Florence Saliba, présidente de l’AFTE et François Gouesnard, vice-président de la commission financements, tirent un bilan globalement positif de l’action de la Banque de France visant à restaurer la confiance sur le marché des NEU CP – Entretien.

– Quelle est votre perception du fonctionnement actuel du marché des NEU CP ?

– Notre perception change de semaine en semaine, heureusement dans un sens globalement positif ! Le gel du marché du NEU CP a généré beaucoup de stress au sein des équipes de trésorerie. L’annonce de l’intervention de la BCE pour débloquer la situation le 18 mars dernier a suscité l’espoir d’une résolution rapide de la crise, mais la mise en œuvre d’un programme de rachat de titres de créances négociables (TCN) par les banques centrales de l’Eurosystème n’a rien de trivial.

La question de l’éligibilité a été clarifiée en une semaine. Les rachats de titres sur le marché primaire concernent les émetteurs notés appartenant à la catégorie investment grade et disposant d’un actionnariat privé à 100 %. Les agences comme l’Acoss n’ont pas accès au dispositif et les entreprises avec une participation étatique ne sont qu’éligibles aux rachats sur le marché secondaire. Ces règles sont sensiblement identiques à celles du programme de rachat d’obligations corporate de 2016.

Les premières opérations de la Banque de France, à la manœuvre pour soutenir le marché des NEU CP, ont été initiés le 27 mars. Ces opérations ont rapidement ramené les encours émis par les sociétés non-financières sur les niveaux d’avant-crise, voire au-delà. Durant les premières semaines, les rachats ont porté sur des tickets énormes pour des maturités étalées entre six et douze mois.

Après cette phase de montée en puissance, les équipes de la Banque de France se sont adaptées à la manière dont les trésoriers préfèrent émettre des titres de créances négociables. Du point de vue de la direction financière, il est moins risqué de renouveler régulièrement des petits tickets plutôt que concentrer les risques sur une seule émission de taille importante. La banque de France intervient toujours sur des tickets importants (au-delà de 100 millions majoritairement) mais on a vu quelques émissions plus en ligne avec les pratiques de ce marché de l’ordre de 50-60 millions d’euros. Le plus petit rachat observé à ce jour est de 30 millions.

Enfin, en ce qui concerne les prix, les interventions, concentrées sur des maturités longues, ont restauré un certain degré de confiance. Les investisseurs reviennent. S’ils privilégient encore les maturités courtes, de quelques semaines à un mois, ils sont aujourd’hui plus présents sur des émissions longues.

Ainsi, nous disposons désormais d’une courbe de taux complète. Les prix ont sensiblement décalé à la hausse, reflétant les tensions sur les financements liées à la crise, mais le marché est bien réel.

– Quelle est la situation pour les émetteurs non-notés ?

– Les situations sont très différentes selon les émetteurs. Les signatures de meilleure qualité trouvent des investisseurs. Pour elles, le marché n’est pas encore complètement normalisé. Il faut encore roller toutes les deux ou trois semaines, ce qui constitue un supplément de travail et de stress pour les équipes de trésorerie. Toutefois, les nuages s’éclaircissent. La dynamique promet redevenir favorable aux émetteurs de qualité de crédit inférieure, dont les encours de NEU CP ont considérablement baissé ces dernières semaines.

Il faut intégrer le fait que les rares investisseurs financiers qui avaient pour habitude d’acheter des NEU CP pour compte propre sont sortis du marché. Les gestionnaires d’OPCVM de trésorerie, pour leur part, reviennent quand ils ont du cash à placer. Or, leur collecte est tributaire de la trésorerie globale des entreprises françaises, mise à mal par la crise…

– Comment jugez-vous l’efficacité de l’action de l’Eurosystème comparativement à celles de la Banque d’Angleterre et de la Réserve Fédérale ?

– En avril, le marché du NEU CP s’est stabilisé et maintenant les encours remontent. Les modalités d’intervention de la Banque de France ne nous semblent pas encore complètement fluides sur le marché secondaire, mais nous notons les efforts mis en œuvre pour trouver une solution. Dans cette crise, la Banque de France fait preuve d’une ouverture auprès des acteurs de place. Elle avance au mieux dans le respect des traités européens et des règles de l’Eurosystème.

La Banque d’Angleterre et la Réserve Fédérale publient le prix qu’elles offrent pour racheter chaque papier. Il s’agit d’un choix pragmatique qui, au regard des prix pratiqués -plus élevés que le marché-, semble avant tout adapté aux émetteurs confrontés à un besoin de liquidité urgent. L’objectif poursuivi par l’Eurosystème nous semble procéder d’une philosophie différente, consistant à faire en sorte que le marché tienne et reprenne.

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