Alexandre Bousquenaud, senior director, conseil en trésorerie chez Redbridge, décrypte le modèle tarifaire du réseau American Express et de sa pierre angulaire, la règle d’intégrité des prix.

– Le développement des porte-monnaie électroniques et la multiplication des canaux de paiements peuvent-ils conduire les commerçants à faire des choix en défaveur d’American Express ?
Alexandre Bousquenaud, senior director, Redbridge : Un commerçant choisi rarement le réseau American Express dans l’unique but de fournir une solution de paiement à ses clients. L’immense majorité des porteurs d’une carte American Express disposent déjà dans leur portefeuille d’une autre carte de type Visa ou Mastercard leur permettant d’effectuer des paiements chez des commerçants partout dans le monde. L’intérêt premier est marketing. La décision d’accepter la carte American Express relève d’une problématique de fidélisation de la clientèle de la catégorie CSP+/CSP++. D’ailleurs, le réseau American Express se présente volontiers comme un organisme de fidélisation, qui fédère une communauté de consommateurs cherchant à accéder à un univers de privilèges et à être gratifiés pour leurs achats (points de fidélité auprès de compagnies aériennes, réductions dans les grands hôtels, etc.) Aussi, du point de vue d’un commerçant, accepter la carte Amex est un moyen d’attirer par le biais d’avantages des clients capables de dépenser un gros panier. D’autre part American Express est un des leaders mondiaux des cartes corporate et intéresse les commerçants qui cherchent à capter et fidéliser cette clientèle (hôtellerie, restauration , location de voitures, etc.)

– Quel est le modèle tarifaire d’American Express ?
La grille tarifaire d’American Express intègre de nombreuses subtilités (inbound fees, wholesale vs retail rate, etc.) pas toujours simples à appréhender pour le commerçant, même si elle reste plus simple que celles pratiquées par les grands réseaux internationaux. La grille a pour élément central un taux de commissionnement, qui a la particularité de n’être jamais le même d’un pays (marché dans le jargon American Express) à l’autre, ni d’un secteur à l’autre. Ce principe d’un taux de commissionnement différent selon les secteurs économiques et les pays est justifié par le fait que le réseau apporte une valeur ajoutée différente selon le type et la localisation de commerçant. Ce modèle permet notamment d’appliquer des taux élevés aux acteurs du luxe et de l’hôtellerie. A contrario, quand le réseau veut s’implanter dans un secteur où sa valeur ajoutée est moins évidente, il n’hésite pas à proposer des tarifs compétitifs, à l’image de la grille prévalant dans le secteur de la grande distribution. Selon le secteur d’activité considéré, le taux de commission d’American Express varie du simple au triple, voire plus.

– La négociation avec le réseau est-elle possible ?
Sans concurrent véritable, American Express est un acteur relativement fermé à la négociation. Son refus est argumenté par la règle d’intégrité des prix ou pricing integrity, selon laquelle le réseau garantit appliquer un taux de commission unique au sein d’un même secteur. La réalité montre toutefois que la règle « un secteur égal un prix » n’est pas inflexible. Au sein d’un même secteur, il existe des écarts de prix de l’ordre de 33 % à 50 % selon les commerçants.

Bénéficier des conditions du client le plus favorisé n’est toutefois pas aisé et requiert de solides arguments. Pour échapper à une renégociation à la baisse de son taux, Amex peut accepter de consacrer des fonds à une action marketing en faveur de son client. Transformer cette somme en espèces sonnantes et trébuchantes est difficile, mais pas impossible.

– Pour renforcer son pouvoir de négociation, un commerçant peut-il envisager de mener une négociation mondiale avec le réseau American Express ?
Il est très complexe de mener une négociation avec American Express au niveau mondial. Pour des questions de conformité, American Express est implanté dans de nombreux pays du globe à travers des partenariats avec des acteurs locaux (joint-ventures). C’est notamment le cas en Chine. De fait, la négociation ne se mène pas avec le siège. Par ailleurs, aux Etats-Unis, où le réseau est incontournable, la capacité du commerçant à discuter est plus que réduite.

– Comment évoluent les grilles de prix d’Amex ?
C’est peut-être là la bonne nouvelle ! Les grilles tarifaires d’Amex sont orientées à la baisse depuis quelques années, par transitivité avec les baisses concédées par les réseaux Visa-Mastercard et la tendance générale à la baisse des commissions d’interchange en Europe. L’évolution de la monétique appelle une réponse de la part d’American Express.

Propos recueillis par Emmanuel Léchère

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