez-vous décrire brièvement l’organisation de la trésorerie du groupe Décathlon ?

Domingos Antunes : Décathlon est une enseigne de distribution de matériel de sports et de loisirs implantée dans 60 pays. Le groupe réalise un chiffre d’affaires annuel de 16 milliards d’euros à travers un modèle qui, outre l’activité de distribution, intègre de l’immobilier, de la logistique et des centres de productions. Ainsi, dans plusieurs régions, Décathlon est structuré localement en trois ou quatre entités aux cycles d’activité distincts.

Notre organisation de trésorerie s’est bâtie sur un principe de subsidiarité. Elle mobilise 144 personnes, à temps plein ou à temps partiel, réparties à travers les différentes zones géographiques où le groupe est implanté.

La diversité des pratiques de la trésorerie dans le monde, combinée au défi des décalages horaires et des cut-offs bancaires, rend impossible toute centralisation complète de la trésorerie. Néanmoins, l’évolution du métier de la trésorerie s’accompagne d’une exigence de spécialisation accrue des praticiens et nous amène à considérer une mutualisation des ressources à l’échelon régional.

Quels bénéfices attendez-vous de la mutualisation à l’échelon régional des ressources de trésorerie ?

La question s’examine sous les angles de l’efficience d’une centralisation accrue du cash, d’une réduction des risques – les liquidités conservées sur des comptes dans une zone et une devise bien maîtrisées étant toujours moins exposées que des avoirs dispersés dans des régions plus incertaines – ainsi que, du point de vue des équipes, d’un recentrage des missions et d’un renforcement des compétences.

Il y a trois ans, nous avons examiné les bénéfices d’une mutualisation des ressources de trésorerie pour la zone APAC à Singapour. L’étude a mis en évidence les avantages de la centralisation de notre cash et de la mutualisation des flux d’acquisition monétique. Elle a également souligné les limites de notre organisation décentralisée, fondée sur des collaborateurs polyvalents. En effet, ces dernières années, Décathlon avait développé un outil de trésorerie interne aux fonctionnalités avancées, mais qui s’est révélé peu exploité par les opérateurs.

Conçue au départ comme une validation de principe, cette analyse a ainsi ouvert la voie à une réflexion plus large en interne sur l’organisation cible de trésorerie.

Pourquoi avoir choisi de faire appel à un consultant pour définir le modèle opérationnel cible de la trésorerie ?

Mener un tel projet en interne est toujours un défi. Il est naturel de se raccrocher à l’existant et de sous-estimer l’ampleur des changements nécessaires. Nous avons donc ressenti le besoin d’un regard externe capable de nous sortir de notre zone de confort en confrontant nos convictions sur le modèle cible, les processus, les aspects techniques de la trésorerie, ainsi que sur la technologie et les outils.

Nous avons choisi Redbridge, partenaire de longue date de la direction financière de Décathlon. Nous apprécions l’expertise de ses équipes en matière de trésorerie, mais surtout, nous comptions sur leur rigueur et leurs prises de position affirmées pour nous aider à faire accepter et réussir ce changement.

Quel a été l’apport de Redbridge dans l’élaboration du nouveau modèle opérationnel cible ?

Les consultants de Redbridge nous ont poussé à intégrer des choix plus structurants, plus pérennes, qui permettent la montée en compétences de nos opérateurs de trésorerie.

Le cahier des charges a été révisé en tenant compte des contraintes liées à la communication bancaire, un domaine souvent méconnu des équipes de trésorerie. Nous avons ensemble fait le choix d’abandonner notre outil interne de trésorerie au profit d’une plateforme standard. Redbridge nous a aidés à distinguer les discours commerciaux des réelles capacités des éditeurs.

Enfin, l’intervention de Redbridge a permis de structurer et rythmer ce projet de transformation en séquençant et en coordonnant les tâches. Notre conseil a joué un un rôle clé dans la gestion de nos relations avec l’ensemble des partenaires, en veillant à ce que chacun respecte ses engagements lorsqu’il s’agit de délivrer.

Comment ce projet va-t-il transformer l’organisation de la trésorerie de Décathlon ?

Avec ce projet, Décathlon abandonne son système de trésorerie propriétaire, actuellement déployé dans 10 pays, pour le remplacer par deux modules plus standardisés : l’un dédié à la trésorerie centrale et aux Global Treasury Centers, l’autre destiné aux trésoreries locales.

Dans un premier temps, l’outil pour les centres de trésorerie régionaux sera déployé sous une version allégée, axée sur la gestion des paiements. Le Forex, principalement géré par la trésorerie centrale, sera traité séparément. Pour les trésoreries locales, la solution offrira un tableau de bord accessible aux directeurs financiers et aux contrôleurs financiers, leur fournissant une vue en temps réel sur la position de trésorerie, la dette et les prévisions.

En Europe, Décathlon a choisi d’implanter son centre de trésorerie régional au Portugal, où sont déjà basés un pôle comptabilité et des équipes de trésorerie. L’objectif est d’instaurer une organisation fluide, favorisant une communication efficace entre comptabilité et trésorerie afin de répondre rapidement aux demandes des responsables financiers locaux.

Où en est Décathlon dans le déploiement de son nouveau modèle et quelles sont les prochaines étapes du projet ?

L’outil de trésorerie est désormais sélectionné. Décathlon effectue actuellement des démonstrations (proof of concept – POC) au sein de ses centres de trésorerie régionaux, afin de valider les prérequis et de réaliser le bêta-testing des premiers modules.

D’ici fin 2025, l’objectif est de déployer un premier module cash sur un périmètre intégrant la holding du groupe ainsi que le centre de trésorerie régional APAC, qui sera implanté à Singapour. En parallèle, des POC seront menés dans les trésoreries locales asiatiques, notamment en Chine – un marché complexe pour la gestion de trésorerie – et dans un second pays plus standardisé, à savoir la Malaisie ou Hong Kong. En Europe, les tests seront réalisés en Belgique, pour refléter un environnement bien structuré, et en Suisse, un pays présentant des spécificités liées aux devises et à la diversité de ses activités.

Les modules connexes seront déployés progressivement, en commençant par le Forex, suivi des financements. L’objectif est de paralléliser les déploiements de nos différents modules afin de finaliser le projet courant 2026.

 

Pourquoi le nouveau modèle de trésorerie promet de transformer la gestion financière du groupe ?

Parce que nous allons disposer de plus de données pour piloter notre gestion financière. L’équipe IT dédiée à la trésorerie chez Décathlon compte sept personnes, directement rattachées à la direction financement-trésorerie du groupe. Jusqu’ici centrée sur la technologie, elle évolue vers une approche où la donnée, son accessibilité et sa qualité prennent une place prépondérante.

Grâce à cette orientation data, intégrée au cœur du projet, l’objectif est d’équiper le groupe d’un outil de trésorerie performant, capable de produire des prévisions précises et de s’adapter aux variations économiques et aux chocs géopolitiques sans complexité excessive.

Au-delà de la technologie, ce projet vise à recentrer les ressources de trésorerie sur l’analyse et la stratégie. Les équipes seront davantage en mesure d’optimiser les coûts de fonctionnement. Par exemple, Décathlon réalise chaque semestre des opérations de change pour un montant total de 8 milliards d’euros, sans que leurs coûts et frais associés ne soient réellement challengés. Ce projet ouvre donc la porte à d’importantes économies.

Une fois cette nouvelle organisation de trésorerie axée sur la donnée en place, il reviendra aux équipes d’identifier de nouvelles sources d’économies et de proposer des projets stratégiques alignés avec les attentes de la direction générale.

 

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