Comment évaluer le retour sur investissement d’un nouveau moyen de paiement ? A travers leurs expériences du Buy Now Pay Later, de l’orchestration des paiements, du SoftPos et de la lutte contre la fraude, les enseignes Back Market, Christian Louboutin et Thom Group ont illustré combien il est crucial de disposer d’un pilotage expert, orienté ROI, au service de la performance commerciale. Une table ronde très concrète et opérationnelle.

Comment évaluer le retour sur investissement d’un nouveau moyen de paiement ? La question taraude plus d’un responsable trésorerie, dont le rôle historique de prescripteur et garant de l’ensemble des aspects monétiques de l’entreprise s’est dilué ces dernières années. A l’origine de cette évolution, d’un côté la pression des départements ventes et marketing, souvent plus réceptifs, sinon à l’innovation, du moins aux discours bien rodés des prestataires de services de paiement qui les démarchent. De l’autre, une technicité croissante des solutions, qui requièrent des compétences en acquisition digitale et en optimisation de parcours client, éloignées des terrains traditionnels du trésorier. 

Ce croisement entre promesses commerciales, complexité technologique et exigence de rentabilité de la stratégie de paiement était au centre des interventions de trois responsables trésorerie d’enseignes prééminentes lors des dernières Journées de l’AFTE. En confrontant leurs expériences et analyses de l’introduction du paiement fractionné – Buy Now Pay Later (BNPL), ces panélistes avaient à cœur de démontrer l’intérêt d’avoir – fût-ce un trésorier ou un autre responsable – un expert orienté résultats pour mettre la sphère des paiements au service du développement des ventes et de la rentabilité. 

Sur l’estrade, trois grands noms du commerce tricolore. Christian Louboutin, représentée par Chloée Daullé, trésorière groupe d’une maison de luxe présente dans plus de trente pays, forte de 160 boutiques et d’une activité e-commerce particulièrement dense. Thom Group, avec Jérémy Hugues, directeur de la trésorerie groupe du leader européen de la bijouterie accessible, dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros et qui réunit des marques comme Histoire d’Or, Marc Orian, Trésor, Agatha, Stroili en Italie ou encore OroVivo en Allemagne. Et Back Market, incarné par Laurène Lecomte, directrice des paiements et de la lutte contre la fraude de la licorne française du reconditionné, présente dans dix-sept pays en Europe, aux États-Unis, en Australie et au Japon, pour environ 3 milliards d’euros de ventes annuelles. 

Trois modèles, trois niveaux de maturité digitale, une même conviction : le paiement n’est plus un simple passage obligé en fin de parcours client, dont il faut limiter la dérive des coûts, mais un levier décisif de conversion, d’augmentation du panier moyen et de fidélisation. 

Le BNPL au crible de trois experts

Chez Christian Louboutin, le BNPL a d’abord été analysé au prisme de cette exigence de rentabilité. La règle est simple : aucun nouveau moyen de paiement ni aucun outil n’est déployé sans hypothèse de ROI positive, documentée dès l’origine. « Les prestataires promettent souvent une hausse du panier moyen et de la conversion, mais nous avons constaté que, chez nous, les paniers BNPL sont en réalité plus faibles que les paniers classiques », souligne Chloée Daullé. Les équipes ont donc construit une grille d’analyse systématique : avant/après sur le taux de conversion, le panier moyen, le coût global – frais, commissions et charges induites –, l’impact sur la fraude et la charge opérationnelle. « Nous comparons ces données à des scénarios de référence pour vérifier si les promesses sont tenues. Si le ROI n’est pas démontré, nous n’activons pas le moyen de paiement, ou nous le limitons à certains marchés », poursuit-elle. 

Dans un univers où l’image de marque, le niveau de panier et la gestion du risque sont particulièrement sensibles, le BNPL devient ainsi un cas d’école : outil potentiellement intéressant, mais qui ne s’impose que s’il prouve sa valeur dans les chiffres, et pas seulement dans les présentations commerciales. 

Chez Thom Group, le BNPL fait figure de vieux compagnon de route, déjà largement éprouvé par le terrain. Pour autant, le sujet reste loin d’être trivial. Le paiement fractionné est perçu par la clientèle comme un facilitateur d’achat, permettant de s’offrir un bijou d’un montant supérieur sans augmenter la tension budgétaire immédiate. Mais, côté enseigne, l’équation financière doit être surveillée de près. 

Le risque de cannibalisation d’un moyen de paiement moins coûteux, l’augmentation des charges en cas de mauvaise maîtrise des délais de financement ou des taux d’impayés peuvent rapidement inverser la proposition de valeur. Jérémy Hugues attire notamment l’attention sur la différence de coût entre le paiement en trois fois et celui en quatre fois. « Le coût du financement du quatre fois est largement supérieur à celui du trois fois », rappelle-t-il. « Le client va naturellement demander du quatre fois si le choix lui est laissé. Proposer par défaut le trois fois, puis annoncer la possibilité de passer au quatre fois en augmentant le panier pour atteindre un seuil d’éligibilité, a du sens et améliore la satisfaction client ». 

Cette logique illustre une conviction forte : « l’acte de paiement fait partie intégrante de l’acte de vente ». Permettre à un client de s’offrir un bijou légèrement plus onéreux, grâce à un financement sans coût supplémentaire pour lui, devient à la fois un levier de panier moyen et un outil de fidélisation. Le BNPL est donc chez Thom un accélérateur commercial, mais sous haute surveillance, piloté par la trésorerie en étroite coordination avec les équipes commerce. 

Exclusivement accessible sur des canaux digitaux, Back Market apporte une autre lecture du BNPL, au prisme des données et du test & learn. L’enseigne a développé un indicateur spécifique pour évaluer la performance de sa page de paiement : le SCR (Successful Checkout Rate). « Le SCR, c’est le nombre de personnes qui ont réussi à payer, divisé par le nombre de personnes arrivées sur la page de paiement », explique Laurène Lecomte. « Une personne qui ferme son onglet sans même essayer de payer est donc comptée négativement dans le SCR ». 

A/B Testing

Pour affiner l’analyse, ce SCR est lui-même décomposé. Le Click-to-Pay Rate mesure la proportion de clients qui cliquent sur le bouton « payer » parmi ceux qui atteignent la page. Le Transformation Rate, lui, rapporte le nombre de paiements réussis au nombre de clients ayant cliqué sur « payer ». « Quand on ajoute un BNPL, le Transformation Rate a tendance à baisser, car certains clients sont rejetés pour des raisons de crédit. Mais ce qui compte, c’est de voir si l’on a généré plus de tentatives de paiement et, au final, plus de ventes, avec un SCR en hausse », précise-t-elle. 

Les campagnes d’A/B testing menées par Back Market ont livré un enseignement frappant : retirer une option de BNPL fait baisser la conversion globale. Différents profils de consommateurs sont attachés à des prestataires spécifiques ; supprimer l’un d’eux revient à fermer une porte à un segment de clientèle, même si l’offre générale peut sembler similaire sur le papier. Dans un environnement de marketplace très concurrentiel, le choix et la qualité d’intégration des solutions BNPL deviennent des variables différenciantes. 

Organisation des paiements

Au-delà du seul cas BNPL, se pose alors la question du pilotage de la stratégie de paiement dans l’entreprise. Qui tient la barre ? Qui est légitime pour arbitrer entre promesses commerciales, enjeux d’image, risques de fraude, impacts opérationnels et ROI ? 

Back Market a pris un parti clair en construisant très tôt une direction des paiements et de la fraude, avant même que la direction financière ne soit structurée. Cette entité, rattachée à la finance, agit comme véritable « business owner » vis-à-vis des équipes Produit et Tech. « Le paiement et la fraude ont une fonction tellement stratégique que nous avons une très tôt mis en place équipe dédiée, rattachée à la finance », explique Laurène Lecomte. Cette équipe travaille avec « des homologues dédiés côté produit, et des équipes tech dédiées – environ trente personnes », en précisant que « l’équipe comptable est systématiquement dans la boucle, en tant que contributeur indispensable ». 

Chez Thom Group, la configuration est plus classique, mais la trésorerie occupe une position centrale de coordination. « La trésorerie joue un rôle de garde-fou et de coordinateur pour garantir une vision globale et équilibrée », résume Jérémy Hugues. Il observe que, dans de nombreuses structures, le leadership opérationnel sur le paiement glisse progressivement vers les directions digitales ou le CDO. D’où la nécessité, selon lui, de poser quelques principes non négociables : « La trésorerie doit être impliquée – voire s’impliquer, s’imposer – dans toutes les réflexions liées aux moyens de paiement ; et elle doit prendre le lead dans tout RFP ou décision d’activation d’un nouveau moyen de paiement, en gérant la négociation des conditions financières et les impacts sur les outils, notamment la réconciliation comptable ». 

Chez Christian Louboutin, la trésorerie joue également ce rôle pivot, à la jonction du commerce, de l’IT et de la finance. Elle coordonne les équipes e-commerce et retail, gère la sélection et la relation avec les PSP et les banques, et pilote directement le risque de fraude et les outils associés.  

Trois exemples de stratégies gagnantes

Dans ce paysage, le BNPL n’est finalement qu’une illustration de la monétique comme levier de performance commerciale. Chacun des intervenants a mis en avant un succès récent qui dépasse le sujet du paiement fractionné. 

Back Market a mis en avant son projet d’orchestration des paiements. En mettant en concurrence plusieurs acquéreurs, en affinant les règles de routage des transactions et en tirant parti des spécificités locales, la plateforme a significativement amélioré ses taux d’acceptation. En orientant certaines cartes vers des acquéreurs domestiques appartenant au même groupe que l’émetteur, Back Market a gagné « près de dix points de conversion sur certains segments », générant « plusieurs millions d’euros de revenus additionnels ». La monétique y est clairement positionnée comme un levier de croissance à part entière. 

Chez Thom Group, le projet SoftPOS illustre de façon concrète le lien entre paiement et chiffre d’affaires. Dans un réseau de bijouteries sollicité lors de temps forts, la capacité à encaisser vite devient critique. En transformant smartphones et terminaux mobiles en points d’encaissement complets, l’enseigne a désengorgé les files d’attente et limité les ventes perdues. « Ce projet a permis de réaliser en moyenne 20 % des ventes via ce canal en période de forte affluence, avec des pics à plus de 50 % dans certains magasins », détaille Jérémy Hugues. Il a « évité des pertes de ventes et justifié le coût de déploiement par un gain de chiffre d’affaires direct ». 

Chez Christian Louboutin, la lutte contre la fraude a été érigée en véritable levier de performance. Avant le projet, le dispositif reposait sur un outil de scoring standard et une forte proportion de revues manuelles, de l’ordre de 15 à 20 % des transactions, avec un niveau de rejets jugé trop élevé. La mise en place d’un système complémentaire, fondé sur le machine learning et une base de données enrichie, a changé la donne. « Nous avons déployé un système complémentaire basé sur le machine learning et une base de données enrichie », explique Chloée Daullé. « Le pourcentage de transactions revues a été divisé par deux, les rejets ont fortement diminué et l’aide à la décision a considérablement fluidifié les processus ». Le résultat est une hausse nette du taux d’acceptation, une réduction du temps de traitement et un meilleur recentrage des équipes sur les clients à forte valeur, « tout en maintenant un niveau de fraude stable ». 

Reste la question, essentielle, de la fraude, qui clôturait la session. Pour Jérémy Hugues, l’objectif n’est pas d’atteindre un hypothétique risque zéro, mais de trouver le bon niveau. « Pas de fraude n’est pas nécessairement synonyme de gestion optimale de la fraude », rappelle-t-il. Un niveau de chargeback nul peut traduire un excès de blocages sur des transactions parfaitement légitimes, donc une destruction silencieuse de chiffre d’affaires. L’analyse doit descendre au niveau des motifs de refus, de leur origine – PSP, émetteur, règles internes – et du parcours d’authentification, notamment avec 3D Secure. « Trop de 3DS, c’est moins de frictionless, donc un taux d’acceptation en baisse », souligne-t-il encore. La gestion de la fraude devient « un jeu d’équilibre entre niveau de fraude et taux d’acceptation », qui doit être piloté conjointement par la trésorerie et les métiers – commerce, digital, service client. 

Chez Back Market, Laurène Lecomte constate de son côté une montée en puissance d’une fraude qu’elle qualifie de « commerciale » : abus des politiques de retour, fraude aux remboursements, litiges de type « commercial chargebacks ». « Les clients jouent sur le flou lié à la nature de la marketplace : qui a raison entre le vendeur et l’acheteur ? », note-t-elle. « Les fraudeurs s’adaptent et, par effet de vase communicant, ce sont les chargebacks commerciaux qui se retrouvent en première ligne ». La réponse passe par un renforcement des processus de remboursement et le recours à l’intelligence artificielle pour détecter les schémas récurrents et les comportements anormaux. 

Au terme de ces échanges, une ligne de force se dessine : la monétique n’est plus un simple centre de coûts. Entre BNPL, orchestration des paiements, SoftPOS, KPIs de conversion et pilotage fin de la fraude, elle devient un champ stratégique à part entière. À condition qu’un expert – trésorier, directeur des paiements, ou hybride des deux – prenne clairement en charge le sujet, avec une obsession : transformer chaque promesse de moyen de paiement en valeur mesurable pour l’entreprise. 

Emmanuel Léchère

Crédit photo : Charles de Toirac

L’euro digital n’est-il qu’une version publique du virement instantané ?

