La conférence annuelle GTR Commodities a rassemblé à Genève la foule habituelle de directeurs financiers, trésoriers, responsables de sociétés de négoce, banquiers, assureurs, avocats, consultants et éditeurs. S’il n’y avait pas de thème particulier, dans une ambiance plutôt positive, quelques points ont retenu l’attention de notre spécialiste, Mihai Andreoiu.

Soutien des banques

Tumultueuse au printemps, la situation du financement du commerce des matières premières semble rétablie aujourd’hui, après que certaines banques aient pris des engagements de type ‘quoi qu’il en coute’ auprès des grandes sociétés de négoce. Toutefois, les besoins en liquidités des négociants sont au plus haut. L’augmentation des besoins a commencé par toucher le commerce des métaux, puis celui du pétrole et désormais celui du gaz et de l’électricité, obligeant de nombreuses banques et parfois même les Etats à mettre à disposition d’importantes liquidités supplémentaires en un temps record pour assurer la continuité des opérations des maisons de négoce sur de larges volumes.

La quête de sources de capitaux additionnels semble infinie, mais les banques qui se sont montrées accommodantes ont leurs limites. Parallèlement, les négociants plus petits ou plus jeunes luttent toujours pour gagner l’attention et l’engagement des banques, en construisant patiemment et avec diligence leur historique. Il n’y a pas de solution miracle pour instaurer la confiance : il faut travailler dur et être patient. L’espoir pour l’avenir est que des solutions technologiques, visant à atténuer notamment le risque de fraude et à rendre les garanties plus sûres, apportent une aide précieuse.

Déficit de financement du commerce et sources alternatives de liquidités

La Banque asiatique de développement (BAD) estime désormais à 1.700 milliards de dollars le déficit de financement du commerce mondial. Sa dernière enquête confirme que les PME comptaient pour environ 40 % des demandes de financement du commerce international rejetées. Les espoirs de voir les prêteurs directs et les fonds dédiés au financement du commerce international combler ce déficit ont été déçus. Ces prêteurs ont des difficultés à sourcer les flux qui satisfassent les exigences de rendement élevées des investisseurs. Ils peinent également à convaincre de l’emploi des capitaux à des niveaux de risques acceptables.

Le fait est que ces investisseurs « fixed income » ne sont pas toujours familiers avec le financement du commerce international, alors qu’une diligence scrupuleuse est indispensable pour prétendre commercialiser un instrument de trade finance classique (lettres de change, créances) dans un cadre de risques maîtrisés. Pour les acteurs qui comprennent bien les risques encourus et sont prêts à aller au-delà de l’approche souvent restrictive des banques, il y a des affaires à faire. Reste à savoir pour eux comment l’économie va « atterrir » après ce resserrement sans précédent des conditions financières, et quel sera l’impact sur le commerce en général et le commerce des matières premières en particulier. En outre, l’augmentation des coûts de financement va mettre à l’épreuve la capacité des négociants à répercuter cette hausse pour conserver leur marge. Il y aura une facture à payer.

ESG

L’ESG s’impose comme la nouvelle norme et les entreprises (en particulier celles qui ont mis en place des facilités de crédit) ne doivent pas attendre pour intégrer les problématiques de durabilité à leur mode de fonctionnement. Le temps est un facteur important. Les approches varient considérablement selon les entreprises, certaines s’efforçant d’obtenir une notation spécifique, tandis que d’autres préfèrent développer des indicateurs clés de performance liés à leur activité. Il semble indispensable de replacer l’ESG dans le contexte du modèle économique de l’entreprise et de faire comprendre son approche aux investisseurs et aux prêteurs. Le lien entre facilités de crédit syndiquées et indicateurs ESG est intéressant à observer, tandis que les lignes transactionnelles de financement des matières premières, qui restent le pain et le beurre du secteur du financement des matières premières, ne sont pas alignées avec les aspects de développement durable.

Fintechs

De la blockchain aux plateformes d’exécution post-négociation, de nombreux acteurs ont développé des solutions technologiques pour améliorer le financement du commerce international. Leur défi est d’aligner toutes les parties prenantes, au risque que la solution ne réponde finalement qu’à un problème qu’elle a elle-même créé. Le retour sur investissement et le message de ces solutions doivent donc être affinés.

Pour l’avenir, la législation aura un rôle essentiel à jouer en matière de transparence et de réduction des risques (de fraude). Cela va se mettre en place progressivement. La numérisation du commerce n’en est qu’à ses débuts. Le droit anglais étant principalement utilisé en matière de commerce et d’arbitrage, nous ne pouvons que féliciter le Royaume-Uni pour les progrès réalisés dans le cadre du projet de loi sur les documents commerciaux électroniques.

 

En conclusion, il semblerait que nous passions d’un environnement marqué par des événements spécifiques tels que les contraintes sur la chaîne d’approvisionnement, la fraude, l’absence de documents physiques, les exigences en matière de liquidité… vers un environnement économique plus difficile, avec des coûts d’exploitation accrus et un nouveau régime financier. S’en tenir à la gestion du risque, à l’allocation disciplinée du capital et aux avantages concurrentiels aidera une fois de plus à traverser cette période exigeante.

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