Les investisseurs en EuroPP entendent bien cette année maintenir des exigences en matière de documentations de financement, quitte à se montrer plus agressifs sur le prix, écrivent Muriel Nahmias et Emmanuel Léchère.

L’année 2017 s’ouvre sur trois questions pour les directions financières. L’offre de crédit bancaire sera-t-elle toujours aussi abondante ? Les taux longs vont-ils remonter ? Les spreads obligataires vont-ils s’écarter ? Le 8 décembre dernier, la Banque centrale européenne a annoncé d’importantes modifications de sa politique d’assouplissement quantitatif. A partir d’avril 2017, le montant des rachats d’actifs de la BCE sera ramené de 80 milliards d’euros chaque mois à 60 milliards d’euros, et ce jusqu’à décembre 2017 ou jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs observe un retour de l’inflation vers son objectif. Alors que les prévisions d’inflation en zone euro tournent autour de 1,7 %, le ton restera donc très accommodant du coté de Francfort.

Une dernière opération de refinancement à très long terme (TLTRO II) le 21 mars prochain devrait permettre aux banques de continuer à prêter largement aux entreprises. L’avant-dernier TLTRO, le 13 décembre dernier, a suscité un appétit croissant par rapport aux deux allocations précédentes, puisque au total, en net des remboursements anticipés, ce sont 48 milliards d’euros qui ont été fournis aux banques à un taux entre -0,40% et 0%, après 36 milliards et 32 milliards (toujours en net) respectivement en septembre et juin 2016.

Le point haut du crédit, s’il n’a pas déjà été atteint, semble proche. A fin novembre 2016, l’encours des crédits aux sociétés non-financières françaises pointait au plus haut historique de 909 milliards d’euros, en progression de 4,8 % sur un an. La révision des règles prudentielles Bâle III, de nature à peser sur la rentabilité des établissements bancaires de la zone euro, ainsi que la rigueur affichée par la BCE sur le dossier Monte dei Paschi di Sienna, augure une normalisation progressive de la politique suivie par les banques en matière de prêts.

Après une pause en 2016, le mouvement de désintermédiation des financements des entreprises pourrait reprendre et animer le marché EuroPP qui a ralenti ces derniers mois pour cause de ré-intermédiation et de concurrence du Schulsdchein. L’arrivée à échéance en 2018 des premières opérations initiées sur l’EuroPP invite nombre d’emprunteurs à la table des négociations.

Renégocier son financement sans attendre – dès ce semestre – présente l’avantage de bénéficier encore de conditions de taux et de spreads particulièrement avantageuses. Sur la seconde partie de 2017, la normalisation progressive du marché bancaire (en volume et en prix) devrait soutenir l’activité sur le marché des EuroPP, selon le principe des vases communicants. Il faudra cependant toujours compter sur le Schuldschein, dont les volumes ont explosé en 2016 !

Dans les conditions actuelles, l’écart de prix entre un financement bancaire et un EuroPP est inférieur à 100 points de base pour un emprunteur de la catégorie investissement et tourne autour de 150-200 points de base pour un emprunteur cross-over / non-investissement. Cette marge permet en retour à l’entreprise de diversifier ses sources de financement et, surtout, d’accéder, en principe, à des maturités plus longues.

Depuis plusieurs mois, la valeur ajoutée d’un financement EuroPP est pourtant en question, au regard de la compétitivité du financement bancaire et du Schuldshein, pour une maturité moyenne peu différenciante. L’EuroPP pourrait devenir plus attractif si les investisseurs proposaient des maturités supérieures à 7 ans. Nombre d’investisseurs en EuroPP accordent des financements à 8 ans, voire 9 ou 10 ans, alors que ces maturités longues étaient anecdotiques il y a encore quelques années. Ce privilège est toutefois accordé aux meilleurs crédits. En format USPP, il est plus commun de se financer à 10 ans, voire à 12 ans. Mais l’USPP accueille des sociétés ayant un business model générant des cash flows réguliers et prévisibles dans des secteurs non-cycliques et dans le cadre de stratégies solides.

Sur le marché de l’EuroPP, les prêteurs entendent bien cette année maintenir des exigences en matière de documentations de financement, quitte à se montrer plus agressifs sur le prix. Pour beaucoup, l’objectif est a minima d’introduire systématiquement des covenants et d’encadrer la subordination, dans un alignement avec les termes des principales lignes bancaires de l’emprunteur. Cette volonté de se protéger semble d’autant plus légitime que le marché vient de connaître son premier accident industriel avec le défaut d’Agripole, holding de financement de la Financière Turenne Lafayette (Madrange, William Saurin, etc.), qui avait émis 80 millions d’euros d’obligations notamment auprès du fonds de place Novo 1. Si la nature frauduleuse de ce dossier absout les investisseurs de leur responsabilité, ces derniers ont désormais à cœur de ne pas laisser le marché se construire à leur détriment sur des structures trop flexibles ou trop écartées des cadres contractuels bancaires.

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