Lors de son keynote aux Journées de l’AFTE, Pierre-Antoine Vacheron, directeur général de Worldline, a rappelé une réalité simple mais dérangeante : déployer Wero et l’euro digital représentera un coût et un investissement pour l’ensemble des acteurs.

La vraie question devient alors : quelle valeur ajoutée à un virement émis par une banque centrale plutôt que par une union de banques privées ?

Les solutions de paiements instantanés comme Wero, couvrant la France, la Belgique et l’Allemagne, ou encore Bizum, pour l’Espagne et le Portugal, sont déjà opérationnelles. Pour Pierre-Antoine Vacheron, pas de rapprochement à envisager sur ces solutions pour l’instant. Le véritable enjeu est d’assurer l’interopérabilité : comment faire en sorte qu’un commerçant puisse accepter facilement tous ces wallets locaux, alors que chaque pays reste très attaché à sa solution nationale ?

Sur les stablecoins, la perspective est tout aussi structurante : avec le développement de l’« agentic commerce », la programmabilité des paiements pourrait devenir un puissant accélérateur de leur adoption. Un sujet qui devrait toutefois prendre plusieurs années, peut-être une décennie, selon le directeur général de Worldline.

À travers les éclairages des responsables trésorerie d’Atalian et Showroomprivéles dernières Journées de l’AFTE ont fait un point complet sur les différentes manières d’envisager l’affacturage, les implications opérationnelles de chaque  formule retenue et les facteurs clés de réussite.

Au cours de leurs carrières, Benoît Jacheet, directeur financier du groupe Showroomprivé, et Olivier Le Goff, responsable trésorerie groupe d’Atalian, ont eu des expériences bien différentes de l’affacturage : l’un en mode crise, l’autre suivant un objectif stratégique. Invité des dernières Journées de l’AFTE, Benoît Jacheet rappelle qu’avant Showroomprivé, qui a une clientèle de particuliers et n’a pas besoin de faire de l’affacturage, il intervenait comme « DAF urgentiste, dans des situations où il faut prendre des décisions rapides ». « Quand on veut chercher de l’argent, soit on cède des stocks quand il y en a trop, si on le peut, soit on mobilise son poste client ». Et ce dernier de citer l’exemple d’une mission au sein d’une société à court de liquidités pour honorer une échéance obligataire, qui affichait un DSO de 140 jours et des factures en déshérence. La solution du trésorier en pareil cas ? Une action coup de poing sur le recouvrement et la mise en place en urgence d’un programme d’affacturage, qui ont immédiatement redonné de la respiration.

Pour sa part, Atalian indique disposer d’un programme d’affacturage déconsolidant mis en place en 2011, d’une taille de 250 millions d’euros, multidevises, déployé dans sept pays (euro, zloty, couronne tchèque, leu roumain). « Atalian réalise un chiffre d’affaires de deux milliards d’euros. Notre programme d’affacturage représente le deuxième mode de financement du groupe, après notre ligne obligataire. C’est le pilier du financement du BFR », explique Olivier Le Goff.

Donc deux approches de l’affacturage, aux implications opérationnelles différentes. « En mode crise, les factors peuvent s’appuyer sur des contrats standardisés pour mettre en place un programme sous deux semaines, quitte à l’adapter plus tard. Dans le cadre d’une approche plus stratégique, il s’agit en revanche de prendre le temps de structurer des programmes pour financer des filiales partout dans le monde et regarder la déconsolidation là où elle est possible. Dans ce dernier cas, le projet prendra au minimum trois mois avec un auditeur attentif », fait valoir Olivier Lène, directeur de la structuration chez Factofrance.

Déconsolidation large

En phase opérationnelle, l’affacturage requiert un minutieux travail de mise à jour des bases clients pour optimiser la performance de son programme. Une exigence qu’Atalian décrit comme vertueuse, aux côtés d’autres bénéfices comme l’harmonisation des pratiques des filiales en matière d’intégration, de référencement et d’encaissement d’un nouveau client.

Avec son programme, la trésorerie d’Atalian a pour objectif de réduire à sa portion congrue la part des créances financées non garanties, en vue de les sortir du périmètre de consolidation de la dette. « Cela implique d’identifier les situations où une couverture devient possible, par exemple lorsque le chiffre d’affaires du client progresse ou que sa situation financière s’améliore. Le courtier peut alors aider à déterminer le rating », explique Olivier Le Goff. Ce dernier rappelle l’importance de travailler en relation étroite avec la comptabilité, les consolidateurs ainsi que la DSI. « Pour faire une cession en France, il faut quatre fichiers différents. Cette dimension de génération de fichiers est un véritable projet en soi ! »

Verification of Payee (VoP)

Au cours de l’atelier, les panélistes ont évoqué les conséquences du nouveau dispositif de vérification du bénéficiaire, ou Verification of Payee (VoP), entré en vigueur en octobre pour sécuriser les virements bancaires en vérifiant que le nom du bénéficiaire renseigné par le client correspond bien à l’IBAN du compte destinataire. Les grands groupes ont, dans leur immense majorité, recours à des programmes d’affacturage confidentiels, qui représentent plus de 50 % des créances cédées sur le marché français, selon Factofrance. « Si l’entreprise est organisée entre comptes de collecte et comptes de décaissement, il est possible de ne pas perturber le flux et de préserver le caractère confidentiel en s’appuyant sur un compte dédié, sur lequel le factor va prendre une garantie – cession Dailly en France, pledge et acknowledgement à l’étranger », explique Olivier Lène. À noter, l’affacturage confidentiel est interdit dans certains pays, par exemple en Suède.

Dans l’hypothèse où les créances seraient directement encaissées sur un compte ouvert au nom du factor, le maintien du caractère confidentiel du programme suppose de communiquer aux clients un nouveau RIB libellé au nom de l’entreprise, idéalement dans le même établissement bancaire que précédemment, sous réserve que le factor accepte cette banque.

Une communication fluide, facteur clé de succès de son programme d’affacturage

Que ce soit avec les clients, en interne ou avec son factor, la fluidité de la communication est l’une des clés de réussite d’un programme d’affacturage. « Si l’on ne se parle pas pendant une semaine, c’est que nous avons manqué quelque chose », souligne ainsi Olivier Lène pour Factofrance. « Il est indispensable d’organiser des points réguliers avec la direction financière pour suivre l’évolution du programme. Le factor voit parfois plus vite les dérives que la direction financière : nous sommes très attentifs aux taux de dilution ou aux avoirs qui sont concédés », fait-il valoir. « Il faut aussi comprendre les règlements partiels des créances : pourquoi ? D’où viennent-ils ? », ajoute Olivier Lène, selon qui le factor doit restituer à son client une information lisible et synthétique.

Atalian indique suivre plusieurs indicateurs : « Nous regardons combien nous avons financé pour chaque filiale, le chiffre d’affaires, la facturation, et nous nous interrogeons sur chaque variable qui dévie. Pourquoi ? Est-ce lié au business, à l’interface du factor, à un client non encore intégré dans le programme… ? », questionne Olivier Le Goff. En conclusion, un programme d’affacturage performant ne se résume ni à un contrat ni à un simple outil de financement : il repose sur un dialogue exigeant entre l’entreprise, sa direction financière et son factor, au service d’un pilotage fin du risque et de la liquidité.

Que peuvent attendre les trésoriers de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), qui coordonne l’action des régulateurs européens sur les sujets d’intérêt pour la profession comme l’Union de l’épargne et de l’investissement, la directive CSRD et Omnibus, le règlement EMIR sur les dérivés, MiCA, ou encore les stablecoins ? Lors des dernières Journées de l’AFTE, la directrice générale de l’ESMA, Natacha Cazenave, a fait un point complet.

L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a pour mission coordonner l’application des directives et règlements européens dans le domaine financier. Cette organisation, basée à Paris, a dans son champ de compétences une trentaine de textes dont plusieurs concernent directement les trésoriers sur les sujets de notation de crédit, de distribution des produits financiers et de régulations post marché. « Ce que vous pouvez attendre de nous ? Une autorité ouverte, pragmatique, à l’écoute des préoccupations, qui essaie de faire des règles claires qui vous permettent de conquérir des marchés », a lancé la directrice générale de l’ESMA, Natasha Cazenave, aux trésoriers participants aux dernières Journées de l’AFTE.

CSRD et Omnibus

Sur la CSRD et la directive Omnibus, la directrice générale a rappelé un point de principe : « La supervision du reporting de durabilité reste du ressort du superviseur national. » L’ESMA réunit ces superviseurs pour harmoniser l’application des reportings de durabilité, afin de parvenir à « une compréhension identique et une comparabilité pour les investisseurs ». Dit autrement, l’ESMA œuvre à faire converger les pratiques nationales pour que les informations en matière de reporting ESG publiées soient lisibles et comparables d’un marché à l’autre. Natasha Cazenave estime que les critiques des entreprises sur le sujet ont été entendues. « Il y a eu une remontée des professionnels pour dire “c’est trop”. » C’est dans ce contexte que « la directive Omnibus aura vocation à simplifier le reporting », tout en veillant à ce qu’il reste « cohérent avec ce que les autres acteurs, notamment les prêteurs bancaires ou investisseurs de marchés, ont besoin pour produire leurs reportings réglementaires ». L’objectif affiché est clair : avoir « une cohérence entre les textes », plutôt que des couches successives d’exigences qui se superposent sans articulation.

Sur la finance durable, l’Europe se réjouit d’avoir une forme de leadership. La valeur des obligations ESG s’élève à 2400 milliards d’euros, dont deux tiers en obligations vertes. C’est, selon Natasha Cazenave, « un marché qui fonctionne bien et est en train de se développer ». Le 21 décembre 2024, un nouveau règlement qui fonde un label de marché volontaire, pour les fonds qui ont 85 % d’actifs conformes à la taxonomie a été promulgué. Dans ce nouveau cadre, qui entrera en vigueur en 2026, l’ESMA sera responsable de superviser ces acteurs. « Plus d’une trentaine ont manifesté leur intérêt pour être soumis au nouveau régime qui entrera en vigueur l’année prochaine ».

Sur les données ESG, l’ESMA précise la ligne de partage retenue par les régulateurs : « Décision de ne pas réguler les fournisseurs de données ESG car il n’y a pas d’uniformité en la matière. » En revanche, les agences de notation ESG seront supervisées par l’ESMA. La frontière est donc tracée entre des agrégateurs de données très hétérogènes et des agences de notation dont l’influence sur les décisions d’investissement justifie un encadrement spécifique.

Abordant la digitalisation, les cryptoactifs, les stablecoins et la tokenisation des actifs, Natasha Cazenave constate que « l’innovation, leur foisonnement et la célérité de leur développement a de quoi surprendre ». Le règlement MiCA, qui développe un cadre réglementaire pour ces nouveaux actifs, « a été scruté par les régulateurs américains, britanniques et en Asie, car il s’agit d’une première tentative mondiale de poser un cadre qui régule tout en soutenant l’innovation ». Ce cadre se décline en trois niveau et l’ESMA indique désormais travailler sur l’agrément des acteurs. « Nous réunissons les autorités nationales pour qu’une réponse homogène soit donnée dans chaque Etats membres en matière d’agrément ».

Sur les stablecoins, Natasha Cazenave replace les choses en perspective : « le montant au global est très modeste par rapport au système financier, de l’ordre de 250 milliards de dollars ». Elle pose alors la question stratégique : « Comment l’Europe veut elle fonctionner ? ». L’ESMA apporte son soutien aux stablecoins euro. « Les tokens fongibles entre différentes juridictions posent question et nécessitent un approfondissement ».

Enfin, à propos de la tokenisation, l’ESMA reconnait la simplification et les cas d’usage bénéfiques de cette technologie dans des domaines aussi variés que post marché, l’accès aux actions à travers des dérivés, etc. « Nous cherchons à comprendre l’innovation, regarder là où elle peut soutenir la compétitivité et mettre des garde fous lorsqu’elle comporte des risques pour les investisseurs. » Autrement dit, accompagner les cas d’usage utiles, tout en encadrant les risques là où ils se manifestent.

Souveraineté

Alors que les questions de souveraineté sont au cœur des débats d’actualité, l’ESMA indique œuvrer à l’autonomie et l’efficacité des marchés européens. En ligne de mire, « le financement des priorités telles que la transition digitale, la défense et l’environnement qui constituent la feuille de route stratégique de l’Europe ». C’est pourquoi la Commission a lancé en 2015 l’Union des marchés financiers, dont la progression est souvent jugée lente mais demeure bien réelle pour connecter l’épargne des européens aux besoins d’investissement. Interogée sur une déclaration de Christine Lagarde, qui avait appelé de ses vœux l’émergence d’une « SEC européenne » en la personne de l’ESMA, la directrice générale reconnaît le caractère flatteur de la comparaison, tout en rappelant que les marchés américain et européen diffèrent profondément.

D’un côté, un État fédéral doté d’une architecture institutionnelle unifiée ; de l’autre, vingt-sept États membres qui doivent construire un projet commun et partager des compétences en matière de régulation financière. Natasha Cazenave insiste sur la nécessité de conserver ce modèle proprement européen, adapté à cette réalité. « Malgré des divergences culturelles, historiques et linguistiques très fortes entre États membres, les autorités de régulation nationales apprennent et réussissent à construire ensemble. Ce travail collectif est porté par la volonté de contribuer à l’intérêt général. » Et de rappeler en conclusion la devise de l’Union : « Unis dans la diversité ».

