Pour Redbridge, le directeur de la trésorerie et du financement groupe de Verallia revient sur la structuration de la fonction finance au sein de son groupe dans les mois ayant suivi son carve-out du groupe Saint Gobain. Ses conseils ? Définir rapidement ses objectifs prioritaires et l’accompagnement requis pour les atteindre.
– Dans quel contexte le département de la trésorerie et des financements de Verallia a-t-il été créé ?
– Verallia est le troisième producteur mondial de l’emballage en verre pour les boissons et les produits alimentaires. Notre groupe, qui a une présence industrielle dans 13 pays et une présence commerciale dans 46 pays, a réalisé en 2016 un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros. À l’origine filiale du groupe français Saint-Gobain, Verallia a été rachetée en octobre 2015 par le fonds d’investissement Apollo Global Management et la BPI France.
Avant cette scission, la fonction trésorerie de Verallia était parfaitement intégrée à celle du groupe Saint-Gobain, qui s’articule sur trois niveaux : la holding du groupe – compagnie de Saint-Gobain et les délégations générales – les centres d’expertises par zone géographique, et enfin les filiales.
Dès l’annonce du rachat de Verallia par un sponsor financier, Verallia a lancé la structuration de sa holding corporate et enclenché la création de sa direction de la trésorerie et des financements.
– Quel est le principal enjeu lié à la création d’une fonction trésorerie dans un tel contexte ?
– Le principal défi fut de répondre efficacement à l’urgence de certaines problématiques (structuration du funds flow, sortie du cash pool Saint-Gobain, gestion de la relation bancaire dans un nouvel environnement high-yield, etc.) tout en posant les bases d’une organisation trésorerie robuste. Au cours de cette première phase, l’apport de consultants externes spécialistes fut majeur pour prendre les bonnes orientations dans de nombreux domaines (systèmes, factoring, organisation, recrutement…).
– Comment le département de la trésorerie et des financements est-il aujourd’hui organisé ?
– L’équipe trésorerie holding, composée de 6 personnes, est aujourd’hui directement en contact avec les trésoriers locaux. Le palier délégations générales a disparu. Cette organisation simplifiée permet une meilleure communication et facilite le partage des meilleures pratiques au sein du groupe.
S’agissant de la gestion du cash, une convention de trésorerie a été adoptée pour régir les relations entre la holding et les filiales. Le cash des 6 plus grandes entités du groupe est concentré quotidiennement au niveau de la holding.
Les entités locales sont en charge de leurs relations bancaires, identifient leurs expositions aux risques de marché et anticipent leurs besoins de financement en lien avec l’équipe Holding. Enfin, la gestion de notre programme de factoring paneuropéen de 350 millions d’euros implique les équipes comptabilité clients de toutes les entités participantes.
– Quelles ont été les actions prioritaires une fois l’acquéreur de Verallia connu ?
– Entre l’annonce de la sélection d’Apollo en juin 2015 et le closing de l’opération 4 mois plus tard, la priorité fut d’organiser le funds flow qui incluait notamment la mise en place de notre programme de factoring paneuropéen de 350 millions d’euros. Grâce à l’accompagnement d’un courtier spécialisé en affacturage, nous avons réussi à sélectionner un factor et à structurer notre programme dans un laps de temps très réduit.
À la différence de la fonction achats pour laquelle des accords de transition avaient été noués entre le vendeur et l’acquéreur, l’indépendance immédiate de la fonction trésorerie-financement s’est imposée. Au niveau de la trésorerie holding, l’appui de consultants externes pour faire face à la charge de travail intense fut un élément clé dans la réussite de ce carve-out.
