En sus de l’obtention du statut STS, les cédants doivent porter attention aux modalités de sortie de leur programme. Le choix du partenaire bancaire est encore plus complexe, constatent Matthieu Guillot, senior director chez Redbridge, et Thierry Sebton, managing partner d’Accola.

– Quelles tendances observez-vous sur le marché de la titrisation ?

– Mathieu Guillot / Thierry Sebton : La titrisation de créances commerciales enregistre une activité soutenue depuis six mois. Outre des opérations classiques de renouvellement de programmes initiés après la crise de 2008, le marché accueille de nouveaux émetteurs qui ne s’étaient jusqu’ici jamais intéressés à ce mode de financement, comme par exemple les grands acteurs du négoce de matières premières.

La formule a des atouts pour séduire des corporates de l’ensemble du spectre de crédit. Pour un coût moins élevé qu’un financement non collatéralisé, la titrisation permet de diversifier ses sources de financements, d’optimiser son bilan et ses ratios financiers, et de distribuer du side-business aux banques relationnelles maîtrisant ce savoir-faire. L’aspect déconsolidant du financement, dans le respect des normes IFRS bien sûr, reste prisé.

D’une manière générale, les sociétés détenues par les fonds de private equity auront tendance à mettre l’accent sur la maximisation du quantum de la titrisation, voire la déconsolidation, et présentent une sensibilité prix beaucoup plus basse que les autres cédants. Les emprunteurs cross-over vont plutôt aller chercher des conditions financières optimisées, et éventuellement de la déconsolidation pour gérer leurs ratios. Chacun trouve midi à sa porte.

 

– Comment les conditions évoluent-elles sur la maturité et les prix des programmes?

– Les programmes, traditionnellement à cinq ans, étaient généralement assortis de lignes de liquidité à un an. Depuis la crise de 2008, les cédants confirment  leur intérêt pour des structurations de lignes de liquidité avec des maturités supérieures à un an et des mécanismes de renouvellement variables, conférant à l’émetteur un pouvoir de négociation. Sur le prix, la titrisation se positionne toujours comme un financement très compétitif, et ce malgré les modifications effectives depuis le 1er janvier 2019  du coût du capital pour les banques.

 

– Pouvez-vous nous en dire plus sur les conséquences du nouveau traitement prudentiel des titrisations ?

–  La nouvelle réglementation prudentielle complexifie le jeu. D’abord, elle avantage les transactions qui bénéficieront d’un statut dit ‘STS’. L’acronyme signifie Simplicité, Transparence, Standardisation et s’interprète comme un label de qualité pour les investisseurs. L’obtention du statut STS ajoute des contraintes au cédant. Il lui faut fournir un historique de données, veiller à ce que ses créances répondent à une série de critères spécifiques, et divulguer un certain nombre d’informations en fonction du mode de financement retenu. Par ailleurs, le cédant doit payer un certificateur externe, en plus de la multiplicité d’acteurs déjà présents dans le montage de l’opération. Il faut néanmoins accepter cet investissement, car l’obtention du statut STS permet de gagner quelques dizaines de points de base sur le cout de financement.

En effet, depuis le 1er janvier, le coût en capital réglementaire pour la banque est complexe et diffère largement selon que le programme est qualifié d’ABCP ou non. En sus de l’obtention du statut STS, le cédant doit donc porter attention aux modalités de sortie de son programme. La qualification STS ABCP / STS non ABCP n’est pas liée aux caractéristiques des créances, mais au mode de refinancement du programme, majoritairement des Commercial Papers pour le statut ABCP. Ce qui paraissait au départ comme un intention louable du régulateur se conclut tardivement – dix ans après la crise – en usine à gaz. Les dispositions semblent arbitraires, les distorsions sont significatives, et l’ambiance est stressante pour les emprunteurs et les banques. Les derniers textes d’application sortent seulement actuellement !

Sur un appel d’offres récent, nous avons observé les difficultés des banques à interpréter ces nouvelles directives sur le capital réglementaire. Pour une même banque, la marge passait du simple au double entre un programme non STS et STS ! L’introduction de ces nouvelle options d’une titrisation – non STS, STS ABCP ou STS non ABCP – rend le choix du partenaire bancaire encore plus complexe.

 

– Avec cette complexification, la titrisation de créances est-elle en train de perdre son positionnement concurrentiel favorable ?

– Absolument pas, la titrisation de créances conserve tout son intérêt ! La formule est juste plus complexe à mettre en place en 2019 qu’en 2018. L’ESMA n’a publié ses nouvelles règles qu’en février et les banques sont en train de digérer les textes. Et s’il reste encore quelques incertitudes d’interprétation, nous anticipons une clarification courant 2019.

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