 

Crédit photo : Charles de Toirac

Une session des Journées a sonné l’alerte sur les capacités des fraudeurs nouvellement décuplées par l’intelligence artificielle. TotalEnergies et Natixis ont échangé sur la manière dont leurs organisations renforçaient en conséquence leurs dispositifs de contrôle interne et ont présenté comment l’IA pouvait aussi aider à maîtriser les risques de la fraude.

La session des dernières Journées de l’AFTE ayant pour thème Fraude et Intelligence Artificielle a croisé les points de vue complémentaires de Benoit Merquiol, en charge de l’analyse de la cybermenace au sein de la sûreté de TotalEnergies, Mathilde Placend, responsable de la sécurité des systèmes d’information et du risque technologique et numérique chez Natixis, et Philippe Gomes, responsable des partenariats et du développement international de Meelo, fintech française spécialisée dans la lutte contre la fraude et le risque d’impayés.

Très vite, un constat liminaire fût posé : l’IA ne change pas la nature de la fraude, mais elle en bouleverse l’échelle et la vitesse. Benoit Merquiol évoque la capacité désormais banale de créer « avec juste quelques commandes vocales un site web trompeur, un deepfake, etc. » Les barrières à l’entrée tombent, qu’il s’agisse des compétences techniques ou de la langue. Les campagnes de hameçonnage ne sont plus truffées de fautes grossières, mais impeccablement rédigées, souvent générées par IA, ce que Mathilde Placend qualifie de « professionnalisation des campagnes de phishing ».

Pour la responsable de Natixis, « les scénarios de fraude restent les mêmes, mais les techniques évoluent ». Deepvoice et deepfakes permettent de fabriquer une voix ou une image en quelques secondes à partir de contenus authentiques. Natixis a mis en place un laboratoire pour observer ces évolutions : « La capacité des deepfakes à s’améliorer est absolument étonnante », soulignant avoir observé des attaques à « 90 % coordonnées et pilotées par l’IA ».

Deepfakes vocaux

Les exemples sont concrets et parlants pour un trésorier. Benoit Merquiol revient sur un cas de deepfake vocal survenu il y a un an et demi, avec usurpation de la voix du président-directeur général via WhatsApp. « Ce n’était plus un SMS ou un mail, mais un message vocal, donc beaucoup plus crédible », explique-t-il. La victime, dirigeant d’une société récemment rachetée en Allemagne, connaissait mal les pare-feu internes et les pratiques anti-fraude du groupe, ce qui la rendait particulièrement vulnérable. Il évoque aussi des vidéos truquées, où le président du groupe semblait faire la promotion de plateformes d’investissement douteuses, à l’aide de logiciels de resynchronisation labiale, ou encore des faux passeports créés à partir des photos de profils de collaborateurs circulant sur les réseaux sociaux, « visuellement indétectables ».

Le secteur bancaire n’est pas épargné. Chez Natixis, Mathilde Placend rapporte des cas d’usurpation de numéros de téléphone de membres du senior management, souvent appuyés par des techniques de deepvoice, et des e-mails d’apparence irréprochable. Elle rappelle le cas spectaculaire d’un trésorier chinois ayant assisté à une fausse réunion de conseil d’administration en visioconférence, avant d’ordonner un virement de 24 millions de dollars. « La frontière entre le réel et le virtuel devient extrêmement ténue », prévient-elle, d’autant que les banquiers ont tendance à se fier à la reconnaissance de la voix et aux habitudes relationnelles.

Face à ces évolutions, Natixis a choisi de cadrer très strictement l’usage de l’IA afin de limiter les fuites. Chaque solution IA, qu’elle soit interne ou intégrée à un SaaS, fait l’objet d’un examen juridique et conformité. La charte informatique a été adaptée pour encadrer ces usages, mais les grands principes de sécurité au sein du groupe sont resté les mêmes : contre-appels systématiques, refus de tout changement d’adresse mail ou d’IBAN sans validation indépendante, vigilance accrue sur les opérations exceptionnelles. « Les procédures existent, il faut les respecter plus que jamais », insiste Mathilde Placend, en montrant régulièrement à ses équipes combien il est facile de générer un deepfake pour ancrer ce réflexe de doute.

La contribution de Meelo illustre, côté fintech, la manière dont l’IA peut renforcer les contrôles d’entrée en relation. Philippe Gomes rappelle que l’entreprise est née d’une fraude à l’identité touchant le fils d’un des cofondateurs, qui s’est retrouvé avec un crédit à la consommation à son insu. Meelo a développé une solution SaaS qui combine IA, open data et open banking pour sécuriser l’onboarding client et lutter contre la fraude à l’identité, la fraude documentaire et le risque d’impayés. Selon cette fintech, 85 % des PME et ETI auraient subi au moins une tentative de fraude au cours des douze derniers mois, contre 60 % en 2020. Pour y répondre, Meelo analyse cinq familles de données – identité, IBAN, SIREN, email, téléphone – et fait ressortir près de 400 signaux, comme l’historique du domaine de messagerie, les comportements atypiques, l’évolution des bilans ou la cohérence entre IBAN et SIREN. L’outil contrôle également les extraits Kbis via QR code et détecte les incohérences d’identité ou de documents.

On peut toutefois regretter que le panel n’ait donné la parole qu’à un éditeur de solutions, alors que l’écosystème des outils IA de lutte anti-fraude est désormais très large. Dans le domaine bancaire, des plateformes comme Feedzai proposent par exemple une prévention de la fraude et du blanchiment d’argent fondée sur l’analyse en temps réel des transactions et des comportements, à l’aide de modèles d’IA capables de détecter des anomalies sur de très gros volumes de données. En matière de vérification d’identité, des solutions comme Onfido (désormais intégrée à Entrust Identity Verification) combinent reconnaissance biométrique et contrôle documentaire pour valider des pièces d’identité provenant de dizaines de pays, tout en repérant les falsifications et tentatives de deepfake. Un panorama plus large de ces solutions aurait peut être permis aux trésoriers de mieux situer ce paysage et de comparer les approches.

Renforcer les fondamentaux de contrôle en interne

Reste l’essence de l’atelier, à savoir les conseils directement applicables aux directions de trésorerie. D’abord, ne pas supposer que la taille protège : « Tout le monde peut être une cible », résume Benoit Merquiol. Ensuite, renforcer les fondamentaux du contrôle en interne : séparation des tâches, double validation, documentation rigoureuse des opérations exceptionnelles, et refus absolu de traiter des instructions sensibles reçues uniquement par messagerie instantanée. Un simple message WhatsApp demandant un virement doit être perçu comme un signal d’alerte, jamais comme un canal de décision.

Interrogé sur la possibilité de sanctionner les fraudeurs, Benoit Merquiol reconnaît que « c’est très rare » : le fait de bloquer la tentative avant qu’il y ait préjudice complique l’engagement des forces de l’ordre. Le travail se fait alors davantage en amont, via des organismes internationaux comme Interpol, et en partage d’expérience entre acteurs, Meelo cherchant par exemple à mutualiser les enseignements tirés des fraudes détectées entre ses différents clients.

Pour les trésoriers, la conclusion est claire : les outils d’IA deviennent incontournables pour détecter et filtrer des signaux faibles que l’humain ne voit plus, mais ils ne valent que s’ils s’adossent à un contrôle interne solide et à une culture de vigilance partagée. Les fraudeurs perfectionnent leurs méthodes ; aux entreprises de perfectionner, elles aussi, leurs réflexes et leurs outils.

Les « regards d’experts » faisaient partie des nouveautés des Journées cette année. Un atelier consacré à la vérification du bénéficiaire (VoP – Verification of Payee) était animé par Matthieu Perret, responsable des offres de prévention de la fraude pour le cash management chez BNP Paribas, avec un objectif simple : partager des informations concrètes avec les trésoriers sur ce sujet de la VoP désormais au cœur de la sécurisation des flux.

Les principes clés du Verification of Payee (VoP)

Le VoP est une nouvelle obligation réglementaire qui s’impose aux banques et aux PSP/PSIP prise dans le cadre de la régulation des paiements instantanés. Il s’agit d’un service de vérification du titulaire du compte, fondé sur la recherche d’une concordance entre un IBAN et l’identité du titulaire. Le retour peut prendre plusieurs formes :

  • Match
  • Close match
  • No match
  • Absence de résultats

Par extension du périmètre de la réglementation, l’ensemble des virements SEPA est concerné, mais pas les prélèvements SDD ni les virements non SEPA. La banque doit proposer ce service de vérification avant la validation du paiement.

Le service peut également utiliser un identifiant spécifique (dans Sepamail, on avait l’habitude de saisir le SIREN), mais cet identifiant spécifique reste optionnel : la banque doit être en mesure de le vérifier, mais toutes ne proposent pas encore ce type de contrôle. À ce stade, le taux de couverture sur ces schémas VoP fondés sur des identifiants optionnels reste assez faible.

Retour d’expérience depuis le Go Live du 9 octobre

Depuis le Go Live du 9 octobre 2025, le VoP est opérationnel, avec des modalités différentes selon les canaux.

À l’émission, le service est proposé avant l’exécution du virement.

  • En e-banking, il n’y a pas d’impact technique majeur : la banque renvoie un match ou un close match, ce qui peut impliquer une mise à jour des bases de données du client. Reste la question des no match : faut-il décider d’avancer malgré tout ? Cela génère un coût opérationnel supplémentaire pour la trésorerie (vérifications, contrôles, échanges internes et avec les tiers).
  • Sur les canaux host-to-host, le VoP peut être utilisé dans les fichiers de paiement par batch. Les banques françaises ont fait le choix d’un opt out par défaut : pour bénéficier du service, l’entreprise doit l’activer dans son outil ou via une balise dans son API. Le retour sur cette demande passe par les canaux host-to-host, sous la forme d’un Payment Status Report (PSR, CAMT / PAIN 002).

Cela suppose pour les entreprises :

  • de savoir recevoir ces PSR,
  • de savoir les lire et les traiter correctement,
  • de vérifier si leur TMS intègre déjà ces messages et sait les exploiter.

À la réception : l’importance de se rendre « lisible » pour ses tiers

En réception, l’un des points d’attention majeurs tient à la qualité de l’identification de l’entreprise par ses partenaires. Il est important que les tiers connaissent bien vos dénominations commerciales pour tracer correctement les flux.

Plusieurs cas posent aujourd’hui problème :

  • Les PSP qui collectent des paiements pour le compte de commerçants : le compte appartient au PSP, ce qui fait que l’information ne matche pas, alors même que le flux est légitime.
  • Le factoring : le VoP fonctionne bien lorsqu’un compte de l’entreprise est nantit auprès du factor. En revanche, lorsque le factor ouvre un compte en propre, utilisé pour encaisser pour le compte du client, le VoP ne fonctionne pas : les tiers se tournent alors vers l’entreprise pour valider ce compte.
  • Les dispositifs de type COBO : le client ne connaît pas le compte centralisateur, ce qui complique les vérifications.
  • Les VBAN : le point déterminant reste le rattachement au compte physique sous-jacent.

Un Go Live réussi, des taux de match en progression

Le lancement opérationnel posait un défi important : connecter 3 000 PSP en Europe en moins de 18 mois. Le message délivré lors de l’atelier était rassurant : « cela fonctionne ».

  • Un premier jalon a été posé le 9 octobre 2025 pour les pays de la zone euro.
  • La date butoir est fixée à juillet 2027 pour les pays de l’UE hors zone euro.

Les premiers chiffres montrent :

  • Un démarrage à environ 50 % de match,
  • Une progression vers des taux de 66 % de match,
  • Des taux de close match très variables selon les communautés bancaires et les typologies de clients (grands comptes vs particuliers), avec parfois des niveaux jugés « alarmants ».

Le close match est toutefois présenté comme transitoire, le temps que tous les acteurs mettent à jour leurs bases de données.

Les vérifications impossibles recouvrent plusieurs cas :

  • comptes hors scope,
  • banques en incident,
  • banques n’ayant pas adhéré au schéma VoP.

En France, le taux de vérifications impossibles est inférieur à 1 %. Il peut en revanche augmenter sensiblement pour certains pays (Autriche, Slovénie) où les communautés bancaires ont fait des choix d’implémentation différents. L’EPC doit apporter des clarifications additionnelles, pour permettre une montée en puissance progressive et une harmonisation des pratiques.

Recommandations pratiques pour les trésoriers

Plusieurs conseils opérationnels ont été partagés à l’attention des entreprises :

  • Adapter la communication bancaire avec les tiers : bien renseigner la raison sociale et le nom du détenteur du compte sur les factures. La banque vérifie la raison sociale ; ajouter trop d’éléments (dénomination commerciale) ne facilite pas toujours le matching.
  • Pour les personnes physiques, nom et prénom devraient suffire.
  • Attention aux subtilités locales : certaines communautés bancaires n’acceptent pas comme perfect match l’ajout de « S.A. », d’autres refusent les variantes avec ou sans points (« SA » vs « S.A. »).

Aujourd’hui, les canaux digitaux sont essentiellement ouverts au VoP. Sur les canaux host-to-host, les banques évaluent encore leur capacité à absorber de grands volumes, ainsi que le volet communication associé.

Le VoP n’est pas obligatoire sur les fichiers signés, mais la plupart des banques envisagent de proposer ce contrôle y compris dans ce cadre. Certaines travaillent également à des offres « à la demande », permettant de vérifier les fichiers en amont pour les corriger et les amender avant envoi.