Dès notre sortie effective, la priorité fut d’élaborer des prévisions de trésorerie fiables afin de piloter notre position de trésorerie et d’anticiper les besoins de financement du groupe. Nous nous sommes ensuite très rapidement attelés à la définition de notre architecture systèmes et à son déploiement. Enfin, nous avons exécuté nos premières opérations de marché pour couvrir nos expositions aux risques de change et de prix sur l’énergie, ce qui a notamment nécessité la mise en place de lignes de crédit et la signature de contrats-cadres ISDA avec nos partenaires bancaires.
– Comment avez-vous déterminé la taille de l’équipe ?
– Un environnement LBO implique une constante accélération et le bon dimensionnement de l’équipe trésorerie centrale est fondamental. Entre la vision du vendeur, celle de l’acheteur et la réalité de la charge qui pèse sur ce département, les différences en termes de ressources humaines peuvent être significatives. Une étude comparative de la taille des équipes de sociétés équivalentes à Verallia en termes de chiffres d’affaires et de problématiques trésorerie-financement à gérer nous a donné une première idée de l’organisation cible que nous devions viser.
Des profils polyvalents et de haut niveau ont tout d’abord été recrutés afin de répondre aux nombreux défis posés par la création d’une DTF. Ensuite, des compétences plus spécifiques ont été recherchées avec, par exemple, l’embauche récente d’une juriste spécialisée en droit des financements pour répondre à la charge de travail renforcée sur les problématiques de KYC, de repricing de la dette et de refinancement liées à notre vie sous LBO.
– Les outils de trésorerie ont-ils représenté un enjeu ?
– Les outils systèmes sont structurants pour une jeune trésorerie. Il était fondamental que les utilisateurs métiers aient un outil qui leur permette de faire face efficacement aux défis d’une trésorerie sous LBO. Avec l’accompagnement de consultants spécialisés, nous avons sélectionné Kyriba pour piloter notre position de trésorerie et Titan pour la gestion de nos risques de marché et financements. Aujourd’hui, l’équipe trésorerie est directement responsable de ses systèmes et s’occupe notamment en direct des problématiques de réseaux et d’interfaces.
– Quels sont les grands projets de la direction désormais ?
– Notre action au quotidien demeure rythmée par les nombreuses opérations financières lancées par le fonds. Ainsi nous avons réalisé, au cours des 18 derniers mois, 3 opérations de repricing de notre Term Loan Bullet. Nous poursuivons l’optimisation des différents paramètres sous notre responsabilité. Nous avons ainsi récemment lancé un exercice de cartographie et de benchmarking de nos conditions bancaires afin de les améliorer. Nous continuons enfin à développer une culture cash au sein du groupe et à fiabiliser nos prévisions de trésorerie pour participer à l’optimisation de notre BFR.
– Quels conseils pourriez-vous donner à un trésorier qui aurait à bâtir son organisation à partir d’une feuille blanche ?
– Mon premier conseil serait de définir quels sont les objectifs prioritaires et l’accompagnement requis pour les atteindre. Être entouré d’experts avec une approche très hands-on est alors incontournable. Il est aussi très important de prévoir les ressources nécessaires pour accompagner les équipes locales, répondre à leurs nombreuses interrogations et les rassurer dans un contexte où elles seront déstabilisées.
Afin de définir votre organisation cible et constituer votre équipe, il convient ensuite, très rapidement, d’avoir une vision long terme sur le fonctionnement de votre trésorerie et les missions qui lui seront confiées. L’appui d’un chasseur de têtes spécialisé en trésorerie vous permettra de construire le descriptif des postes à pourvoir et de sélectionner les profils les plus pertinents.
J’insiste enfin sur l’importance majeure que revêt le choix des systèmes d’information qui vous accompagneront chaque jour pendant de nombreuses années. Avant toute décision, il est nécessaire de formaliser votre besoin et ensuite d’observer les solutions retenues par vos pairs en vue d’identifier leurs avantages et leurs faiblesses. Cette phase d’analyse vous permettra de sélectionner la solution adaptée à vos problématiques trésorerie et vous fera gagner, in fine, un temps incommensurable.