Dans un entretien exclusif accordé à Redbridge, Damien Vancraeyneste, directeur financement trésorerie d’Europ Assistance, détaille les choix opérés pour professionnaliser l’activité de trésorerie au sein du groupe et calibrer au plus juste son organisation pour en faire un maillon de valeur de la direction financière.

– Redbridge : A quels enjeux répond la création du département trésorerie d’Europ Assistance ?

– Damien Vancraeyneste : Europ Assistance a été créé en 1963 autour du premier service de protection des personnes se déplaçant à l’étranger. Notre groupe est aujourd’hui un opérateur international de services d’assistance aux personnes dans les domaines de la santé, du domicile et de la vie familiale, de l’automobile, des voyages et de la conciergerie. Contrôlé à 100 % par le groupe Generali, Europ Assistance regroupe 44 sociétés présentes dans 34 pays. Le groupe connait une forte croissance depuis 2015 sur l’ensemble de ses activités, en particulier aux Etats-Unis, notre plus important marché porté notamment par le dynamisme de l’activité d’assurance voyage.

Nos métiers se caractérisent par une segmentation marquée entre les activités d’assurances, qui sont des activités réglementées et encadrées par la directive européenne Solvency II, et les activités de prestations de services. Le chiffre d’affaires consolidé du groupe dépasse désormais 1,7 milliard d’euros. Europ Assistance est un groupe « long cash » et peu endetté. Les primes d’assurances collectées sont investies sur les marchés financiers dans une logique de maîtrise du couple rendement/risques, de maîtrise des impacts en capital réglementaire (Solvency Capital Requirement) et d’adossement parfait avec le profil de nos passifs.

Dans ce contexte, la création du département trésorerie groupe, en janvier 2017, répondait à la volonté de la direction d’Europ Assistance de professionnaliser et de centraliser l’activité. L’objectif était d’optimiser la gestion du portefeuille d’investissements, mieux piloter la gestion des flux de cash à l’intérieur du groupe, et bien sûr renforcer la gestion des risques financiers, notamment la gestion du risque de change.

Auparavant, les filiales d’Europ Assistance jouissaient d’une grande autonomie en matière de trésorerie. Les processus de trésorerie, assurés dans la grande majorité des cas par les équipes comptables, étaient peu harmonisés d’une filiale à l’autre. En effet, à l’exception des cinq plus grandes entités du groupe, nos filiales réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à cent millions d’euros, ce qui ne permettait pas de justifier la création d’un poste dédié aux activités de trésorerie.

– Sur quel diagnostic a été défini le Target Operating Model de la trésorerie ?

– Nous avons commencé par mener une série d’entretiens pour bien comprendre l’organisation et les processus en place et écouter les différents acteurs avant d’établir un diagnostic et de proposer une feuille de route trésorerie à notre management, le projet Cash+.

Durant cette première phase, qui a duré trois mois, le cabinet Redbridge nous a assisté. Cela a, en autres, permis de donner par la suite au projet toute la résonance indispensable pour sa bonne compréhension et son acceptation au sein de chacune des filiales du groupe, lors de la phase de déploiement.

Le projet Cash+ et la structuration de notre département trésorerie repose sur deux piliers. D’une part, la mise en place de systèmes d’information permettant une collecte d’information efficace. D’autre part, la mise en place de prévisions de trésorerie pour ainsi améliorer notre visibilité et notre contrôle sur les liquidités du groupe et renforcer la gestion des risques financiers.

Nous avons ainsi choisi d’investir dans un nouveau Treasury Management System et dans un outil de communication bancaire commun. Nous avons également décidé de changer notre canal de communication avec les banques en passant sur le réseau Swift, pour faciliter le partage d’informations avec chacune de nos filiales.

Nous avons dans le même temps fait le choix de concentrer les liquidités du groupe avec la mise en place d’un cash pooling dans un premier temps limité à la zone euro. Même si les Etats Unis représente notre première géographie, nous avons considéré que la valeur ajoutée d’un cash pooling cross-border en dollar était pour l’instant moins évidente.