Prochaines étapes et limites actuelles

Des évolutions du rulebook sont attendues en 2026 pour améliorer le fonctionnement du service du point de vue des banques. Une version 2, en 2027, doit apporter des précisions sur les cas fonctionnels.

Enfin, des difficultés subsistent sur les fichiers de paiement de masse :

  • la banque va procéder à un premier contrôle de cohérence,
  • puis « débulker » le fichier et envoyer ligne à ligne les requêtes à son interlocuteur,
  • avec une obligation de retour en cinq secondes par requête.

Or la banque ne peut généralement pas envoyer plus de dix requêtes par seconde à un même correspondant, ce qui nécessite un certain temps de traitement. Il faut s’attendre sur un fichier de 10 000 lignes à un temps de traitement de quelques minutes. Sur un fichier d’un million de ligne, envoyer deux heures avant pour le contrôle fait sens. La banque enrichira le fichier d’une information VoP. La structure du fichier initial est donc conservée.

La première plénière des Journées a réuni sur scène, trois économistes brossant le portrait de notre monde en recomposition. Pour Ana Boata d’Allianz Trade, Tania Sollogoub du Crédit Agricole, et Jean-Marc Daniel de l’ESCP, l’enjeu pour les trésoriers n’est plus de prévoir de manière précise, mais de s’équiper pour naviguer dans l’incertitude.

Le métier des économistes est devenu plus ingrat. Les scénarios centraux n’ont plus la force qu’ils avaient autrefois, compliquant considérablement la gestion des risques. Pour Ana Boata, responsable de la recherche en économie chez Allianz Trade, « leurs probabilités se situent souvent en dessous de 50 %, plutôt vers 40 %, et se rapprochent en termes de probabilité des scénarios alternatifs, qui eux concentrent les plus grands risques ».

Cette instabilité découle, selon elle, en partie des politiques publiques. « Quand vous libérez 2 000 milliards de dollars pour financer l’innovation aux États-Unis ou au Royaume-Uni, vous créez mécaniquement un différentiel de trajectoire avec l’Europe si celle-ci ne suit pas. » Lorsque le système lui-même devient générateur d’instabilité, comment les agents peuvent ils lui faire confiance pour produire des solutions de stabilisation ? Les entreprises, notamment multinationales, doivent se préparer à des chocs sur les changes, à des ruptures de chaînes de valeur, à des tensions politiques durables. « Les entreprises ne sont pas encore assez équipées pour gérer ces risques financiers, climatiques, géopolitiques », prévient-elle.

Quelle spécialisation pour l’Europe ?

Sur un horizon plus long, la question cruciale pour l’Europe est celle des choix de spécialisation. « Nous devons absolument éviter la triangulation entre la Chine et les États-Unis en entrant en concurrence frontale sur les secteurs qu’ils considèrent stratégiques, comme l’intelligence artificielle », explique Tania Sollogoub, économiste senior en charge des pays émergents et des risques géopolitiques au Crédit Agricole. L’enjeu pour les économies européennes, selon elle, est de trouver son propre modèle, en identifiant des niches industrielles, technologiques et de services où s’affirmer. Cela passe aussi par une approche plus fine des pays et des marchés. « Pour opérer cette sélection, il faut regarder au-delà des statistiques. Les contrats sociaux, le cadre institutionnel, la direction que se donne chaque pays disent beaucoup de sa stabilité à long terme et de sa capacité à traverser les crises qui surviendront. »

Tania Sollogoub évoque le passage d’un monde « monopolaire » à un monde de « puissances multipolaire », porté par la démographie, la translation des capacités de production et des changements culturels. « La question centrale devient : qui va faire la norme ? Quand l’Arabie saoudite achète de la viande au Brésil, elle façonne la politique sanitaire brésilienne », illustre Tania Sollogoub.

À court terme, les projecteurs restent braqués sur les États-Unis. « La croissance est encore tirée par les États-Unis, qui pourraient faire 2,5 % quand l’Allemagne et la France sont à 1% et l’Italie stagne », constate Ana Boata. L’intelligence artificielle joue un rôle clé : « L’IA explique désormais un tiers de la croissance américaine. » Fait marquant pour des trésoriers exposés au commerce international, les droits de douane imposés par l’administration Trump n’ont pas provoqué d’inflation. « Les droits de douane n’ont pas été répercutés au consommateur américain : ce sont les exportateurs qui ont accepté des baisses de prix », souligne-t-elle. Dans sa vision mercantiliste, « l’administration Trump est très forte pour imposer à ses partenaires d’investir aux États-Unis en échange d’un maintien de l’accès à son marché ».

Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l’ESCP, insiste sur la rupture à l’œuvre outre-Atlantique. « En imposant des droits de douane sans consultation, l’administration Trump rompt le pacte fondamental des États-Unis, qui veut que les impôts sont votés par le Congrès. C’est une impasse démocratique et stratégique », prédit-il. Il rappelle aussi que « c’est la première fois que nous avons une puissance dominante aussi endettée », ce qui est une source d’inquiétude alors que « depuis 1971, accumuler des avoirs sur les États-Unis n’est plus lié à l’or ». À cela s’ajoute une polarisation extrême du système institutionnel américain. Tania Sollogoub pointe « une dérive du risque politique vers un risque institutionnel », les checks and balances étant de moins en moins en mesure de produire des compromis au Congrès. « Le cycle politique de la crise américaine est plus long que le cycle électoral. La polarisation mettra sans doute une génération à se résorber », estime-t-elle.

Investir dans les pays émergents

Dans ce contexte, comment les entreprises s’adaptent-elles ? Pour Ana Boata, la première réponse est simple sur le papier : « Dans un environnement de croissance faible, il faut aller chercher la croissance là où elle est, et elle n’est pas en Europe. » Deux tiers de la croissance mondiale viennent aujourd’hui des pays émergents, qui profitent d’un environnement de dollar moins agressif. « Ces économies sont encore mal connues, il faut donc être exposé aux bons clients et avoir une politique de risque prudente », insiste-t-elle. Parallèlement, les entreprises reroutent leurs chaînes de valeur pour réduire leurs risques systémiques : diversification des partenaires au-delà de la Chine, montée en puissance de l’Asie du Sud-Est, émergence de hubs comme la Malaisie. « Deux tiers des exportations chinoises vers les États-Unis passent désormais par d’autres routes du commerce », rapporte Ana Boata, ce qui génère des flux financiers complexes que les directions financières doivent maîtriser.

Indicateurs à suivre

Face à cette complexité, les intervenants ont livré une boussole minimale d’indicateurs à suivre. Ana Boata recommande de regarder en priorité la croissance économique, « qui donne un ordre de grandeur sur la dynamique des volumes », ainsi que l’inflation par sous-secteur ou les prix à la production, « de bons proxy pour la croissance du chiffre d’affaires ». Jean-Marc Daniel invite à surveiller le « différentiel de taux d’intérêt », classique, mais y ajoute un clin d’œil très contemporain : le cours du bitcoin, qu’il voit à la baisse. Tania Sollogoub, enfin, propose d’entrer résolument « dans l’ère de la géo-économie » et d’observer « qui construit aujourd’hui les infrastructures de la digitalisation et de l’IA ». À ses yeux, la Chine est en pointe, avec une « percée spectaculaire de solutions comme DeepSeek ». Les choix de dépense publique de chaque pays pointeront, selon elle, « sa trajectoire, ses priorités de souveraineté et sa capacité à être résilient, à absorber les chocs ».

Le message adressé aux trésoriers est double : accepter que la crise soit devenue le régime normal de l’économie mondiale, et se doter d’outils intellectuels et opérationnels pour traverser un « cycle de la peur », pour citer John Maynard Keynes, sans s’y laisser enfermer. Dans cet environnement, la gestion de trésorerie devient un art de pilotage fin entre scénarios incertains, chaînes de valeur mouvantes et États qui redéfinissent les règles du jeu.

Fort de ses enquêtes annuelles sur le financement des entreprises du SBF120, le cabinet de conseil en financement Redbridge met en avant l’affacturage et la titrisation de créances commerciales comme outil d’optimisation du BFR et du cash devenu couramment utilisé.

Cet article a été publié à l’origine dans le magazine L’Agefi.

Dans un climat de volatilité des taux et d’instabilité géopolitique, les entreprises cherchent à sécuriser leur cash et à maîtriser leur BFR (besoin en fonds de roulement). Ainsi, sur la période analysée 2020-2025, le BFR des entreprises du SBF120 (hors valeurs financières et foncières) augmente certes (graphique 1), mais le taux de croissance annuel moyen (environ 8% au global) est totalement en ligne avec la croissance du chiffre d’affaires durant cette période, et notamment le vif rebond post-COVID.

Dans le détail, ce BFR se décompose entre les comptes clients (et comptes rattachés), les comptes fournisseurs (et comptes rattachés) et les stocks, qui évoluent à peu près sur la même tendance.  Sur la dernière période, entre la fin 2024 et le 1er semestre 2025, la croissance du BFR est cependant davantage portée par les stocks, les comptes clients et fournisseurs, au contraire ayant tendance à diminuer légèrement depuis le pic de 2022. L’accumulation de stocks, souvent utilisée pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en période d’incertitude, alourdit le BFR, tandis que pour le poste clients, c’est précisément le recours accru à la cession de créances déconsolidante qui explique cette relative stabilité, après 2022.

 

BFR des sociétés du SBF 120 

En Mds€

BFR des sociétés du SBF 120

Source : Redbridge / Etude SBF 120 d’après rapports annuels (100 Corporates)

La solution de l’affacturage déconsolidant

Ce recours à l’affacturage et à la titrisation de créances commerciales s’est avéré d’autant plus incontournable que le cycle de conversion de trésorerie (graphique 2), qui exprime le nombre moyen de jours pour générer un euro de chiffre d’affaires pour un euro dépensé, s’est significativement allongé sur la période étudiée, passant de 30 jours avant 2022 à 54 jours en 2023. « Si le recours à cette pratique est aujourd’hui mainstream pour les grands groupes, c’est devenu un véritable outil pour améliorer le free cash-flow voire pour certains gagner quelques points de base de ratio de levier reporté », énonce Muriel Nahmias, managing director, conseil en financement chez Redbridge.

L’année 2022 est marquée par un choc d’inflation (matières, énergie, composants) qui a fortement gonflé le nominal du BFR clients, ce qui a accru les volumes de cessions de créances. Le pic s’explique également par plusieurs secteurs fortement exposés à ces hausses de coûts (énergie, automobile, équipements industriels), tous confrontés à une tension marquée sur leur BFR cette année-là. Le financement court terme restait par ailleurs encore relativement peu coûteux en 2022 (avant plein effet de la remontée des taux BCE), ce qui renforçait la relative attractivité de ces programmes.

Ainsi, les cessions de créances (avec ou sans recours, sous forme affacturage et titrisation de créances commerciales) des entreprises du SBF 120 représentent 30 milliards d’euros de financement à fin 2024 selon Redbridge, en forte progression de 30% par rapport à fin 2020 (graphique 3). « Ce qui représenterait à peu près 45% de notre estimation des encours de financement au regard des chiffres de l’ASF représentant les financements par les factors français au total », évalue Muriel Nahmias.

Plus généralement, sur l’ensemble des entreprises en France, selon l’Association françaises des sociétés financières (ASF), l’affacturage français constitue la deuxième source des financements court terme pour les entreprises françaises en 2024 (soit 35% de ce type de financement), après les découverts (près de 50%) et devant les créances commerciales (15%).

Le développement de l’affacturage et de la titrisation de créances a également été permise par une plus forte internationalisation (programmes cross border). D’ailleurs, sur 430 milliards de créances prises en charge par les factors français en 2024, 37% sont des créances internationales.

Cycle de conversion de trésorerie des sociétés du SBF 120

En nombre de jours de chiffre d’affaires

Cycle de conversion de trésorerie des sociétés du SBF 120

Source : Redbridge / Etude SBF 120 d’après rapports annuels (100 Corporates)

 

IFRS18, le chiffon rouge

Si la décomptabilisation, recherchée par la quasi-totalité des entreprises cédantes du SBF120, est parfois complexe à obtenir, l’arrivée de la norme IFRS18 liée à la présentation des états financiers au 1e janvier 2027 (avec antériorité au 1er janvier 2026) risque de changer la donne sur un autre aspect. « L’ASF, ainsi que l’ensemble des factors n’ont pas saisi l’enjeu de cette norme qui a surpris toute la place », souligne Muriel Nahmias. Car de fait, IFRS 18 concerne principalement la présentation, non le fond de la comptabilisation des créances cédées (qui relève de IFRS 9), mais cette nouvelle norme peut avoir des effets « indirects » sur la façon dont l’affacturage est rapporté. Ainsi, les frais liés aux programmes déconsolidants d’affacturage ou de titrisation de créance pourraient ne plus rentrer dans les charges financières mais devront être classés dans les charges dites d’exploitation, pour le motif qu’ils ne constituent pas un « financement », et ce y compris pour ce qui concerne la commission de pré-compte, alors que c’est déjà le cas aujourd’hui pour la commission d’affacturage pour les programmes qui en ont. « On peut cependant imaginer que comme avec la norme IFRS16, les corporates présenteront leur EBITDA hors IFRS18 », estime Muriel Nahmias. Néanmoins, certaines entreprises cédantes qui présentent aujourd’hui les frais d’affacturage et de titrisation de créances en résultat financier devront davantage être vigilantes sur leur communication financière et « éventuellement vont devoir recalibrer voire rediscuter avec leur prêteurs la définition de leurs covenants financiers », conclut-elle. Les entreprises cédantes doivent s’y préparer et simuler l’impact sur les indicateurs clés (résultat d’exploitation, résultat avant financement et impôt, EBITDA, covenants bancaires) pour évaluer l’incidence de la reclassification de certaines charges ou produits liés à l’affacturage ou à la titrisation de créances.

