Les paiements électroniques viennent révolutionner les usages dans la sphère B2B, en fournissant des solutions innovantes aux entreprises de taille modeste et dont les transactions de faible montant autorisent un parcours client relativement proche de celui du monde B2C. Gabriel Lucas, Associate Director chez Redbridge, analyse ce phénomène en examinant les frontières de l’innovation dans le domaine des paiements interentreprises.

Cet article a été initialement publié dans le rapport Cross-Border Payments and Ecommerce 2023-2024 du magazine The Paypers. Téléchargez le rapport complet ici.

Comment décririez-vous le contexte actuel des paiements interentreprises ?

Le contexte actuel des paiements interentreprises est marqué par le souci de s’aligner plus étroitement sur l’expérience de paiement B2C.

Historiquement, les cartes de paiement et les paiements numériques se sont développées en Europe en servant une clientèle B2C, alors que dans d’autres pays comme les États-Unis, les entreprises sont plus habituées à payer par carte, même pour des transactions de grande valeur. Une des raisons est que les paiements B2B sont plus complexes, qu’ils impliquent des exigences plus importantes en matière d’intégration et qu’ils offrent généralement un délai de paiement de plusieurs semaines après l’émission de la facture.

Toutefois, les paiements numériques ont commencé à bouleverser la sphère B2B, en servant des entreprises de taille modeste et dont les factures sont de montant réduits, de sorte que le parcours du client est relativement proche de celui de la sphère B2C. De nombreuses entreprises B2B ont également lancé un canal B2C direct, via le commerce électronique, et se confrontent à un nouveau champ d’expertise.

 

À quels défis en matière de paiement les commerçants B2B sont-ils confrontés et quels sont leurs grands objectifs ?

Le principal objectif des entreprises est d’accélérer les processus de paiement et d’encaissement des commandes. Cela nécessite d’explorer des solutions de paiement innovantes pour faciliter des transferts d’argent plus rapides, ainsi que d’automatiser divers processus, de l’identification à la facturation, en passant par la relance et le rapprochement.

Une autre préoccupation typique des commerçants en matière de paiements est le coût, qui est particulièrement élevé lorsqu’il s’agit de cartes commerciales et de paiements transfrontaliers. Les commerçants peuvent essayer de limiter ce problème en négociant les commissions de transaction avec leurs prestataires de services de paiement et en explorant d’autres méthodes et solutions de paiement.

Dans cette quête d’automatisation et de baisse des coûts, il est devenu essentiel de moderniser la gestion des risques, y compris la gestion du risque client et du change, afin de garantir l’efficacité des processus d’encaissement et de décaissement. Enfin, il est devenu indispensable d’enrichir l’analyse des données et de donner la priorité à leur sécurité afin de rester compétitif.

 

Que proposent aujourd’hui les solutions innovantes ? Quelles tendances peut-on s’attendre à voir émerger prochainement ?

Comme les paiements B2B relèvent d’un cycle beaucoup plus long que les transactions B2C, il est extrêmement important de rationaliser les paiements en tant qu’élément clé du processus « order-to-cash » (de la commande à l’encaissement) :

– Open Banking (applicable à l’Espace économique européen – EEE) – l’exploitation des données de compte et l’initiation des paiements par Open Banking offrent une expérience de paiement plus fluide et plus sûre tout en améliorant l’efficacité opérationnelle par rapport aux virements SEPA traditionnels (SCT). Associé au paiement par lien, nous nous attendons à ce que l’Open Banking soit de plus en plus utilisé lorsque les factures électroniques deviendront obligatoires en Europe (d’ici à la mi-2024 pour les entreprises assujetties à la TVA).

– Paiement instantané (SEPA Credit Transfer Inst dans l’EEE) – les solutions de paiement instantané, qui permettent des transactions en dix secondes seulement, gagnent en popularité car elles ont été encouragées de manière proactive par les institutions européennes.

– Buy Now, Pay Later (BNPL) – cette option de paiement est la combinaison de paiements avec des services d’évaluation de crédit et d’assurance, et permet aux commerçants d’automatiser et d’externaliser davantage le risque inhérent à l’offre d’un délai de paiement.

Le pay-out est également un domaine dans lequel nous avons vu beaucoup d’innovation récemment dans le domaine du commerce interentreprises :

– Cartes virtuelles et programmes de cartes d’achat (P-Card) – ces programmes rationalisent le contrôle des dépenses et l’analyse des transactions, tout en générant des revenus pour le commerçant à partir de la commission d’interchange.

– Visa B2B Connect et Mastercard Send – des partenariats comme celui de Visa avec Swift visent à améliorer les paiements B2B internationaux, en offrant davantage d’options et une visibilité de bout en bout sur les transactions. De même, le partenariat de Mastercard avec B2B Pay vise à améliorer l’efficacité et la rentabilité des transactions internationales.

– Plateformes de paiement – ces plateformes se concentrent sur la rationalisation des processus et la gestion du change, rendant les transactions transfrontalières plus efficaces, tant du point de vue opérationnel que du point de vue des coûts, en regroupant les transferts d’argent et donc en réduisant le nombre de transactions – et en limitant, voire en supprimant, les intermédiaires (c’est-à-dire les banques correspondantes).

La gestion des notes de frais est un autre type de solution qui s’est largement répandu dans le domaine du B2B. L’accès facile aux transactions détaillées associées à leurs reçus ou factures respectives simplifie la déclaration des dépenses, remplaçant les processus lents et inefficaces tels que les feuilles de calcul et les enveloppes remplies de reçus.

 

Quels sont, selon vous, les facteurs clés de succès pour les commerçants B2B qui mettent en œuvre de nouvelles solutions de paiement ?

Les commerçants B2B qui cherchent à mettre en œuvre de nouvelles solutions de paiement doivent tenir compte de quelques facteurs de réussite essentiels. Tout d’abord, l’intégration de ces solutions avec les systèmes existants est primordiale, afin d’assurer une transition transparente dans le cadre d’initiatives de transformation numérique plus larges. Ensuite, une intégration efficace avec des ERP comme SAP ou AX et des plateformes CMS comme Magento 2 est cruciale pour créer une architecture de système intégrée et harmonisée. Enfin, la compréhension des contraintes budgétaires et le respect d’une feuille de route bien définie sont essentiels pour assurer le succès de l’opération.

 

Quel est votre conseil aux commerçants B2B qui hésitent encore à se convertir à l’innovation en matière de paiement ?

Mon conseil aux commerçants B2B qui hésitent encore à adopter innover en matière de paiement est de suivre une approche pragmatique et basée sur le retour sur investissement pour évaluer leur architecture de paiement.

Les commerçants peuvent commencer à évaluer leurs besoins actuels, en gardant à l’esprit que parfois de petits changements (quick wins) peuvent apporter des avantages significatifs. Ce processus devrait impliquer tous les départements concernés dans le processus de prise de décision, car la transformation des paiements est généralement un sujet transversal, sans pour autant que leur charge de travail ne soit trop importante. Cette approche collaborative garantit que les diverses perspectives sont prises en compte sans submerger les équipes et sans négliger aucun impact potentiel.

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