Comment être toujours plus efficace pour centraliser sa trésorerie ? Solenn Le Lay, director chez Redbridge, répond à cette question traitée en deux ateliers lors des dernières journées de l’AFTE.
– Comment a récemment évolué la centralisation de trésorerie à l’international ?
– Les raisons et la manière de centraliser sa trésorerie ont profondément évolué ces dernières années. Dans un environnement marqué par des taux d’intérêt faibles en zone euro, l’optimisation des placements n’est plus le motif principal justifiant le lancement en Europe d’un projet de cash pooling. Restent les volontés de sécuriser le cash de l’entreprise ; de favoriser le financement intragroupe pour limiter le recours aux financements bancaires ; et d’uniformiser les processus de trésorerie au niveau du groupe.
Pour les groupes présents sur les autres continents, la tendance est encore souvent à la création de cash poolings régionaux. Cette formule permet de rémunérer la trésorerie localement, sur des taux souvent plus élevés qu’en zone euro. Aux Etats-Unis, les comptes en dollars sont rémunérés au taux ECR (earning credit rate) négocié par le corporate avec chacune de ses banques. Le produit vient en déduction de la facture de services de cash management. En Russie, les excédents de trésorerie sont également mieux rémunérés qu’en Europe.
D’une manière générale, les structures reposant sur des cash poolings régionaux évitent les écueils liés à la gestion des fuseaux horaires et la perte d’une journée de valeur. Les remontées vers le compte pivot sont donc souvent manuelles ou semi-manuelles (paramétrées dans le TMS), à partir d’un certain montant ou à certaines dates particulières. Les cash poolings régionaux permettent également de répartir le side-business cash management entre ses différentes banques selon une segmentation par devises.
Pour les entreprises qui ne disposent pas encore de cash pooling aujourd’hui, des solutions alternatives apparues ces dernières années méritent d’être étudiées. Je pense notamment aux solutions de comptes virtuels, adaptées à des groupes qui ont beaucoup de compte clients et souhaitent faciliter le travail de réconciliation de factures. Les comptes virtuels permettent à la fois de réduire le nombre de comptes bancaires et de centraliser la trésorerie.
Enfin, l’adoption de la nouvelle directive sur les services de paiements (DSP2) va certainement permettre l’émergence d’acteurs non bancaires proposant des services de centralisation de trésorerie. C’est une piste qu’il faudra suivre à horizon deux-trois ans.
– Comment se déroule un projet cash pooling ?
– Le lancement d’un projet de centralisation de trésorerie doit absolument débuter par un audit de la situation : présence géographique, enjeux en termes de cash à rapatrier dans chaque pays et pour chacune des devises, contraintes fiscales et réglementaires locales, organisations et besoins des équipes locales, etc. Cette phase d’audit va permettre de définir la meilleure structure de trésorerie pour l’entreprise et la solution qui l’accompagne.
La règle d’or est de ne pas chercher à copier l’organisation d’un pair, ni une organisation déployée dans une vie antérieure ! Il faut étudier la meilleure solution à chaque niveau : domestique, régional, mondial. Souvent, l’entreprise mettra en œuvre une solution mixte mêlant i) des ZBA bancaires avec ii) des nivellements manuels ou semi automatiques via paramétrage du TMS et iii) des fusions en intérêts, voire même un cash pooling notionnel multi-devises en faitière. L’architecture cible dépend de plusieurs critères : la position de cash en local (dans les pays où les enjeux sont faibles, un nivellement via le TMS est suffisant) ; le nombre de comptes (les ZBA sont facturés par comptes) ; les habitudes des équipes locales ; la réglementation et la fiscalité ; les capacités des banques ; le niveau de maturité de la trésorerie (si la centralisation est déjà forte, les TMS offrent une solution adaptée).
– Quels sont les aspects du projet à ne pas négliger ?
– Comme dans tout projet, la communication interne est un facteur clé de réussite. Il est important d’avoir un grand soutien de la direction générale pour mener ce projet transverse et d’associer étroitement les départements comptabilité et IT dès la phase d’audit. Il faut également sensibiliser les équipes locales, expliquer l’intérêt du projet pour chacun et responsabiliser. Souvent, les équipes locales pensent qu’après la mise en œuvre d’un cash pooling, leur responsabilité dans les processus de prévision de trésorerie est dégagée. C’est tout le contraire ! Enfin, il est essentiel de désigner un chef de projet quasiment à plein temps dans l’entreprise, pour coordonner les différents métiers et acteurs (internes et externes) et mettre en œuvre la solution jusqu’à son parfait fonctionnement.
Les obstacles à la centralisation doivent être soigneusement étudiés en amont dans chaque pays. Le recours à un spécialiste de la fiscalité est souvent nécessaire. Les banques ne savent pas toujours répondre à toutes les questions sur ces aspects. Or, les retenues à la sources (Russie, Roumanie), les droits de timbre (Pologne), les changements de fiscalité (Etats-Unis), les justificatifs à produire à la banque centrale (République tchèque, Slovaquie), la nécessité de respecter certains ratios… sont autant de contraintes qui empoisonnent le fonctionnement d’un cash pooling et influent sur la structure optimale.
L’aspect IT est également important. En phase de test, un libellé de cash pooling bancaire peut coincer et créer des problèmes comptables localement. Pour conclure, il ne faut pas forcément chercher à mener son projet au plus vite, mais plutôt prendre le temps de choisir la bonne structure et une solution pérenne.