Financements via cessions de créances avec et sans recours des sociétés du SBF120

En Mds€

Financements via cessions de créances avec et sans recours des sociétés du SBF120

Source : Redbridge / Etude SBF 120 d’après rapports annuels

 

 

En octobre, Redbridge était à l’ePay Summit de Londres à la rencontre des commerçants pour discuter de sujets tels que la fraude dans l’e‑commerce, la réalité de l’open banking et les aspects pratiques de la mise en œuvre de moyens de paiement alternatifs — crypto et blockchain compris — dans les parcours de paiement du quotidien.

Tout au long de l’événement, nous avons observé que les participants partageaient la même conclusion : pour améliorer leurs processus de paiement, les entreprises doivent introduire le changement de façon délibérée, tout mesurer et fonder leurs décisions sur des données précises. Une ligne que Redbridge défend de longue date.

Le front de la lutte contre la fraude se déplace vers le « commerce agentique »

Les participants ont discuté de la manière dont le front de la lutte contre la fraude se déplace, à mesure qu’évolue la menace, avec l’entrée en action des agents IA dans l’écosystème du commerce. Une nouvelle forme de fraude agentique émerge : des agents automatisés peuvent imiter la navigation humaine, passer commande et même déclencher des litiges infondés. Pour les spécialistes du risque, détecter ces bots est un vrai défi. 

Deux techniques aident à mener ce combat. Premièrement, la centralisation des données de paiement — acquéreurs, passerelles et systèmes internes — permet de détecter les nouveaux schémas de fraude et de réduire les faux positifs. L’enjeu consiste à nettoyer et normaliser la donnée. Deuxièmement, l’usage d’analyses adaptatives —  des modèles de risque et des règles qui s’ajustent au fil des comportements — devient essentiel. Les surfaces d’attaque — la somme de tous les points d’entrée et vulnérabilités d’un système, d’un réseau ou d’une organisation qu’un attaquant peut exploiter pour obtenir un accès non autorisé, voler des données ou causer des dommages — s’élargissent. Lorsque les entreprises s’appuient sur des données fragmentées, elles refusent trop de commandes légitimes tout en manquant des attaques coordonnées. À titre d’exemple, le rapport annuel 2024 du Merchants Risk Council indiquait que les commerçants rejetaient environ 6% des commandes ecommerce reçues en raison de soupçons de fraude, et que la plupart déclaraient des taux d’«insultes clients» (faux positifs) compris entre 2% et 10%. 

Les règles de rétrofacturation (chargeback) évoluent également. Le cadre Compelling Evidence 3.0 de Visa permet aux commerçant d’utiliser l’historique de transactions antérieures non contestées pour réfuter plus efficacement le “firstparty misuse” (lorsqu’un porteur conteste une transaction légitime, intentionnellement ou non). Cela devrait être utile face aux litiges déclenchés en aval par des erreurs d’agents ou des abus opportunistes. Mais la preuve n’aide que si l’on peut la retrouver: un argument de plus en faveur de la consolidation et de la gouvernance centrale de vos données de paiement. 

Parallèlement, les recommandations sectorielles sur le commerce agentique soulignent un nouvel objectif de contrôle : Know Your Agent. Les tokens, les indicateurs d’authentification et des signaux standardisés d’ « identité d’agent » compteront autant que la télémétrie et l’analyse comportementale pour distinguer l’automatisation utile de l’automatisation hostile. Visa, Mastercard et d’autres commencent à définir ces signaux; les responsables du risque doivent élaborer des stratégies de détection et d’autorisation en partant du principe que le trafic initié par des agents deviendra la norme, pas l’exception. 

La montée des transactions pilotées par l’IA : du concept à la réalité

Les achats agentiques deviennent une réalité. Visa a introduit son service Intelligent Commerce et des outils associés pour permettre à des agents IA de confiance de payer au nom des utilisateurs. Mastercard a présenté des services «compatibles agents» et des partenariats pour rendre les paiements pilotés par agents plus sûrs et plus interopérables. En parallèle, de grandes plateformes et assistants intègrent le paiement dans des expériences conversationnelles, avec des partenariats qui amènent le passage en caisse avec un portefeuille digital (wallet checkout) directement dans les interfaces IA. Aujourd’hui, cela couvre des achats simples et des réassorts; à moyen terme, cela devrait s’étendre au paiement de voyages, billets et services récurrents. 

Beaucoup de commerçants ne sont pas prêts, et pour cause. Il faut mener des expérimentations pragmatiques insérées dans les flux existants, en commençant là où le risque est concentré et le ROI mesurable. Exemples: autoriser des réassorts initiés par agents pour des clients connus; limiter les achats d’agents à des paniers préapprouvés avec plafonds de dépense; exiger des identifiants tokenisés et, le cas échéant, une authentification forte; mesurer le parcours pour comparer la performance agent vs humain (acceptation, fraude, retours, Net Promoter Score (NPS)). 

Données, interface utilisateur et optimisation du checkout : petits changements, grands effets

Les échanges sont revenus sans cesse sur les abandons de panier liés à des formulaires trop contraignants. De simples ajustements d’interface utilisateur — réordonner les champs d’adresse, améliorer le remplissage automatique des champs, accepter plusieurs formats de code postal — améliorent l’autorisation en réduisant les erreurs de saisie et les incohérences AVS (Address Verification Service). Des années de recherche sur la validation du panier (checkout) montrent que la plupart des sites souffrent encore de frictions évitables et que des améliorations ciblées peuvent générer des gains de conversion à deux chiffres. 

Côté risque, aligner l’AVS et l’identification du client (KYC) sur les schémas connus de fraude plutôt que sur des règles générales réduit les refus inutiles sans affaiblir les défenses du commerçant. Les prestataires de paiement recommandent explicitement de calibrer le poids accordé aux différents codes AVS; de même, les plateformes modernes de risque permettent un traitement postautorisation plus nuancé, en combinant signaux d’adresse, tokens et historique. Lorsque requis, les contrôles d’identité supplémentaires doivent rester proportionnés et contextuels; la friction KYC est une cause connue d’abandon lors du paiement. 

Une bonne plomberie permettant la circulation des données est indispensabmle. Les équipes qui consolident les données des acquéreurs, des PSP et de systèmes internes — puis les interrogent pour dresser une liste d’indicateurs de performance qui fait sens — sont les mieux placées pour repérer les refus corrigeables, isoler des problèmes spécifiques à certains émetteurs et distinguer la vraie fraude des erreurs de bonne foi. C’est l’objectif d’une analyse des paiements rigoureuse: des données propres et centralisées au service des décisions opérationnelles sur l’acceptation, le coût et le risque. 

Stablecoins : fort potentiel, adoption limitée

Les stablecoins captent une attention certainement disproportionnée au regard de leur usage réel dans la sphère du commerce. Selon des estimations EYParthenon, ils pourraient représenter 5 à 10% des paiements mondiaux, majoritairement en transfrontalier et en processus de trésorerie plutôt qu’en paiements consommateurs. Parmi les entreprises qui acceptent les stablecoins, une part significative rapporte des économies à deux chiffres lorsque les flux sont bien conçus. Globalement, nous observons des signaux prometteurs pour les trésoriers, en particulier sur le corridor USD/EUR, mais une demande plus réduite dans la sphère du commerce de détail. Les commerçants ont intérêt à explorer des cas ciblés: règlements plus rapides, paiements fournisseurs ou transferts de trésorerie. 

Open banking et régulation : créer de la valeur de manière responsable

L’open banking était également présent dans les discussions, pour souligner que son véritable apport dans les paiements de compteàcompte (AccounttoAccount, A2A) était intrinsèquement lié à la mise à disposition d’avantages de type carte : possibilité de remboursements, des incitations dans le cadre de programmes de fidélisation.  

Deux évolutions réglementaires comptent particulièrement pour l’open banking. Premièrement, le remboursement obligatoire au RoyaumeUni des victimes de fraude aux virements autorisés (APP fraud) sur Faster Payments est entré en vigueur en octobre2024. Deuxièmement, le Data (Use and Access) Act2025 modernise les cadres de partage de données et de “Smart Data”, en élargissant les bases légales et la gouvernance des accès. Ces changements affecteront la manière dont les commerçant, prestataires de services de paiement et fintechs collectent et partagent les données de paiement. 

A l’occasion du dernier EuroFinance qui s’est tenu à Budapest, les trésoriers d’entreprise ont partagé leurs expériences en matière de prévision de trésorerie, opérations de change, paiements, automatisation de la trésorerie et architecture des données.

L’IA y fut présentée …

comme un outil permettant de générer plus rapidement des informations exploitables à destination des équipes de direction, tout en réduisant les interventions manuelles. Les prévisions de trésorerie et l’automatisation des processus représentaient les champs d’application de l’intelligence artificielle les plus mis en avant par les participants, mais d’autres domaines furent présentés, notamment en matière de Forex ou encore de codage permettant de faire dialoguer entre eux des systèmes d’information.

Prise de pouls des trésorerie européennes

Interrogés en session sur les activités pour lesquelles l’IA leur serait utile, les trésoriers citent en premier lieu les prévisions de trésorerie (38 % des réponses), puis l’automatisation des processus (32 %). Cependant, plus de la moitié des personnes interrogées déclarent que leur entreprise n’utilise toujours pas l’IA pour établir des prévisions, tandis que près d’un tiers déclarent “explorer” comment utiliser cette innovation. 

92 % des participants à la session consacrée à « l’IA  et l’automatisation »  indiquaient utiliser l’IA dans leurs activités quotidiennes de trésorerie. Ce pourcentage très élevé pouvait reflèter un caractère sophistiqué, sinon biaisé du panel assistant à la session. Mais lorsque la question a porté sur la manière dont l’IA était utilisée, les réponses furent plus terre-à-terre : rédiger et peaufiner des e-mails, résumer de longs fils de discussion et des présentations, analyser des données qui auraient pris des heures à mettre en forme il y a encore un an.  

Etat des lieux de l’IA dans les processus de trésorerie

Les différentes sessions ont livré un aperçu de comment les équipes de trésorerie expérimentent l’IA. Kathy Brustad, directrice de la trésorerie mondiale et des services financiers chez Microsoft, a détaillé comment son département trésorerie utilise des modèles d’apprentissage automatique pour aider à prévoir les retards de paiement et renforcer ses prévisions de trésorerie, tout en utilisant l’IA générative pour convertir en SQL des questions formulées en anglais courant en vue d’interroger des ensembles de données structurées. Ainsi la trésorerie de Microsoft est-elle parvenue à réduire le pas de ses prévisions, limiter ses erreurs de routine et consacrer plus de temps à la prise de décision. 

Microsoft n’est toutefois pas la seule trésorerie à avoir expérimenté l’IA pour fiabiliser ses prévisions. Il y a un an déjà, Redbridge avait écrit sur le chantier de longue haleine mené sur le même sujet par le Groupement Les Mousquetaires. Dans les deux cas, les équipes livrent le même enseignement : pour renforcer ses processus de prévision de trésorerie en faisant appel à l’IA, il faut disposer de données saines, d’une gouvernance claire et d’un spécialiste à l’oeil acéré chargé de corriger en temps quasi-reel les biais et les dérives des modèles et des bases de données.  

FX and hedging: human judgment still vital

Au cours de la conférence EuroFinance, l’IA a également été évoquée sur le sujet de la gestion des opérations de change, mais toujours avec une intervention humaine. Nita Baindur, vice-présidente associée et trésorière adjointe chez Agilent a souligné comment l’IA peut aider à cartographier plus systématiquement les expositions, à proposer des couvertures et à détecter les anomalies. « L’humain intervient sur la décision du niveau de couverture » , a-t-elle déclaré, ajoutant que « même si l’IA vous donne la réponse, c’est vous qui êtes finalement responsable ».  

« L’IA ne nous remplace pas » : conséquence pour les modes opératoires

Le titre d’un atelier l’indiquait clairement : « L’IA ne nous remplace pas » . Comme l’a fait remarquer Garima Thakur, trésorière chez Creative Artist Agency, le véritable avantage de l’IA réside dans la rapidité d’exécution de certains process longs. Même constat, les trésoriers continueront à prendre les décisions, mais leurs compétences évoluent.  

A cet égard, l’atelier intitulé « Codage pour les trésoriers : ingénierie rapide pour plus d’efficacité » a mis en avant des méthodes pratiques pour améliorer le traitement des données et l’interopérabilité entre les systèmes d’information. Mario Del Natale, directeur de la trésorerie – trésorerie digitale monde chez Johnson Controls, a montré comment des prompts précis et un code simple peuvent rationaliser le reporting et la manipulation des données. Son constat ? Les équipes IT surchargées de travail ne peuvent pas traiter rapidement toutes les demandes de l’équipe de trésorerie. Les trésoriers capables de coder, avec l’aide et le soutien bienveillant de l’IT, contribueront donc à créer de la valeur plus rapidement. 

