En préambule à la sortie d’un nouveau cahier technique de l’AFTE consacré à l’amélioration du besoin en fonds de roulement (BFR), Nicolas Boulay, associate director chez Redbridge et contributeur du rapport, nous livre ses clés d’un BFR maîtrisé. Une histoire de responsabilités, d’organisation, de data et d’hommes.

– Pourquoi améliorer le besoin en fonds de roulement est-il important pour chaque entreprise ?

– Le fonds de roulement est un élément central de la liquidité de l’entreprise. Dans les périodes où le crédit est abondant, sa gestion est parfois jugée moins prioritaire. Mais dès qu’une crise survient, les directions financières se souviennent que le financement interne est le levier le moins onéreux et le plus efficace pour affronter des « vents contraires ».

Optimiser le besoin en fonds de roulement (BFR) participe également à la rentabilité à long terme de l’entreprise. Gérer son fonds de roulement permet notamment de libérer du cash pour des objectifs stratégiques (croissance / acquisitions / recherche et développement / remboursement de la dette). Porter attention au BFR permet de renforcer l’efficacité des processus opérationnels de l’entreprise, réduire ses coûts et mieux maîtriser les risques. Un autre enjeu est d’améliorer la perception qu’ont de l’entreprise ses partenaires externes (analystes, actionnaires, partenaires, assureurs-crédits, banques…) Un dernier est de respecter plus facilement les covenants bancaires et ses échéances de crédit.

 

– Qui est concerné en premier chef par l’amélioration du BFR ?

– L’amélioration du BFR est l’affaire de tous. Il est important que le sujet soit porté et relayé par la direction générale, pour mobiliser les équipes autour d’un projet transverse. Aussi, l’optimisation du BFR entraîne-t-elle parfois des tensions entre les différentes fonctions impliquées dont les intérêts divergent parfois (équilibre prix d’achat vs délai de paiement pour les Achats…). La direction générale doit arbitrer les compromis et aligner les objectifs au sein du comité de direction. C’est d’autant plus important qu’il n’est pas toujours évident de déterminer les responsabilités au sein de processus complexes et transverses à une organisation. La direction générale doit ensuite s’assurer que ses décisions et objectifs seront communiqués à tous les managers opérationnels.

 

– Comment renforcer l’implication des équipes ?

– Souvent en faisant évoluer les mécanismes de calcul de la rémunération variable de chaque salarié. Le BFR est souvent négligé en raison d’un manque de conscience du sujet. Soit parce que c’est un indicateur qui n’est pas ou peu utilisé, soit parce que la problématique est mal expliquée aux employés et n’est tout simplement pas désignée comme prioritaire. Trop souvent, l’évaluation de la performance d’une organisation et de ses managers se fait à travers la marge opérationnelle.

Pour changer les priorités et les comportements en faveur du BFR, l’indicateur de Free Cash Flow doit compléter la batterie des mesures de la performance au sein les entreprises commerciales et industrielles. La prise en compte du BFR doit être déclinée dans chaque processus opérationnel (politique de crédit, politique d’achat, etc.).

Pour finir, il est important d’instaurer une Culture Cash pour susciter l’adhésion des parties prenantes. Pour ce faire, les financiers doivent faire preuve de pédagogie afin de rapprocher des concepts parfois abstraits des réalités terrain.

 

– Quel est le facteur clé de l’amélioration du BFR ?

– La collecte et la maîtrise de la donnée. Pour bien piloter le BFR, il faut réussir à collecter les données à des niveaux très granulaires dans une organisation. La qualité et la disponibilité de ces données dépendent de la complexité et de l’efficience des processus opérationnels sous-jacents, du nombre d’entités impliquées et de la maturité des systèmes d’information utilisés pour capturer et reporter cette donnée. Pour réussir cette transformation digitale, les entreprises doivent mettre en place deux fondamentaux. D’abord harmoniser la définition et l’interprétation des indicateurs BFR à travers les divisions opérationnelles et les systèmes d’information. Ensuite mettre en œuvre un ensemble de processus, rôles, règles qui permettront une utilisation efficace des informations afin d’atteindre les objectifs de pilotage de trésorerie. Des indicateurs simples, automatisés et compris de tous donnent une vision claire des enjeux en temps réel et favorisent la mise en œuvre rapide d’actions correctives.

 

– Pouvez-vous donner un exemple ?

– Je peux même en donner plusieurs ! Le premier qui me vient en tête est l’adaptation des processus de recouvrement à l’évolution en temps réel des comportements de paiement des clients. Que convient-il de faire lorsqu’un client voit sa note de crédit dégradée ? Comment adapter son processus de recouvrement au profil de crédit du client ?

Deuxième exemple, l’analyse des données permet d’identifier les fournisseurs offrant l’opportunité de négocier un nouveau contrat applicable au niveau groupe. C’est l’occasion de réaliser facilement des économies, et d’obtenir des termes et des conditions de paiement alignées.

Enfin, bien comprendre ses données permet d’optimiser le dimensionnement des stocks en modélisant les paramètres articles (stock de sécurité, délai d’approvisionnement, quantité minimum d’achat, niveau de réapprovisionnement…). Cela ouvre la voie à la modélisation prédictive de la supply chain !

 

– Quel rôle peuvent jouer les trésoriers sur ces problématiques d’amélioration du BFR ?

– Les organisations ont cruellement besoin de personnes capables de traverser les structures pour libérer l’information, faciliter la coopération entre les équipes et fédérer autour d’objectifs partagés. Ce rôle de facilitateur peut être endossé par le trésorier sur le sujet BFR.

Le trésorier est situé au carrefour des cycles achat et vente. Il est le garant de la liquidité. Il mobilise ses outils pour déterminer le besoin de financement et piloter son coût. Ses prévisions de trésorerie intègrent déjà la modélisation des cycles BFR et le cycle transactionnel de l’entreprise. La réconciliation des prévisions avec la position réelle de trésorerie, ainsi que l’analyse des écarts fournissent une première vision de la performance cash.

Le trésorier est le seul en mesure d’agiter le drapeau quand cette performance n’est plus au rendez-vous.

In fine, l’objectif d’un BFR mieux maîtrisé est de limiter son recours aux financements court terme (découvert bancaire, mobilisation de créances…). Le trésorier est donc un acteur central dans la diffusion de la culture cash via sa position hiérarchique (rattachement de la fonction credit management à la trésorerie), la prévision de trésorerie et le financement du BFR (reverse factoring, dynamic discounting, carte achat, etc.).

Son devoir est de faire prendre conscience des impacts d’une mauvaise performance cash sur le pilotage de la liquidité et les frais financiers associés. Cela nécessite d’adapter son discours à chaque interlocuteur et de faire preuve de pédagogie.

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