– Comment s’est déroulée la sélection et la mise en place de votre TMS et de votre nouvel outil de communication bancaire ?

– Après avoir lancé un RFP auprès des principaux éditeurs de la place, nous avons finalement décidé d’accorder une prime à l’outil utilisé par le groupe Generali, sur la conviction que cela faisait sens d’avoir un système également capable d’échanger facilement des informations avec celui de notre actionnaire. Le déploiement s’est déroulé concomitamment à celui de notre cash pooling.  Nous avons choisi assez naturellement de déployer notre outil en plusieurs vagues. Sa mise en place a été confiée à un centre de compétences cash management nouvellement créé en France pour ainsi regrouper les savoir-faire nécessaires et les partager avec les filiales et les équipes opérationnelles. La contractualisation et le déploiement opérationnel du nouveau TMS ont pris un peu plus de temps que prévu en raison d’un manque de disponibilité au démarrage des équipes de l’éditeur. C’est un problème rencontré malheureusement encore assez fréquemment actuellement par de nombreux trésoriers, quel que soit l’éditeur. L’installation du nouvel outil de communication bancaire s’est bien déroulée.

– Comment s’est déroulée la mise en place de votre cash pooling ?

– Suivant les recommandations de nos conseils juridiques, nous avons opté pour une segmentation de notre cash pooling en fonction de nos activités, avec une remontée des liquidités liée à nos activités d’assurances distincte de celle de nos activités de prestation de services. Par ailleurs, pour définir les priorités en termes de déploiement, nous nous sommes concentrés sur les zones géographiques où les enjeux en termes d’idle cash étaient importants. C’était notamment le cas de notre succursale de réassurance basée en Irlande qui disposait d’une trésorerie largement excédentaire mais non investie sur le court terme en raison du contexte de taux négatifs.

Nous avons confié la gestion de notre cash pooling à un partenaire bancaire unique. Nous n’avons pas, comme c’est souvent le cas, profité de l’occasion pour également procéder à une réallocation de nos flux entre nos différentes banques.

Notre cash pooling va nous permettre d’investir nos surplus de liquidités qui vont ainsi générer plus de revenus financiers tout en améliorant la circulation de la liquidité au sein du groupe. Pour autant, nos liquidités excédentaires ont vocation à remonter in fine chez notre actionnaire Generali.

– Pourquoi cette centralisation des liquidités en deux temps ?

– Dans un contexte de taux négatifs, la mise en d’un cash pooling n’était pas une évidence pour la direction du groupe. Un accord de bon sens a donc été trouvé avec notre actionnaire pour laisser les liquidités centralisées au niveau d’Europ Assistance et ainsi mettre des revenus financiers en face des coûts importants liés à la mise en place des systèmes et de l’organisation de notre trésorerie.

– Quel conseil donneriez-vous à un trésorier qui devrait construire d’une page blanche son département ?

– Un professionnel de la trésorerie aurait peut-être tendance à aller vite et à utiliser des schémas standardisés pour créer son département. Pour ma part, je pense qu’il est indispensable d’avoir une première phase d’écoute et d’échanges pour chercher à bien évaluer le degré de maturité de l’ensemble des parties prenantes sur les sujets de trésorerie et comprendre les spécificités. Ensuite, il est de mon point de vue très bénéfique de continuer à associer les différents acteurs dans les prises de décision à travers la mise en place de comités de pilotage. Cela nous a amené par exemple à adapter le rythme de déploiement de la nouvelle organisation, à bien identifier les nouvelles compétences dont le groupe aller avoir besoin, à mieux calibrer notre projet Cash+ pour in fine en faciliter sa mise en place.

Enfin, il faut toujours avoir en tête que même si les enjeux sont importants, un département trésorerie groupe, surtout quand il est nouveau, n’est pas considéré comme le cœur du moteur de l’entreprise, mais juste un maillon de la chaine. L’activité, la stratégie et les contraintes du groupe doivent ainsi être largement appréhendées avant d’entreprendre tout changement.

 

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