Bots et automatisation

L’automatisation robotisée des processus (Robotic Process Automation ou RPA) s’adapte à l’avènement de l’IA. Les experts du panel « Automatisation des processus de trésorerie : l’évolution des RPA à l’ère de l’IA » ont discuté de la manière dont les robots «  intelligents »  peuvent désormais gérer des flux plus complexes, interagir via des API et réduire les problèmes de réconciliation entre les systèmes. Des intervenants de Booking Holdings et BAT ont décrit comment la RPA moderne peut aider à combler les manques d’interopérabilité entre les systèmes d’information utilisés par la direction financière, mais ont unanimement souligné l’intérêt de disposer d’une stratégie plus large en matière de données et de systèmes, plutôt que d’un simple dispositif correctif pour des entrées erronées.  

Un robot peut être soit un outil permettant d’accélérer le processus, soit le signe que les données en amont doivent être corrigées. Dans un sondage rapide réalisé pendant la diffusion, la majorité des équipes de trésorerie ont déclaré qu’aucune automatisation formelle de leurs activités n’était encore en place, tandis qu’environ un tiers (32 %) ont déclaré utiliser des robots RPA et une proportion plus faible (10 %) ont déclaré combiner déjà la RPA et l’IA.  

API : plus difficiles à mettre en œuvre que ne le suggèrent les brochures

Les discussions relatives à l’IA ont régulièrement abordé le thème de la connectivité. Sans données structurées disponibles, même le meilleur modèle est voué à l’échec. Le panel « Faire progresser les API : interopérabilité et automatisation avancées” réunissait des représentants des trésoreries de Bolt et Groupe Legris, aux cotés de l’éditeur Kyriba. Les panélistes ont présenté en quoi les API permettent de réduire les interventions manuelles et renforcer la visibilité sur les flux de trésorerie à l’échelle d’un groupe, tout en déplorant qu’il restait souvent en bout de chaine au niveau de l’ERP ou du TMS un « dernier processus » difficile à automatiser.  

La session a laissé entrevoir la lassitude vis-à-vis des API gagnant un certain nombre de trésoriers. BAT a notamment indiqué avoir stoppé ses projets après avoir été confronté à des problèmes de coût, de complexité et de retour sur investissement incertain. En ligne de mire, l’incohérence des normes d’interoperabilité et les problèmes persistants d’agrégation des données, qui transforment ce qui devrait être des solutions « plug and play » en des mois de travail interne, au détriment de questions plus prioritaires. Une voie pragmatique pour aller de l’avant avec les APIs consiste à utiliser des connecteurs pré-construits lorsqu’ils existent et à se concentrer sur des projets à forte valeur ajoutée et peu complexes. En somme, à gérer les API comme un portefeuille de projets, avec des étapes claires et des critères d’abandon !  

Data Lakes et visualisation

La session « Data Lakes : créer et connecter un ensemble de données aux systèmes de trésorerie »  a exploré comment la centralisation des données bancaires, ERP, TMS, de marché et de portail bancaire aide à constituer des ensembles de données cohérents pour les prévisions de trésorerie, la planification de la liquidité et l’analyse des risques. Il s’agit d’une première étape pour l’IA en vue d’aider à identifier et à préparer ces ensembles de données pour les modèles en aval. La réussite dans ce domaine dépend moins de l’utilisation d’une plateforme d’une marque largement reconnue que de la gouvernance. Le travail interfonctionnel des services informatiques et comptables est essentiel à la réussite de tels projets.  

Une fois que les données sont fiables et combinées, la visualisation devient un levier de réussite. La session « Montrez-moi à nouveau ces données : outils de visualisation pour les trésoriers » a souligné comment les tableaux de bord interactifs, les graphiques et les analyses préétablies aident la trésorerie à passer du reporting à la compréhension. C’est là que les modèles génératifs s’avèrent déjà utiles en résumant les mouvements, en mettant en évidence les anomalies, en rédigeant des commentaires et en préparant des vues prêtes à l’emploi pour les dirigeants, à condition que les données sous-jacentes soient complètes et à jour.  

Gouvernance, risques et la question de l’IA

Les trésoriers ont souligné à plusieurs reprises l’importance de la confidentialité, de la sécurité et de l’analyse des données. L’article « L’IA ne nous remplace pas » a bien résumé la situation : alors que certaines entreprises testent des modèles internes pour garder le contrôle des données sensibles, d’autres utilisent des modèles externes, mais avec des autorisations strictes et des contrôles stratégiques en place. Dans tous les cas, les équipes juridiques, de sécurité informatique et de trésorerie se réunissent autour d’une même table. Le modèle qui conviendra à votre environnement dépendra de votre appétence pour le risque, de votre cadre réglementaire et de la maturité de votre architecture de données. 

Gabriel Lucas, Director – Conseil en monétique chez Redbridge, nous livre ses réflexions détaillées sur la manière d’aborder l’étape du paiement dans les modèles de vente par abonnement, en vue de préserver la fidélité de l’abonné et la durée de vie de la relation client.

Cet article a été publié à l’origine dans le magazine The Paypers.

L’abonnement, une valeur client qui se renforce avec le temps

Le modèle de l’abonnement a révolutionné la commercialisation de nombreux biens et services, en particulier dans la sphère digitale. En contrepartie d’un accès continu à une prestation de service, les abonnements fournissent des revenus prévisibles aux plates-formes de streaming, aux éditeurs de jeux vidéo, aux éditeurs de logiciels familiaux et professionnels, ainsi qu’aux médias en ligne, pour ne citer que ces exemples. Pour ces acteurs, acquérir un nouvel abonné n’est qu’une première étape de la relation client. Il convient ensuite de fidéliser ce client et en la matière, le volet paiement joue un rôle important.

Chaque cycle de facturation porte le risque de voir le paiement échouer. A défaut d’être récupéré, cet échec peut provoquer le départ du client sans intention manifeste de sa part de résilier. Le taux de désabonnement involontaire est souvent négligé. Or, selon Stripe, il peut représenter jusqu’à la moitié des désabonnements. Autant dire que traiter ce problème permet à moindre coût d’améliorer sa rentabilité. Pas besoin de consacrer des efforts marketing supplémentaires, ni de renforcer son produit ou son service. Juste de mobiliser des connaissances et du savoir-faire en matière de paiement.

Pourquoi la stratégie de paiement est-elle essentielle ?

De nombreux échecs de paiement sont récupérables. L’amélioration de la logique de représentation du paiement, du routage et de la communication avec les clients peut réduire considérablement les transactions échouées et maintenir les utilisateurs actifs. Plusieurs leviers sont particulièrement efficaces.

  1. Parcours client clair et communication proactive

Tous les paiements en échec ne sont pas définitifs. Une transaction refusée aujourd’hui peut être représentée et traitée avec succès quelques jours plus tard, si le compte dispose du crédit ou des autorisations de l’émetteur. Aussi, une communication proactive en matière de relance est essentielle. Des notifications claires et opportunes par e-mail, SMS ou messages push doivent encourager les clients à mettre à jour leurs informations de paiement ou à résoudre rapidement les problèmes. Fournir des liens directs pour mettre à jour en un clic ses informations ou effectuer le paiement améliore les taux de recouvrement, tout en préservant l’expérience utilisateur.

  1. Reprises intelligentes et innovations

La logique de représentation intelligente (smart retry logic), souvent améliorée par l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique (Machine Learning – ML), s’adapte de manière dynamique à la raison spécifique pour laquelle un paiement a échoué, qu’il s’agisse d’un solde insuffisant, d’un problème temporaire lié à l’émetteur ou d’une autre cause. Elle tient également compte du moment optimal pour la représentation, par exemple immédiatement après le jour de paie, ou en fonction des préférences de l’émetteur, des délais de reprise et des historiques de réussite. Cette approche basée sur les données améliore les taux de recouvrement tout en préservant, là encore, l’expérience client.

  1. Routage et redondance

Le fait de s’appuyer sur un seul prestataire de services de paiement (PSP) ou acquéreur expose les commerçants à des refus inutiles. En effet, les taux de réussite des autorisations varient selon la zone géographique, l’émetteur et le type de transaction. Des pannes temporaires ou des mises à jour des règles de lutte contre la fraude peuvent également entraîner une hausse des échecs de paiement.

Le routage des transactions via plusieurs prestataires ou la mise en place de solutions alternatives réduisent la dépendance du commerçant et améliorent son taux d’acceptation. Cette approche est particulièrement pertinente pour les acteurs internationaux, parce que les acquéreurs locaux affichent souvent de meilleures performances sur leur propre marché. L’orchestration des paiements devient alors une nécessité stratégique ! Elle peut jouer un rôle clé dans la transformation numérique, en aidant les commerçants à surmonter les contraintes liées aux technologies existantes et en favorisant la mise en place d’infrastructures de paiement plus agiles et pérennes.

En fin de compte, l’objectif est de rendre le recouvrement des paiements simple et transparent, en traitant les clients comme des utilisateurs précieux plutôt qu’en les pénalisant pour des problèmes de paiement. Étant donné qu’il n’existe pas de système de paiement unique adapté à tous les modèles commerciaux, il est essentiel pour la plupart des commerçants de procéder à une évaluation approfondie avant de définir leur architecture de paiement cible.

Les paiements comme moteur de croissance et de fidélisation

Réduire le taux de désabonnement permet de fidéliser les clients, mais agit plus globalement positivement sur la rentabilité, l’efficacité marketing et la valorisation de l’entreprise. Dans les entreprises proposant des abonnements, de légères baisses du taux de désabonnement ou du taux de récupération peuvent avoir un impact cumulatif significatif, en particulier lorsqu’elles s’appliquent à une large base d’utilisateurs ou enregistrent des coûts d’acquisition de clients élevés. Les investisseurs examinent de plus en plus attentivement des indicateurs tels que :

  • La rétention brute des revenus (GRR),
  • La rétention nette des revenus (NRR),
  • La valeur vie client (LTV).

Chacun de ces indicateurs est influencé par la manière dont les échecs de paiement sont gérés.

Pour comprendre et réduire le taux de désabonnement lié aux paiements, les entreprises ont besoin de mesures appropriées. Celles-ci doivent aller au-delà des indicateurs financiers traditionnels et refléter la dynamique des échecs et des recouvrements. Les indicateurs clés sont les suivants :

  • Taux de désabonnement involontaire (en pourcentage du taux de désabonnement total),
  • Taux d’acceptation,
  • Taux de recouvrement,
  • Délai moyen de résolution des paiements en échec.

Conclusion : penser réabonnement, pas uniquement acquisition

Les paiements par abonnement sont des moments de vérité vécus à répétition. Chaque cycle de facturation est l’occasion de confirmer la valeur ou de perdre des clients en silence. Des systèmes de paiement robustes utilisant une logique de représentation intelligente, un routage flexible, la tokenisation du réseau, des services de mise à jour des cartes et une communication centrée sur le client constituent un levier stratégique essentiel pour la croissance.

Dans l’environnement concurrentiel actuel, caractérisé par des coûts d’acquisition en hausse et une fidélité fragile, il est essentiel de considérer les paiements comme un outil de croissance stratégique plutôt que comme une simple infrastructure pour assurer un succès durable.

Dino Nicolaides, Managing Director – Royaume-Uni et Irlande chez Redbridge, invite les centres de trésorerie à renforcer leur impact au sein des grands groupes à travers l’optimisation de leurs frais et services bancaires. Sa recette d’une renégociation fructueuse, synomyme d’économies, se résume en trois mots clés : transparence, benchmark et approche holistique. 

Suivre et négocier ses frais bancaires
Un enjeu souvent sous-estimé

Pourquoi les frais de cash management sont-ils rarement regardés de près par les centres de trésorerie ?

– Dino Nicolaides : Les centres de trésorerie constituent de puissants leviers de performance opérationnelle pour les groupes internationaux. Cependant, ils ne dérogent pas à la règle et éprouvent les mêmes difficultés que tout service de trésorerie en matière de suivi et d’optimisation des frais bancaires.  

Les frais associés aux services de cash management sont fréquemment relégués au second plan par les directions financières, face à d’autres enjeux jugés plus stratégiques dans la relation banque-entreprise. Pour les centres de trésorerie, auxquels la relation bancaire est souvent imposée par le groupe, la maîtrise du coût de ces services s’éloigne encore davantage des priorités opérationnelles. 

La complexité de suivre ses frais bancaires constitue un autre défi. La facturation des services de cash management est rarement limpide : les relevés de frais sont difficiles à comprendre et à obtenir. Ils recèlent de nomenclatures opaques, ce qui complique le suivi et l’analyse précise de la prestation de services et de son coût. Beaucoup de trésoriers admettent manquer de repères et d’outils pour évaluer ces frais dans le détail. Faute de bases de données de prix externes fiables et exhaustives, le sujet des frais de cash management se limite souvent à des discussions très générales. In fine le centre de trésorerie accepte par défaut des niveaux de frais bien supérieurs à ce qu’ils devraient être. 

Il y a aussi, en toile de fond des discussions sur les services de cash management, la crainte de détériorer la relation bancaire en pinçant trop agressivement les coûts. Pourtant, avec la bonne méthode, il est permis d’obtenir des conditions beaucoup plus avantageuses tout en préservant, voire améliorant, l’équilibre de la relation bancaire. 

Quelles sont les étapes clés d’une renégociation réussie de ses frais bancaires ?

– Concrètement, la première étape consiste à collecter et centraliser les relevés de frais bancaires en vue de faire parler les données. Nous commençons par une analyse fine des reportings & factures bancaires, pour identifier clairement quels services sont facturés et dans quels volumes. Cette radiographie permet de détecter les frais indus, de supprimer ceux qui sont superflus et de se recentrer sur les services réellement utiles à la trésorerie. C’est un travail d’investigation, fastidieux mais indispensable pour objectiver la situation.  

