En temps de crise, le premier réflexe de tout responsable financier est de s’assurer de la disponibilité de ses financements. Mais à la différence de la précédente crise de 2008/2009, l’usage le plus rationnel de ses facilités de crédit n’est plus de tirer tous azimuts pour garantir la liquidité de l’entreprise, écrit Muriel Nahmias.
Plus de dix ans après la faillite de Lehman Brothers, le système bancaire français est aujourd’hui mieux armé pour faire face à une crise de confiance. En attestent les niveaux des CDS des banques françaises, qui évoluent autour de 80 bps, un niveau certes deux fois plus élevé qu’il y a quelques jours encore, mais inférieurs au niveau moyen du CDS global Europe (135 bps au 17 mars – voir graphique). Depuis Lehman, l’Europe a construit l’Union bancaire et a mis en place un mécanisme de sauvetage qui rend le système bancaire plus résilient.
Par ailleurs, en réponse aux impacts négatifs de l’épidémie de COVID-19 sur l’activité des entreprises, le gouvernement français a annoncé un montant de garanties sur les prêts à hauteur de 300 milliards d’euros. Les modalités du déploiement de ce programme restent à préciser (encours existant ou nouveaux prêts, durée, conditions d’octroi, etc), mais ce montant est grosso modo équivalent à une année de production sur le marché bancaire français. Ces garanties seront de nature à inciter fortement les banques à prêter, puisqu’elles réduiront sensiblement les RWA / fonds propres prudentiels et les provisionnements ex-ante. L’Allemagne, de son coté, a avancé un programme de taille relativement similaire à l’échelle de son économie, de 500 milliards d’euros.
Enfin, le vocabulaire des responsables politiques, à commencer par les mots du président Macron et son « quoi qu’il en coûte » (ce « whatever it costs » qui rappelle le « believe me, it will be sufficient » de Mario Draghi en juillet 2012), tout comme le langage des banques françaises, qui parlent de « mobilisation totale », sont là pour rassurer. Il n’y aura pas de « credit crunch ». Le risque de contrepartie apparaît aujourd’hui faible, même si la vigilance reste toujours de mise pour certains établissements européens.
Dans ce contexte, chaque responsable financier peut prendre le temps d’évaluer ses besoins avant de tirer ses facilités de crédit. Cela veut dire mener une analyse préalable sur sa trésorerie, son cash flow prévisionnel et son business plan, puis quantifier précisément les impacts de la crise sur le profil de liquidité et les covenants.
Pendant cet exercice, le DFT a bien entendu intérêt à faire le tour de ses banques prêteuses pour s’assurer que les lignes de découvert non confirmées sont bien disponibles et qu’elles peuvent être utilisées sans risque à moyen terme qu’elles soient résiliées. Dans un contexte de tensions sur le marché du papier court terme, les lignes RCF confirmées seront utilisées.
D’une manière générale, les lignes doivent être utilisées en cohérence avec le besoin et les risques attendus. Une entreprise qui anticipe d’importantes difficultés devra en effet tirer long et de manière significative. Mais c’est une question de dosage. Tirer de manière excessive enverrait un signal mitigé, voire anxiogène, à son pool bancaire. De plus, du point de vue macroéconomique, la liquidité est abondante aujourd’hui, mais un afflux de demande tendrait le marché inutilement, ce qui ne sera une bonne nouvelle pour personne.
Source : Thomson Reuters – au 17 mars 2020