Instant Payment – Pour rentabiliser la future offre de virement instantané, les banques ne semblent pas avoir de plan précis. Certaines évoquent une gratuité du service, qui sera intégré dans l’offre globale de tenue de compte. D’autres – des banques étrangères en particulier – avancent l’éventualité d’une facturation basée sur une commission proportionnelle.

À partir de novembre 2017, les banques européennes pourront commencer à proposer le virement SEPA instantané (SCT Inst). L’objectif ? Permettre à chaque client d’effectuer à tout moment, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sans contrainte de jours ouvrés, un virement à travers l’Europe en moins de dix secondes. Ce virement est plafonné à 15 000 euros, selon les caractéristiques techniques édictées par le Conseil européen des paiements, mais les communautés bancaires nationales pourront s’entendre sur un plafond supérieur, de manière à renforcer l’intérêt de ce nouveau moyen de paiement.

En France, les banques participent aux travaux du Comité national des paiements scripturaux afin de préparer au mieux la mise en œuvre des virements instantanés. Après identification des cas d’usage, notamment pour les paiements de personne à personne, de personne à entreprise ou d’entreprise à entreprise, le Comité poursuit actuellement ses travaux techniques visant à harmoniser, d’ici à la fin de l’année 2017, les modalités d’utilisation et de sécurisation du SCT Inst.

« Peu de banques françaises seront prêtes en novembre 2017. Notre objectif est de commercialiser ce service fin 2018 », indique le responsable d’une grande banque de cash management. « Nous nous concentrons actuellement sur l’acception interbancaire du virement instantané, il est trop tôt pour dire quand et à quel prix nous le proposerons », résume un autre.

Accessibilité

La coordination au sein des communautés bancaires est indispensable à la réussite du lancement commercial du SCT Inst. Aucune prestataire de services de paiements (PSP) n’a véritablement intérêt à être la première à proposer un service qui ne fonctionnerait que sur un périmètre restreint. « Il faut a minima que 95 % des banques adhèrent au SCT Inst pour que le système fonctionne. En deçà, le service sera pénalisé par l’accessibilité limitée d’un trop grand nombre de comptes ».

Aussi, selon le degré de perfectionnement de l’outil visé par la communauté bancaire nationale, la mise à disposition du SCT Inst prendra plus ou moins de temps. Au Pays-Bas, les banques travaillent sur de nombreuses fonctionnalités additionnelles de manière à ce que le SCT Inst devienne la nouvelle norme pour les virements. Le lancement du nouveau moyen de paiement est initialement fixé là-bas pour 2019, même si les banques locales sont en train de revoir leur copie pour se fixer un objectif plus ambitieux.

Pour assurer la transition, d’autres communautés bancaires prennent des dispositions pour assurer le paiement dans le cas où le compte du bénéficiaire du SCT Inst ne serait pas accessible. En Belgique par exemple, la solution de paiement mobile déclenche selon les cas de figure un SCT normal ou un mini-prélèvement, si la banque du bénéficiaire n’adhère pas au scheme du paiement mobile. A l’avenir, ces paiements migreront tous sur les virements instantanés.

Investissements cherchent business case

La mise à disposition du SCT Inst implique une profonde révision de la chaîne de traitement des opérations, ainsi que des investissements conséquents. « Le virement instantané ne peut fonctionner efficacement sans un système de contrôle en temps réel visant à limiter les paiements frauduleux, comme il en existe depuis longtemps sur les opérations par carte bancaire. Par ailleurs, il repose sur une infrastructure de marché disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, sans possibilité de faille, qui est nécessairement plus coûteuse », explique Francis de Roeck, responsable de l’offre de moyens de paiements SEPA chez BNP Paribas Cash Management.

La communauté bancaire britannique a investi 1,2 milliard d’euros pour lancer FasterPayment et, après huit années de commercialisation, doit aujourd’hui réinvestir pour mettre le service au niveau des évolutions technologiques. Au Danemark, la facture pour les banques s’est élevée il y a deux ans entre 300 et 400 millions d’euros, un montant plus modeste, notamment parce que la transition vers les paiements digitaux était plus avancée dans ce pays.