Une fois en main cette vue précise des tarifs pratiqués par vos partenaires bancaires, il devient possible d’évaluer la compétitivé-prix de chaque prestation de services. Chez Redbridge, nous disposons pour cela d’une base de données mondiale unique, enrichie depuis plus de 25 ans au fil de nos missions auprès des groupes européens et américains. À l’aide de nos outils technologiques propriétaires, nous comparons (benchmark) chaque ligne tarifaire afin d’estimer le potentiel d’économies réalisable, tout en maintenant une relation bancaire équilibrée.  

Enfin, armés de ces analyses, nous entamons une négociation structurée avec les banques – généralement via un appel d’offres ou des discussions bilatérales – en veillant à garder un dialogue équilibré et constructif. C’est cette trilogie « objectiver, comparer, négocier » qui fait toute la différence. Au bout du compte, nous transformons une situation jusque-là subie (des frais qu’on pensait incompressibles) en une opportunité d’optimisation significative et durable. 

Ne négliger aucune piste !
Frais de change, excédents de cash et vision globale

 

Au-delà des frais de cash management à proprement parler, quelles autres pistes d’optimisation les centres de trésorerie devraient-ils explorer pour maximiser les gains ?

– Il ne faut pas se cantonner à la simple grille de frais de cash management. Il existe d’autres gisements d’économies à portée de main, à commencer par les frais de change. Le foreign exchange (FX) – ou plus exactement les marges prises par les banques sur les opérations de change (Spot / Forward / Swap) – représentent un coût non négligeable pour les groupes qui travaillent beaucoup avec l’international et / ou réalisent des transactions dans plusieurs devises. Nous constatons fréquemment des écarts significatifs de marge d’une banque à l’autre pour une même opération. En analysant finement les différentes composantes ces marges et en les comparant à des benchmarks de prix de marché, un potentiel d’optimisation important se révèle fréquemment. Une renégociation structurée des conditions de FX peut ainsi aboutir à des tarifs de change beaucoup plus compétitifs, sans pour autant changer les process ou perturber les opérations quotidiennes. C’est une façon « d’optimiser sans douleur » un poste de dépense souvent peu visible dans les comptes. 

Autre piste d’optimisation : la rémunération des soldes excédentaires. Ce sujet est redevenu central avec la normalisation des taux d’intérêt. Pendant des années de taux proches de 0, beaucoup de trésoreries laissaient dormir des liquidités sur des comptes courants sans rémunération, car l’enjeu semblait mineur. A l’époque des taux négatifs, certains payaient même pour maintenir des soldes excédentaires ! Aujourd’hui, avec des taux positifs, ne pas faire travailler ce cash excédentaire représente un coût d’opportunité réel. Il y a donc un vrai intérêt à se pencher sur la valorisation de ces soldes : négocier avec ses banques pour obtenir des conditions améliorées sur le cash centralisé bien sûr, mais sur les soldes à vue non centralisés également.  

Il est donc indispensable d’avoir une vision exhaustive de l’optimisation de ses services bancaires ?

– Vous l’avez compris, la démarche gagnante est holistique. Plutôt que de traiter chaque sujet en silo (d’un côté les frais cash management, de l’autre les marges des changes, plus loin la trésorerie excédentaire), il faut les envisager ensemble. Ces leviers d’optimisation se renforcent mutuellement. D’ailleurs, les résultats parlent d’eux-mêmes : dans un cas récent, la seule renégociation de la grille tarifaire cash management offrait déjà un beau potentiel d’économie. Mais en y intégrant en plus les frais de change puis la rémunération des dépôts, l’économie totale potentielle a quintuplé. Chez ce client, nous avions modélisé trois scénarios : renégociation des frais cash management seuls, à laquelle s’ajoutait ensuite l’optimisation des coûts FX, puis un dernier scénario englobant en plus une négociation des intérêts sur soldes excédentaires. Chaque trajectoire apportait un gain significatif, mais l’approche globale a permis de maximiser la valeur pour le client. À l’arrivée, ce grand groupe – qui payait annuellement 1,07 M€ de frais cash management sur cinq pays – a vu son poste de coûts se transformer en source de revenus (0,56 M€), tout en respectant sa stratégie de relations bancaires. C’est bien la preuve qu’une vision étendue et structurée de l’optimisation porte ses fruits. 

Graphique – Exemple de renégociation holistique des frais de cash management  

Scénario A : renégociation de la grille tarifaire
Scénario B : intégration des problématiques FX
Scénario C : approche holistique intégrant la rémunération des soldes à vue 

Source : Redbridge – Conseil en Cash Management, Septembre 2025 

Pouvez-vous résumer en conclusion l’approche développée par Redbridge en matière d’optimisation des frais et services bancaires et comment cette approche est taillée pour les environnements les plus complexes ?

Chez Redbridge, nous étudions diverses solutions permettant de gérer plus efficacement la trésorerie multi-comptes de nos clients. L’important est de disposer d’une vision holistique et dynamique : combiner le meilleur des outils technologiques, des benchmarks de marché et de l’expertise humaine pour optimiser en continu. C’est ainsi que même dans des environnements complexes – avec de multiples banques, comptes et devises – on parvient à transformer la complexité en opportunité. Chaque compte, chaque service bancaire, chaque centime de frais peut être discuté, dans le respect des partenariats en place. À la clé, on trouve un triple bénéfice : des économies substantielles, une efficacité opérationnelle accrue et une meilleure transparence pour la fonction trésorerie. C’est un message d’optimisme que j’adresse aux centres de trésorerie : même si votre organisation est contrainte, des marges de manœuvre existent. Avec une approche structurée, vous pouvez reprendre la main sur vos frais bancaires – et dégager de la valeur là où, hier encore, vous n’en voyiez pas. 

Gabriel Lucas, Director – Conseil en Paiements chez Redbridge, observe comment la convergence entre les paiements instantanés et les services « overlay » d’Open Finance agissent en catalyseur des paiements de compte-à-compte.

Article initialement publié dans la magazine The Paypers.

Paiements de compte à compte : des avantages évidents… mais une adoption encore restreinte

Les paiements de compte à compte (Account-to-Account ou A2A) apportent des bénéfices tangibles aux commerçants : règlement en temps réel, frais réduits et, conséquence directe, meilleur contrôle de la trésorerie. Pourtant, leur développement reste encore pour l’heure limité, malgré l’existence d’infrastructures bien établies – comme SEPA Instant en Europe, FedNow ou RTP de The Clearing House aux États-Unis – et de cadre réglementaires de référence tels que la seconde directive sur les service de paiement (DSP2) et l’open banking.

Quelques succès remarquables comme celui d’iDEAL aux Pays-Bas, UPI en Inde ou Pix au Brésil prouvent que la réussite est possible — mais souvent difficile à reproduire. En Europe, Wero et EuroPA sont, à l’instar de Pay by Bank de Fiserv aux Etats-Unis, des challengers crédibles à l’hégémonie des paiements par cartes. Pourquoi ces solutions n’ont-elles pas encore obtenu le succès qu’elles visent ?

Le point de vue du consommateur : pourquoi changer ?

Si les paiements A2A constituent une évidence pour les commerçants, leur proposition de valeur reste bien moins convaincante du point de vue des consommateurs. Les cartes et les portefeuilles numériques ont bâti leur fidélité sur la valeur ajoutée : protection de l’acheteur, assurances, cashback, programmes de fidélité, facilité d’utilisation en un clic.

À l’inverse, les solutions A2A restent à ce jour souvent perçues comme compliquées, opaques et moins sécurisées. Elles manquent de notoriété auprès du grand public, offrent peu ou pas de protection en cas de litige et nécessitent généralement plusieurs étapes pour compléter un paiement. Sans incitation significative ou expérience utilisateur équivalente, les consommateurs restent attachés à leurs habitudes — et n’intègrent souvent même pas l’A2A comme une option de paiement.

Le vide réglementaire : la DSP2 et après

La DSP2 a posé les bases de paiements de compte à compte sécurisés via des API, mais n’a pas traité des éléments clés comme l’expérience utilisateur ou la valeur consommateur. Les banques, confrontées à un potentiel commercial limité comparé à la rentabilité de leurs activités cartes, ont relégué au second plan l’investissement dans les interfaces de paiement.

De plus, l’interdiction de la surfacturation — censée protéger les consommateurs — a privé les commerçants d’un levier essentiel pour les orienter vers des moyens de paiement plus économiques comme l’A2A. Ce décalage réglementaire empêche les commerçants de promouvoir activement ces solutions, malgré leur fort potentiel pour réduire les coûts. Une solution puissante mais souvent négligée existe toutefois en Europe : inciter les paiements A2A de façon conforme, via des remises ou des récompenses, et offrir ainsi une valeur claire et directe au consommateur.

Que peuvent faire les commerçants — avec ou sans réglementation ?

La réglementation peut favoriser l’adoption, mais ce sont les commerçants qui détiennent le vrai levier d’accélération des paiements A2A, en particulier dans les secteurs à forte valeur unitaire (luxe, électronique, voyage) ou à faible marge (grande distribution, places de marché). Des acteurs mondiaux comme Ryanair ou Walmart démontrent comment l’intégration proactive des paiements A2A permet d’allier économies et engagement client.

Parmi les stratégies efficaces pour favoriser l’adoption des paiements de compte à compte, citons :

  • Clarifier l’avantage : rendre la valeur évidente, par exemple avec des promotions du type « Économisez X % en payant avec la solution… ».
  • Renforcer la confiance : mettre en avant la sécurité, les politiques de remboursement et de litige, et normaliser l’usage de l’A2A via des témoignages clients.
  • Fluidifier l’expérience : intégrer l’A2A directement au paiement, supprimer les redirections et activer les connexions biométriques ou les confirmations instantanées.

Open Finance : là pour combler l’écart

La DSP3 et le règlement sur l’accès aux données financières (FIDA) devraient standardiser et élargir l’accès aux données, mais leur potentiel transformateur réside surtout dans l’émergence d’innovations centrées sur l’utilisateur, bâties au-dessus des infrastructures de paiement, appelées services « overlay » d’Open Finance. Des fonctionnalités telles que la visibilité en temps réel du solde, l’agrégation de comptes, les incitations dynamiques ou les remboursements instantanés peuvent amener les paiements A2A à rivaliser — voire surpasser — la commodité des cartes, en y ajoutant de la valeur (cashback personnalisé, achats répétés sécurisés en un clic, etc.).

Pour les banques et les fintechs, l’Open Finance ne se résume pas à des questions de conformité. L’Open Finance offre l’opportunité de passer du rôle de fournisseur d’infrastructure à celui de créateur d’expérience. Quant aux prestataires tiers, il ouvre la porte à des solutions A2A sur mesure pour des verticales comme les abonnements, le voyage ou le luxe. Dans ce contexte, l’A2A dépasse le simple statut de moyen de paiement : il devient une plateforme de différenciation et un levier concurrentiel.

Ce qu’il faut retenir de l’A2A

Les consommateurs n’adoptent pas un moyen de paiement parce qu’il coûte moins cher aux commerçants ou qu’il repose sur une infrastructure plus efficace. Ils changent leurs habitudes lorsque l’expérience est meilleure, que la valeur est claire ou que les incitations sont plus fortes.

Pour libérer pleinement le potentiel de l’A2A, l’écosystème doit changer de perspective :

  • passer des infrastructures aux récompenses,
  • des API à l’expérience,
  • de la réduction des coûts à la création de valeur pour l’utilisateur.
L’A2A peut devenir un véritable catalyseur de changement, surtout dans les secteurs sensibles au prix ou à faibles marges — mais seulement si les commerçants prennent l’initiative d’offrir de meilleures expériences et de partager une partie de la valeur avec les utilisateurs. D’ici là, l’A2A restera un géant endormi : techniquement prêt, commercialement prometteur, mais encore en attente de son moment de gloire.

Cet article a été initialement publié dans le Account-to-Account Payments Report 2025 de The Paypers, qui analyse les tendances mondiales, les acteurs majeurs, les partenariats et la prochaine phase de l’évolution des paiements A2A.

Les corporates français stabilisent leurs performances au premier semestre, mais la dette progresse et les dépenses d’investissement se contractent.

