En charge de la trésorerie et des financements du spécialiste du négoce des matières premières agricoles Louis Dreyfus, Benoît David-Bellouard souhaite poursuivre le mouvement de ‘régionalisation’ des financements du groupe dans un but d’optimisation de l’ organisation de la fonction trésorerie-financement. Entretien.

– Quelles sont les missions de la direction financière de Louis Dreyfus Company ?

– Benoît David-Bellouard : La direction financière de Louis Dreyfus Company (LDC) a pour mission de financer les activités de négoce du groupe, en veillant au bon adossement actif-passif (ALM) de la structure de bilan.

La fonction finance suit une organisation hybride, en levant des fonds au niveau local, régional et central. Louis Dreyfus Company, positionné sur les matières premières agricoles depuis la mise en vente de ses activités fertilisants et métaux, opère dans 100 pays. Le groupe est organisé en lignes produits, à travers des plates-formes qui ont une responsabilité mondiale et des équipes proches des lieux d’opération.

Le financement des besoins en fonds de roulement du groupe (working capital) repose essentiellement sur des lignes bilatérales non confirmées. Les équipes locales arbitrent entre financement local et régional, en primant sur l’efficacité et une prise de risque politique limitée (non convertibilité, confiscation du financement, etc). Dans ce schéma, les instruments de trade finance servent essentiellement à gérer le risque, notamment de contrepartie.

En central, la direction financière se compose de trois personnes qui, outre les questions de financement, ont la charge de la communication financière et du suivi des relations bancaires.

– Comment la stratégie de financement a-t-elle évolué ces dernières années ?

– Globalement, Louis Dreyfus Company a des besoins de financements proches de 10 milliards de dollars (7,5 milliards à fin 2017 – dont 3,5 milliards à moyen-long terme et 4,0 milliards à court terme).

Il y a quelques années, nous sommes passés d’un modèle de financements totalement non confirmés à un modèle mixte où la liquidité est assurée par des lignes bilatérales non confirmées complétées par six RCF à trois ans, aux échéances étalées pour gérer le risque de refinancement. L’adoption des RCF a permis d’accroître le montant des lignes bilatérales non confirmées, ainsi que d’en maintenir la compétitivité. Dans le même temps, nous avons fait évoluer la répartition entre les financements locaux et régionaux. La part des financements court terme négociée à l’échelle locale est revenue de 80 % à 50 % aujourd’hui.

Notre souhait est de poursuivre ce mouvement de ‘régionalisation’ des financements, dans un but d’optimisation de l’ organisation de la fonction trésorerie-financement.  Cela ouvre par ailleurs la possibilité d’étudier plus en profondeur les enjeux liés à la consommation de services de cash management du groupe. Il y a ici clairement un sujet de coût et d’efficacité à creuser.

– Comment gérez-vous vos relations bancaires ?

– Louis Dreyfus Company travaille avec plus de 150 banques, sélectionnées sur leur capacité à fournir un service efficace à des taux compétitifs. La tendance est actuellement à la réduction du nombre de nos partenaires. Nos 25 plus importantes banques font l’objet d’un suivi particulier. Nous veillons à la bonne répartition de notre portefeuille de side business en pondérant les revenus associés à chaque produit / service bancaire par un indice de qualité et de rentabilité. Les modèles qui nous servent à estimer la rentabilité sont simples. Déclinés de manière identique sur l’ensemble de nos partenaires, ils permettent de mesurer la rentabilité relative de chaque relation bancaire et de mieux allouer notre portefeuille.

Au-delà, le groupe rencontre ses principaux banquiers et leurs analystes crédit au moins deux fois par an pour commenter les résultats et les perspectives d’activité. Au cours de ces discussions, nous abordons avec les prêteurs la question de la perception de notre profil de risque. Toutes les banques communiquent des éléments à notre demande, ce qui permet d’établir un dialogue fondé sur la transparence. Cependant, les écarts de notations interne peuvent varier jusqu’à deux crans selon les partenaires. Lorsque la banque n’est pas spécialisée dans le financement du commerce international et ne dispose d’une équipe sectorielle dédiée aux négociants en matières premières, l’appréciation est différente, elle a plus de mal à faire comprendre notre bilan. Souvent, leur modèle d’évaluation du risque de crédit n’intègre pas certaines spécificités telles que les ‘readily marketable inventories’, assimilables à du quasi-cash. De fait, ces prêteurs livrent une analyse sur des ratios bilanciels qui ne correspondent pas à une activité de négoce.

– Quelles sont vos perspectives sur les taux et les marchés de crédit ?

– Le marché reste très liquide et les conditions resteront favorables à court terme. A moyen-long terme, le resserrement des taux incite à enrichir notre gamme d’instruments de financements et à mettre en œuvre une stratégie plus globale, permettant de mieux tirer parti des opportunités. Par exemple, certains marchés Asiatiques, regardés il y a quelques années, devraient redevenir intéressants.

Propos recueillis par Emmanuel Léchère


Les sociétés de négoce international font face à de nombreux risques qui peuvent ébranler des années de développement patient

Compte tenu des nombreux défis auxquels les sociétés de négoce sont aujourd’hui confrontées, l’équipe de Redbridge a jugé utile de partager avec les responsables financiers ses réflexions sur un large éventail de sujets tels que les relations bancaires, l’optimisation de la trésorerie et les évolutions des modes de financement du secteur.

Au sommaire de cette nouvelle publication (en anglais)

  • Les sociétés de négoce et les banques : qui a peur de qui ?
  • Qu’est-ce qui motive l’appétit des banques à financer les activités de négoce ?
  • Pourquoi les borrowing bases ont-elles de l’avenir ?
  • Les fonds de trade finance sont-ils une source de financement alternative intéressante ?
  • Comment disposer d’une vision consolidée sur chaque opération de trading en temps réel ?

Ainsi que le point de vue des responsables financiers de :

  • Trafigura
  • Louis Dreyfus
  • Alvean

 

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