Pour nos experts Muriel Nahmias et Matthieu Guillot, la maturité et le caractère super subordonné des Prêts Participatifs Relance et des Obligations Relance constituent des arguments forts pour exclure ces instruments de l’assiette de calcul des covenants type levier ou gearing. Décryptage.

 

– Les Prêts Participatifs Relance et les Obligations Relance sont accessibles aux groupes qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ou qui emploient moins de 5.000 personnes. Une filiale de groupe qui remplirait ces critères est-elle éligible à ces dispositifs Relance ?

– Matthieu Guillot : Il est effectivement possible de raisonner en comptes sociaux au niveau d’une filiale. Il est cependant important de rappeler que l’entité doit être immatriculée en France et doit correspondre aux critères précédemment établis à savoir un chiffre d’affaires 2019 inférieur à 1,5 milliard d’euros et moins de 5 000 employés à plein temps.

 

–  Les Prêts Participatifs et les Obligations relance ont vocation à renforcer les fonds propres de l’entreprise. Peut-on alors les considérer comme du quasi-equity ?

– Muriel Nahmias : Le discours initial du Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Lemaire, allait effectivement en ce sens mais les Prêts Participatifs ou les Obligations Relance ne sont pas des fonds propres. Ils ne remplissent ni les critères juridiques ni les critères comptables pour être considérés comme tels et ce, depuis leur introduction dans la loi française en 1978 pour ce qui concerne les prêts participatifs. Par contre, ces instruments ont des caractéristiques qui dans leur substance économique peuvent s’assimiler à du quasi-equity. En effet les Prêts Participatifs sont des instruments qui n’ont a priori pas de covenants financiers, ne sont pas assortis de suretés, sont super subordonnés, se remboursent in fine (pour les obligations), sont a priori exclues des clauses de défaut croisé (cross default).

 

– Les Prêts Participatifs Relance et Obligations Relance pourront-ils améliorer les ratios financiers, même s’ils sont comptabilisés sur le papier en dette ?

– Matthieu Guillot : Ça ne sera pas automatique, mais chez Redbridge nous sommes convaincus que la maturité et le caractère super subordonné des Prêts Participatifs Relance et Obligations Relance constituent des arguments forts à opposer aux prêteurs pour exclure ces instruments de l’assiette de calcul des covenants type levier ou gearing. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt des Prêts Participatifs Relance et Obligations Relance par rapport au PGE. Attention cependant à bien s’assurer que ces dispositifs ne seront pas captés dans les clauses de cross default des instruments de dette déjà existants au bilan.

 

– Qu’est-ce que le Prêt Participatif Relance apporte de plus que le Prêt Garanti par l’Etat ?

– Muriel Nahmias : Les deux instruments ont vocation à cohabiter. Le Trésor estime en effet que le PGE est pensé pour financer la dette d’exploitation et les impasses de trésorerie, là où le PPR est censé soutenir le financement d’un plan d’investissement adossé à des dépenses d’investissement (Capex). Ces deux instruments ont donc des objets différents.

S’interroger sur la plus-value du PPR est légitime, étant donné que ces nouvelles dettes sont à peine plus longues que le PGE et sont beaucoup plus chères. Mais c’est du fait de leur caractère super subordonné). Néanmoins, l’argent est fongible. Pour Redbridge, tout l’intérêt des PPR par rapport au PGE réside réellement dans le caractère subordonné du dispositif. Reste à savoir si les entreprises sont prêtes à payer ce coût, pas si exorbitant pour de la dette subordonnée ! La prime de subordination sur les marchés publics est aujourd’hui d’environ 200 bps, donc qu’elle atteigne 250 -300 bps sur les marchés de dette privée est tout à fait acceptable (et ce d’autant qu’elle intègre une commission de garantie).

La question est plutôt : est ce que les entreprises sont prêtes à payer cette prime face à un crédit qui, en France, est actuellement très bon marché. Il n’y a pas actuellement de profil type pour les candidats au PPR.

 

– Comment les PPR et OR fonctionnent-ils pour les banques ? Exigent-elles que le montant du prêt soit partagé pro rata entre les banques du pool comme pour le PGE ? Ou au contraire doit on choisir son attelage 1 banque / 1 asset manager ?

– Muriel Nahmias : Concrètement, le point d’entrée pour le PPR c’est vos banques. Il faut consulter ses banques relationnelles. L’emprunteur peut bien sûr mener ses opérations en bilatéral ou en club deal / pool. Dans ce deuxième cas, c’est l’attelage banque/asset manager lead (ticket le plus important) qui mettra le PPR dans son compartiment.

– Les banques vont-elles mobiliser des fonds propres pour s’engager dans les prêts participatifs alors qu’elles ne bénéficient pas de la garantie d’Etat, contrairement au PGE ?

– Muriel Nahmias : C’est un vrai sujet. L’idée est de mobiliser l’épargne longue au bénéfice des dispositifs relance et d’offrir aux compagnies d’assurance un support présentant un profil rendement risque intéressant. Dans ce cadre, les banques sont surtout là en appui dans le traitement des dossiers. La grande interrogation porte sur la manière dont les banques vont flécher ces dossiers et arbitrer entre les demandes de PGE et celles de PPR. Mener une analyse comparative entre les deux pour une entreprise ne serait pas absurde, même si c’est pour au final combiner les deux dispositifs.

De leur point de vue, les banques supportent 10 % du risque. Indéniablement, c’est un actif rentable pour elle. Cela nécessite cependant trois fois plus de fonds propres qu’un PGE (mais 2 fois moins qu’un term loan – qu’elles ne feraient pas à 8 ans par ailleurs).

– Comment seront instruites les demandes ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque de cumul des études de dossier par les banques, puis par les asset managers ?

– Muriel Nahmias : D’après nos informations, c’est la banque qui aura le lead, même s’il y aura bien sûr deux comités de crédit : celui de la banque et celui du gérant. Tout l’intérêt de l’attelage est de les faire travailler ensemble. Nos premiers retours sont que cela se passe en général très bien.

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