Principaux agrégats financiers des sociétés non financières du SBF 120 à fin juin 2025 (*)

Focus 1 : Agrégats opérationnels – en Mds€

Focus 2 : Agrégats financement – en Mds€

Source : Redbridge – Structure de financement des corporates du SBF 120 –Septembre 2025

(*) Analyse réalisée sur les résultats de 84 corporates de l’indice SBF 120 ayant publié leurs semestriels avant le 21 septembre 2025

Le SBF 120 tient toutefois bon, alors que l’écart de performance entre sociétés européennes et américaines continue de se creuser

Comparaison des principaux agrégats financiers des corporates du SBF 120, S&P 500 et S&P Europe 350 – en euros

Source: S&P Capital IQ

Les % sont exprimés en CAGR sur la période 2022 – 2025 LTM
Les institutions financières et les foncières ont été exclues du S&P 500 et du S&P Europe 350

Le BFR semble mieux maîtrisé qu’en 2023, en dépit des effets de saisonnalité

Besoin en fonds de roulement

Source : Redbridge – Structure de financement des corporates du SBF 120 –Septembre 2025

  • Après la forte hausse du BFR observée en 2023 et début 2024, sa gestion tend à se stabiliser, comme en témoigne l’amélioration du cycle de conversion de trésorerie, principalement grâce à la diminution des encours de créances clients
  • Les encours de factoring restent stables pour la plupart des entreprises
  • Les effets de saisonnalité expliquent une grande partie la variation entre l’exercice 2024 et le premier semestre 2025

Les ratios de crédit se détériorent légèrement depuis 2022

Principaux ratios de crédit – IFRS 16 inclus

Source : Redbridge – Structure de financement des corporates du SBF 120 –Septembre 2025

(*) Analyse réalisée sur les résultats de 84 corporates de l’indice SBF 120 ayant publié leurs semestriels avant le 21 septembre 2025

  • L’analyse révèle une relative stabilité des ratios de crédit en 2024, suivie d’une dégradation notable sur 12 mois glissants
  • Le niveau d’endettement net est à la hausse du fait de la détérioration des niveaux de trésorerie. Le levier se dégrade et se rapproche de 2x
  • La hausse des charges financières se maintient malgré la baisse des taux, reflétant l’effet d’inertie de la politique monétaire sur le financement des entreprises du SBF 120, dont la dette de marché est majoritairement émise à taux fixe

La couverture de la liquidité se dégrade depuis 2018 mais elle reste solide

Analyse du profil de liquidité et de maturité

Source : Redbridge – Structure de financement des corporates du SBF 120 –Septembre 2025

Analyse menée sur les panels des études Redbridge de la période 2018-2024 – La donnée n’est pas disponible sur l’exercice 2019 pour la part de dette à 1 an

 

La structure d’endettement des corporates français reste stable en 2024

Modes de financement

 

  1. La structure de financement des entreprises du SBF 120 est très stable depuis quelques années
  2. Les entreprises du CAC 40 profitent toujours d’un marché obligataire public profond
  3. La diversification des financements pour les ETI (pour la plupart non notées) continue d’être contrastée :
    • Le marché de l’EuroPP est atone voire en voie de disparition (essentiellement pour les corporates ayant déjà émis)
    • Les marchés du Schuldschein et de l’USPP sont dynamiques et permettent de se financer à des conditions attractives (mais parfois contraignantes) (pour les corporates de profil plutôt IG)
    • Enfin le marché du « direct lending» est en plein développement mais à des conditions financières élevées (pour les corporates de profil non IG)

(*) Analyse menée sur 98 corporates jusqu’à la clôture de l’exercice 2024

 

La dernière étude annuelle de Redbridge consacrée au financement des grands groupes cotés français met en évidence une hausse de l’endettement conjuguée à un ralentissement marqué des investissements.

 

Le taux de couverture de la liquidité – indicateur de la capacité des entreprises à honorer leurs échéances de dette – demeure solide, bien qu’en recul régulier depuis en 2018.

Dans un environnement de crédit plus tendu, où la sélectivité bancaire s’accroît, Redbridge, spécialiste du conseil en financement-trésorerie, invite les directions financières à intégrer pleinement dans leur stratégie de dette la logique de rentabilité des prêteurs.

Celle-ci évolue en profondeur avec la mise en œuvre du cadre prudentiel Bâle III finalisé, qui renforce les exigences en fonds propres et incite les banques à ajuster leur politique d’octroi et de tarification du crédit.

Paris, le 25 septembre 2025 – Les principales conclusions de la quinzième étude de Redbridge sur le financement des corporates du SBF 120 (comptes 2024 et 1er semestre 2025 – panel de 84 corporates) sont les suivantes :

Au premier semestre 2025, les entreprises du SBF 120 (hors valeurs financières et foncières) ont stabilisé leurs performances, mais la dette nette progresse (+14%) et les dépenses d’investissement (CAPEX nets de cession) se contractent nettement (-20%).
  • Alors que l’écart de performance entre sociétés européennes et américaines continue de se creuser, les grands groupes français tiennent plutôt bon.
  • Le besoin en fonds de roulement (BFR) semble mieux maîtrisé qu’en 2023, comme en témoigne l’amélioration du cycle de trésorerie, principalement grâce à la diminution des encours clients.
  • Le niveau d’endettement net est à la hausse du fait de la détérioration des niveaux de trésorerie. Le levier se dégrade et se rapproche des 2 fois.
  • La couverture de la liquidité se dégrade depuis 2018. Elle ressort fin 2024 à 2,4 fois, contre 2,8 un an auparavant.
La baisse des taux en Europe ne s’est pas encore traduite par un recul des charges financières pour les entreprises du SBF 120, dont la dette de marché est majoritairement émise à taux fixe.
  • Côté prêteurs, les banques restent actives mais se montrent plus sélectives. Les investisseurs en dette privée cherchent à employer leurs liquidités abondantes, mais les prix proposés restent élevés.
  • Côté corporates, un des points clés d’une négociation avec son pool bancaire est la compréhension de la logique de rentabilité des prêteurs (RAROC /RoRWA). Valoriser le side-business apporté à sa banque devient indispensable.

Pour Didier Philouze, Managing Director, responsable du pôle conseil en financement de Redbridge : « La santé financière de la plupart des entreprises reste solide, mais on assiste à une érosion progressive des indicateurs crédit depuis quatre ans qui concentre aujourd’hui l’attention des banques ».

Pour Matthieu Guillot, Managing Director, conseil en financement chez Redbridge : « Des consultations élargies à de nouveaux prêteurs, banques internationales ou affiliés régionaux des groupes mutualistes, permettent de préserver un accès à la liquidité abondante, à condition de bien intégrer leurs exigences en matière de business plan ».

Pour Muriel Nahmias, Managing Director, conseil en financement chez Redbridge : « Même si les banques s’en font peu l’écho, la réglementation sur les exigences en fonds propres est en train d’évoluer. Les emprunteurs de profil implicite « investment grade » non notés ou « cross over » non notés doivent intégrer l’impact du nouveau cadre « Bâle III finalisé » qui pourrait leur être moins favorable. »

L’étude complète est disponible sur demande.

Fondé en 1999, Redbridge Debt & Treasury Advisory est le partenaire international de référence des directions financières. Ses équipes, situées à Paris, Genève, Londres, New York, Chicago et Houston, ont mené plus de 750 missions sur les dix dernières années pour aider les entreprises à optimiser leurs financements et leur trésorerie, de la conception stratégique de solution à leur mise en œuvre opérationnelle.

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Contact :
Laetitia Hottinguer
SHAN
+33 6 79 85 70 22
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Emmanuel Léchère
REDBRIDGE
+33 6 08 21 69 53
elechere@redbridgedta.com

Lucie Kunesova, Associate Director – Conseil en cash management chez Redbridge, nous livre ses secrets pour la renégociation des frais et services bancaires, en s’appuyant sur des exemples concrets de missions réussies auprès de trésoreries de groupes des secteurs de l’assurance, des travaux publics et de l’immobilier. Ses mots clés ? Transparence, benchmark et approche holistique.

Suivre et négocier ses frais bancaires
Un enjeu souvent sous-estimé.

Pourquoi les frais de cash management sont-ils rarement regardés de près par les entreprises ?

– Lucie Kunesova : Les frais liés aux services de cash management sont souvent considérés par la direction financière comme un sujet secondaire parmi les enjeux stratégiques de la relation banque-entreprise. Et pour les trésoriers, à qui il revient de suivre et négocier ces frais, la tâche est ardue. La facturation des services de cash management est rarement limpide : les relevés de frais sont difficiles à comprendre. Ils recèlent de nomenclatures opaques, ce qui complique le suivi et l’analyse précise de la prestation de services et de son coût. Beaucoup de trésoriers admettent manquer de repères et d’outils pour évaluer ces frais dans le détail. Faute de bases de données de prix externes fiables et exhaustives, le sujet des frais de cash management se limite souvent à des discussions très générales. In fine l’entreprise accepte par défaut des niveaux de frais bien supérieurs à ce qu’ils devraient être.

Il y a aussi, en toile de fond des discussions sur les services de cash management, la crainte de détériorer sa relation bancaire en pinçant trop agressivement les coûts. Pourtant, avec la bonne méthode, il est permis d’obtenir des conditions beaucoup plus avantageuses tout en préservant, voire améliorant, l’équilibre de la relation bancaire.

Quelles sont les étapes clés d’une renégociation réussie de ses frais bancaires ?

– Concrètement, la première étape consiste à collecter et centraliser les relevés de frais bancaires en vue de faire parler les données. Nous commençons par une analyse fine des factures bancaires, pour identifier clairement quels services sont facturés et dans quels volumes. Cette radiographie permet de détecter les frais indus, de supprimer ceux qui sont superflus et de se recentrer sur les services réellement utiles à la trésorerie. C’est un travail d’investigation, fastidieux mais indispensable pour objectiver la situation.

Une fois en main cette vue précise des tarifs pratiqués par vos partenaires bancaires, il devient possible d’évaluer la compétitivé-prix de chaque prestation de services. Chez Redbridge, nous disposons pour cela d’une base de données mondiale unique, enrichie depuis plus de 25 ans au fil de nos missions auprès des groupes européens et américains. À l’aide de nos outils technologiques propriétaires, nous comparons (benchmark) chaque ligne tarifaire afin d’estimer le potentiel d’économies réalisable.

Enfin, armés de ces analyses, nous entamons une négociation structurée avec les banques – généralement via un appel d’offres ou des discussions compétitives – en veillant à garder un dialogue équilibré et constructif. C’est cette trilogie « objectiver, comparer, négocier » qui fait toute la différence. Au bout du compte, nous transformons une situation jusque-là subie (des frais qu’on pensait incompressibles) en une opportunité d’optimisation significative et durable.

Ne négliger aucune piste !
Frais de change, excédents de cash et vision globale.

Au-delà des frais de cash management à proprement parler, quelles autres pistes d’optimisation les trésoriers devraient-ils explorer pour maximiser les gains ?

– Il ne faut pas se cantonner à la simple grille de frais de cash management. Il existe d’autres gisements d’économies à portée de main, à commencer par les frais de change. Le foreign exchange (FX) – ou plus exactement les marges prises par les banques sur les opérations de change – représentent un coût non négligeable pour les groupes qui travaillent beaucoup avec l’international. Nous constatons fréquemment des écarts significatifs de marge d’une banque à l’autre. En analysant finement les différentes composantes ces marges et en les comparant à des benchmarks de prix de marché, un potentiel d’optimisation important se révèle fréquemment. Une renégociation structurée des conditions de FX peut ainsi aboutir à des tarifs de change beaucoup plus compétitifs, sans pour autant changer de plateforme ou perturber les opérations quotidiennes. C’est une façon « d’optimiser sans douleur » un poste de dépense souvent peu visible dans les comptes.

Autre piste d’optimisation : la rémunération des soldes excédentaires. Ce sujet est redevenu central avec la normalisation des taux d’intérêt. Pendant des années de taux négatifs, beaucoup de trésoreries laissaient dormir des liquidités sur des comptes courants sans rémunération, car l’enjeu semblait mineur. Certains payaient même pour maintenir des soldes excédentaires ! Aujourd’hui, avec des taux positifs, ne pas faire travailler ce cash excédentaire représente un coût d’opportunité réel. Il y a donc un vrai intérêt à se pencher sur la valorisation de ces soldes : négocier avec ses banques pour obtenir des intérêts sur les dépôts à vue, ou bien mettre en place des placements de trésorerie courts terme plus rémunérateurs, en tenant compte des contraintes de sécurité et de liquidité.

Vous l’aurez compris, la démarche gagnante est holistique. Plutôt que de traiter chaque sujet en silo (d’un côté les frais de transactions, de l’autre les changes, plus loin la trésorerie excédentaire), il faut les envisager ensemble. Ces leviers d’optimisation se renforcent mutuellement. D’ailleurs, les résultats parlent d’eux-mêmes : dans un cas récent, la seule renégociation de la grille tarifaire cash management offrait déjà un beau potentiel d’économie. Mais en y intégrant en plus les frais de change puis la rémunération des dépôts, l’économie totale potentielle a quintuplé. Chez ce client du secteur de l’assurance, nous avions modélisé trois scénarios : renégociation des frais cash management seuls, à laquelle s’ajoutait ensuite l’optimisation des coûts FX, puis un dernier scénario englobant en plus une négociation des intérêts sur soldes excédentaires. Chaque trajectoire apportait un gain significatif, mais l’approche globale a permis de maximiser la valeur pour le client. À l’arrivée, ce grand groupe d’assurance – qui payait annuellement 1,07 M€ de frais cash management sur cinq pays – a vu son poste de coûts se transformer en source de revenus (0,56 M€), tout en respectant sa stratégie de relations bancaires. C’est bien la preuve qu’une vision étendue et structurée de l’optimisation porte ses fruits.

 

Graphique – Exemple de renégociation holistique des frais de cash management / Secteur : Assurances

Scénario A : renégociation de la grille tarifaire
Scénario B : intégration des problématiques FX
Scénario C : approche holistique intégrant la rémunération des soldes à vue

Source : Redbridge – Conseil en Cash Management, Septembre 2025

Pour aller plus loin – Lire notre article

L’enjeu des comptes ségrégués dans l’optimisation des frais bancaires

Dans les secteurs de l’assurance, de la construction/BTP et de l’immobilier, le métier de trésorier revêt une série de spécificités qui rendent l’optimisation des services et frais de cash management plus complexe. Pour Lucie Kunesova, ces spécificités ne sont pas un handicap mais, au contraire, reflètent un potentiel accru d’économies à faire sur le cash management…

 

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