« Le niveau du basis swap $/€ dope l’attractivité du marché de l’USPP », Muriel Nahmias – Redbridge Pour notre blog, notre experte en financement Muriel Nahmias passe aujourd’hui au crible le marché de l’US Private Placement. Pour qui, pour quoi, comment ? Vous saurez tout sur la manière d’accéder à une source de financement profonde et offrant des maturités longues, à très bon compte en ce moment s’il est émis en euros.

– Pouvez-vous présenter en quelques mots le marché de l’US Private Placement ?

Muriel Nahmias, Redbridge : L’US Private Placement est un instrument de financement polyvalent adapté aux besoins des entreprises européennes affichant un profil de crédit solide. Dans l’esprit, comme tout placement privé obligataire, le format se situe à mi-chemin entre un financement bancaire et un financement obligataire.

Les principaux prêteurs investisseurs sont des compagnies d’assurance américaines et des sociétés de gestion développant une stratégie d’investissement à long terme axée sur la détention jusqu’à l’échéance des titres. Le marché est profond, toujours ouvert et très international. Le flux annuel de nouvelles émissions dépasse les 100 milliards de dollars. Près de 30 % des volumes viennent d’Europe.

La quasi-totalité (98 %) des opérations affichent une qualité de crédit considérée comme
« investment grade ». Environ 70 % des émissions concernent des entreprises, 25 % des infrastructures ou des financements de projets, et environ 5 % du crédit-bail.

– Pourquoi les corporates européens doivent s’y intéresser ?

L’US Private Placement (USPP) permet de lever des montants allant de 50 millions à plus de 1,5 milliard de dollars, sur des maturités de 7 à 30 ans, ce qui dépasse de loin les options offertes par le marché bancaire ou l’EuroPP. Le marché permet de lever des fonds en toute confidentialité et généralement sans notation externe sur plusieurs devises : en dollars (75 % du marché), mais aussi en euros (15 %) ou en sterlings.

En fonction des conditions de swap, les ressources en euros sur le marché de l’USPP peuvent être plus compétitives que sur l’EuroPP. C’est actuellement le cas, avec des économies de l’ordre de 60 points de base sur des financements récents sensiblement équivalent en termes de qualité de crédit et de maturité.

Le funding différé est possible pour un coût modeste (alors qu’il est compliqué par exemple dans le régime des obligations en France). Enfin, un programme « shelf » peut être accordé par certains investisseurs Tier 1 pour permettre aux entreprises de « réserver » un montant additionnel après une émission inaugurale.

– Quels sont les points d’attention pour les émetteurs ?

Il est important de noter que les investisseurs sur le marché de l’US Private Placement sont généralement des acteurs sophistiqués. Ils posent un grand nombre de questions et demandent beaucoup de précisions lors des discussions. Leur positionnement peut être hétérogène également. L’émetteur doit bien comprendre les points à négocier et les points bloquants (voire « deal breaker ») pour réussir à optimiser la structure tout en maximisant la taille de l’opération.

La National Association of Insurance Commissioners (NAIC) attribue un rating interne à l’opération après l’émission. Ce rating (qui restera en principe privé) déterminera la charge en capital réglementaire que les compagnies d’assurances détentrices du papier devront associer à leur exposition. En conséquence, il peut influencer le positionnement des investisseurs sur le marché de l’USPP. Il peut arriver que certains investisseurs souhaitent un rating – qui peut rester privé – pour s’assurer une notation NAIC 2.

En ce qui concerne les termes contractuels, bien que les principaux termes soient généralement alignés sur les documentations actuelles, des différences de concept et d’approche existent, notamment en ce qui concerne la dette externe en filiales, les cessions d’actifs, les covenants financiers et les financements hors bilan. Enfin, les émetteurs doivent être conscients des pénalités de remboursement anticipé. Des clauses de « make whole» peuvent être appliquées en cas de remboursement avant l’échéance, comme c’est le cas dans tout financement obligataire, ce qui peut avoir un impact financier significatif.

– Qui sont les emprunteurs éligibles à ce marché ?

Le marché de l’US Private Placement est accessible uniquement aux émetteurs de qualité de crédit implicite « Investment Grade » (IG), voire solide IG, excluant ainsi les entreprises  « cross over » (ou tout du moins l’univers des investisseurs potentiels est significativement réduit). Les entreprises souhaitant accéder à ce marché doivent présenter un modèle économique stable avec des flux de trésorerie récurrents, ainsi qu’un niveau de levier normatif maximal de 2x, éventuellement toléré jusqu’à 2,5x dans des cas exceptionnels justifiés par des opérations de fusion-acquisition, des dépenses en immobilisations, etc. De plus, les émetteurs doivent être des leaders dans leurs secteurs respectifs, avec un chiffre d’affaires d’au moins 600 à 800 millions d’euros selon nous. Un point d’attention à ce propos : en gros, la NAIC applique les méthodologies des grandes agences de notation (S&P et Moody’s) donnant une prime aux grands corporate. Elle a notamment durcit ses critères depuis le COVID. Des alternatives existent pour aller chercher le Graal du NAIC 2 avec d’autres agences de notation approuvées par la NAIC, comme DBRS ou Kroll qui vont davantage pondérer la composante opérationnelle par opposition à la composante financière.

– Quelles sont les principales conditions de la documentation ?

Un seul covenant est généralement possible si la perception du crédit est solide, conformément aux critères IG. Ce covenant de levier est testé semestriellement pour garantir le respect des ratios de levier établis. Il existe des limitations sur la dette des filiales, généralement fixées entre 10% et 15% du total des actifs. Des limitations sont également imposées sur les cessions d’actifs, avec un droit de préemption sur les produits de cession si des clauses de remboursement anticipé obligatoire (RAO) sont présentes dans d’autres financements de l’entreprise.

Les investisseurs justifient ces critères et exigences par les maturités longues  – jusqu’à 15 ans pour du financement Corporate – et le cahier des charges de leurs épargnants. Ces critères assurent un niveau élevé de qualité et de protection pour les investisseurs sur le marché de l’US Private Placement.  Ils peuvent aussi constituer des points durs de négociation. Nous permettons aux entreprises d’accéder aux financements attractifs du marché de l’USPP dans un cadre structuré et transparent. Le processus de mise en place, qui prend entre 2 et 3 mois, doit être rigoureux et bien préparé.

– Comment se comparent les marges d’émissions sur les opérations en euros ?

L’USPP permet d’obtenir un financement en euros à des conditions compétitives, grâce au basis swap actuellement favorable.

En comparant avec les spreads EuroPP récemment observés, l’USPP libellé en euro offre des conditions plus avantageuses. L’avantage, qui était historiquement de l’ordre de 40 points de base, s’est renforcé, s’élevant aujourd’hui à 60 / 70 points de base.

 

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