Entretien avec Charles Lutran, trésorier groupe chez Criteo

– Pouvez-vous décrire, en quelques mots, l’organisation et les enjeux de la monétique au sein de Criteo ?

– Criteo est une entreprise française de technologie proposant des solutions de marketing et de publicité en ligne. Fondée en 2005 à Paris, elle a connu un déploiement international très rapide ces dix dernières années. Nous avons des opérations dans plus d’une centaine de pays à travers nos 25 filiales. Notre organisation de trésorerie est très centralisée, et l’équipe, basée entièrement à Paris, est chargée de l’offre de moyens de paiement proposée à nos clients partout dans le monde. Notre clientèle historique de grands comptes règle nos services par virement domestique ou international (SCT, Fedwire, ACH et virements locaux en Asie). L’élargissement de la clientèle du groupe à des entreprises de taille plus modeste, avec une moyenne de dépenses mensuelles proche de 10 000 dollars, change la matrice de nos réflexions relatives aux moyens de paiement. Nos flux de paiement se multiplient, sur des montants moyens plus réduits, tout en conservant les exigences d’un environnement B2B, à savoir la sécurité et la traçabilité nécessaires à la réconciliation comptable.

 

– En votre qualité d’entreprise B2B, quelles sont les innovations en matière de paiement qui vous intéressent ?

Jusqu’à présent, une grande partie des innovations monétiques est concentrée sur l’expérience utilisateur, peu applicable à l’environnement B2B. Cependant, le déploiement international de plus en plus large des prestataires de services de paiement permettant de mettre en place des solutions globales homogènes multimoyens de paiement ainsi que l’acquisition en direct par certains d’entre eux, sont des tendances de grand intérêt. Les grands réseaux de cartes restent cependant des éléments essentiels de la tuyauterie, qui n’ont encore que peu bougé.

 

– Suivez-vous, dans les différentes zones géographiques, une stratégie spécifique ou un schéma directeur pour intégrer de nouveaux moyens de paiement ?

– Nous analysons les innovations en matière de paiement selon trois critères. Le premier est l’acceptabilité et la capacité de la solution à être rapidement déployée dans les différentes zones géographiques où nous sommes présents. Le deuxième critère est la fiabilité, dans la mesure où nos encaissements portent sur des montants nettement plus significatifs que les paiements par carte de particuliers, et sont par conséquent exposés à un risque de rejet plus élevé (manque de fonds, plafonds atteints, etc.). Le dernier critère est la capacité de la solution à identifier facilement chaque flux de paiement, dans une optique de traitement « end to end ».

Le moyen de paiement idéal est, de notre point de vue, l’équivalent du prélèvement SEPA, qui nous permet de maîtriser le timing (Days sales outstanding, DSO), de savoir quelle facture nous allons collecter (fiabilité). Le prélèvement est également efficient en termes de coût et de temps d’exécution. Notre jugement est que les paiements par carte sont chers, associés à des délais de réception des fonds souvent conséquents (4 à 5 jours sur certains paiements aux États-Unis) et connaissent des taux de succès moins importants.

Mais culturellement, le prélèvement n’est pas toujours aussi bien accepté qu’en Europe, par exemple aux États-Unis dans le cadre d’une relation B2B. C’est pourquoi nous nous reposons sur un schéma de monétique avec initiation de paiement (Merchant Initiated Transaction), à échéance de la facture, sur la base du numéro de carte bancaire enregistré par notre client sur son profil. Nous transmettons des fichiers électroniques de masse à notre prestataire de services de paiement (PSP), en charge de débiter les cartes du montant des factures dues, pour chaque zone géographique. En étant à l’initiative du paiement, nous savons ce que nous allons chercher comme facture échue.

Pour traiter les rejets liés à des raisons techniques (gestions de l’échéance et du plafond de la carte), nous avons mis en place un processus permettant un contact immédiat avec le client afin que celui-ci se connecte à une plate-forme Criteo et émette son paiement lui-même. L’objectif est de régler rapidement les problèmes pour éviter toute suspension de notre service.

Nous déplorons toutefois des difficultés à analyser les codes rejet. Il en existe une vingtaine dans le monde, mais toutes les banques ne les appliquent pas de la même manière, et nous n’avons pas, à ce jour, trouvé un prestataire en services de paiement capable de nous accompagner sur ce problème.

 

– Quelles sont les alternatives ?

– Le Request-to-Pay fait partie de nos réflexions actuelles, mais il n’apportera toutefois un vrai plus que s’il permet de lier paiements et factures dues. Par ailleurs, le Request-to-Pay nécessite de trouver un système efficace, où chaque client peut être à l’aise avec ses procédures de sécurité internes de lutte contre la fraude sur émission de paiements. Une plate-forme toute simple de Request-to-Pay ne nous permet pas aujourd’hui de réconcilier les factures, ni d’autoriser l’intervention de deux acteurs distincts côté client pour libérer le paiement. Un QR Code pourrait se révéler intéressant, car cela permet une identification directe du client et de la facture, mais cette solution présente le désavantage de multiplier les paiements du client.

 

– Quel intérêt portez-vous au paiement instantané ?

– L’instantanéité présente un intérêt dans le cadre d’un processus de collectes spécifiques. Nous pouvons réactiver immédiatement des programmes de clients suspendus pour défaut de paiement. Dès qu’un rejet est identifié, nous contactons le client et le dirigeons vers une plate-forme de paiement en Request-to-Pay pour qu’il régularise. Une fois la transaction complétée, le compte est immédiatement débloqué.

Le SCT Inst présente également un intérêt pour nos campagnes de règlement fournisseur, mais le plafond actuel de 100 000 euros s’avère trop faible. À terme, si les plafonds sont relevés, nous pourrons utiliser ce moyen de paiement en attendant l’échéance ultime pour régler. Cela évitera de mobiliser marginalement du cash sur 24 à 72 heures dans les systèmes de règlement pour payer nos fournisseurs, avant que notre collecte clients ne se matérialise.


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La nouvelle revue des moyens de paiements de Redbridge donne la parole aux responsables monétique en entreprise, aux prestataires de services de paiements, aux éditeurs et aux banquiers. Leurs témoignages sont complétés par l’analyse de nos consultants en trésorerie pour saisir l’ensemble des enjeux et des tendances du monde de la monétique.

Paiements innovants, paiements instantanés, e-commerce, fraude, sécurité, schéma directeur des paiements… Sur tous ces sujets, notre nouvelle publication présente le positionnement des acteurs de l’industrie des paiements et fournit un guide sur qui peut faire quoi dans la réussite de votre projet monétique.

A retrouver dans notre ouvrage :

  • Le point de vue de Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel
  • Analyse – L’avenir des paiements
  • Analyse – E-commerce, une stratégie pour maximiser ses ventes et lutter contre la fraude
  • Observatoire 2020 du virement instantané – Enquête auprès des banques, des éditeurs et des PSP

Ainsi que nos entretiens avec :

  • Michel Yvon, Décathlon
  • Charles Lutran, Critéo
  • Isabelle Olivier, SWIFT…

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