Pour rentabiliser la future offre, les banques ne semblent pas avoir de plan précis. Certaines évoquent une gratuité du service, qui sera intégré dans l’offre globale de tenue de compte. D’autres – des banques étrangères en particulier – avancent, en émettant des réserves, l’éventualité d’une facturation basée sur une commission proportionnelle. Il est vraisemblable que le service sera gratuit ou « très bon marché » pour les particuliers, qui seront les premiers à initier des virements instantanés dans le cadre de règlements de personne à personne via un support mobile. Lorsque le marché décollera, les commerçants en ligne et physique ne manqueront pas de s’intéresser à ce moyen de paiement aux avantages évidents – disponibilité irrévocable et immédiate des fonds. Le SCT Inst leur serait alors facturé, au même titre que le sont les autres moyens d’encaissement. C’est dans cette perspective que les fournisseurs de terminaux de paiement et les acquéreurs travaillent à ce que le SCT Inst soit accepté dans les points de vente.

Infrastructure de marché : compensation ou règlement immédiat ?

Les infrastructures de marché sont les autres acteurs mobilisés par le lancement du virement instantané. En l’occurrence, les PSP auront le choix soit de compenser leurs virements instantanés à travers les chambres de compensation automatisées (ACH), soit d’accéder directement à une infrastructure de règlement de la Banque centrale européenne (BCE).

Coté chambres de compensation, la plate-forme paneuropéenne de compensation EBA a annoncé mi-janvier un premier test grandeur nature de son infrastructure chargée du dénouement des virements instantanés dès novembre 2017. EBA Clearing est détenue par 52 banques implantées en Europe, et gère la plate-forme de compensation STEP 2, à laquelle sont connectées 4 800 institutions financières.

Pour sa part, la chambre de compensation STET (ex SIT CORE) présente dans un document détaillé les caractéristiques de l’architecture qu’elle développe pour exécuter les virements instantanés. Cette infrastructure, qui sera lancée en novembre 2017, proposera en option aux PSP un outil de scoring des transactions pour minimiser les risques de fraudes. « Cet outil se base sur notre système d’évaluation des transactions par carte opérationnel sur six milliards d’opérations pas an et qui a permis aux PSP d’économiser 60 millions d’euros en luttant contre la fraude», fait valoir la société.

STET a également pour projet de développer une base de proxy permettant à chaque PSP de retrouver les coordonnées BIC/IBAN d’un destinataire de virement à partir de son numéro de mobile ou de son adresse électronique. Sur le prix, STET se limite à évoquer un prix compétitif, lié à sa position de marché.

Coté règlement, la BCE va améliorer le système TARGET 2 pour être prêt en novembre 2017 à répondre aux besoins des chambres de compensation sur le virement instantané.

En marge, la BCE étudie la possibilité d’offrir aux prestataires de services de paiement la possibilité de dénouer les transactions en monnaie banque centrale à travers une nouvelle plate-forme baptisée Target Instant Payment System (TIPS). Selon Yves Mersch, président de l’ERPB et membre du directoire de la BCE, « TIPS doit offrir une accessibilité paneuropéenne aux PSP et suivra les mêmes critères de participation que Target 2 ». L’infrastructure de règlement respectera les principes de facturation à prix coutant. « Le prix du règlement d’un virement instantané sur TIPS n’excèdera pas 1 centime et notre objectif est de l’amener rapidement à 0,5 centime », conclut Yves Mersch, qui prévoit un lancement opérationnel de la plate-forme courant 2018 si le projet est validé.

Une consultation de place a été ouverte et l’ERPB prévoit de prendre sa décision sur cette nouvelle infrastructure en juin. Les premières critiques déplorent que la plate-forme TIPS ne garantira pas l’interopérabilité avec les autres systèmes de clearing, alors qu’a contrario, une connexion à une seule ACH doit en théorie permettre à chaque PSP d’accéder aux autres ACHs et, in extenso, aux comptes de l’ensemble des banques ayant adhéré au SCT Inst. Par ailleurs, si le prix d’un demi centime d’euro par transaction ne semble pas élevé pour une infrastructure de règlement, il tient difficilement la comparaison par rapport aux tarifs pratiqués par les chambres de compensation, qui traitent aujourd’hui des centaines de SCT pour un centime.

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