Lors des Journées de l’AFTE 2024 au CNIT, un atelier d’une grande richesse a exploré le thème essentiel des relations bancaires. À travers les interventions de Jean-Christophe Sautereau , directeur trésorerie et financement chez SMCP – Sandro, Maje, Claudie Pierlot, Fursac , Chloé Audrin, directrice financement et gestion des relations bancaires chez Air Liquide et Arnaud Morgant, responsable clientèle corporate chez Société Générale Corporate & Investment Banking, les participants ont pu approfondir leur compréhension des leviers d’une relation bancaire équilibrée.
Chez SMCP, Jean-Christophe Sautereau envisage les relations avec les banques comme un partenariat stratégique, fondé sur la transparence. Son groupe alloue ses flux en fonction des engagements des banques. « C’est la reconnaissance du ventre, l’entreprise se doit d’être équitable », fait valoir le DFT, qui compte treize banques à son pool de financement et travaille avec six autres banques qui ne financent pas le groupe, pour répondre à des besoins locaux, notamment de remise de cash. « La juxtaposition des présences géographiques des banques peuvent amener à certains déséquilibres, que nous nous efforçons de compenser en s’appuyant sur notre connaissance des métiers de nos partenaires », souligne Jean-Christophe Sautereau.
Côté entreprise – Mesurer / Ausculter sa relation
La relation bancaire s’envisage chez Air Liquide selon les mêmes principes d’allocation du side business en fonction des engagements, s’il fallait résumer. A la différence que Chloé Audrin utilise d’un outil quantitatif avancé pour analyser ses relations : « Le RAROC ou Risk Adjusted Return on Capital est un indicateur permettant de mesurer la rentabilité estimée des relations bancaires d’Air Liquide. Il calcule, pour chaque banque partenaire, la rentabilité de son activité avec le groupe, en déterminant combien de revenus et de marge nette sont générés pour chaque euro de capital engagé. Cette analyse globale englobe tous les produits et services bancaires utilisés et est réalisée chaque année au premier trimestre, sur la base des données de l’année précédente ». La responsable indique partager avec l’ensemble des décideurs d’Air Liquide son analyse, qui contient notamment un graphe très visuel, présentant les engagements, la rentabilité et le volume d’affaires généré auprès de chaque partenaire bancaire.
Air Liquide complète son analyse d’une étude qualitative auprès des différents services du groupe en relation avec les banques partenaires, en s’intéressant à des critères comme l’implantation géographique, la compréhension des besoins, ou encore la responsabilité sociale et environnementale. Le tout, qualitatif et quantitatif, occupe une personne et demie durant trois mois. « Tout le monde ne souhaite pas ou ne peut pas faire le même travail, mais il est toujours possible de mettre en place un suivi quantitatif de ses relations bancaires. Ce qui compte n’est pas tant que le modèle soit parfaitement juste ou complet, mais plutôt qu’il soit cohérent et permette de véritablement comparer les banques », conclut Chloé Audrin.
SMCP ne mène pas une analyse aussi poussée qu’Air Liquide, mais Jean-Christophe Sautereau partage l’opinion de sa consœur. « Il faut être en mesure de dire au top management quelle est la banque qui génère la plus grande valeur ajoutée. Nous menons notre suivi quantitatif sur des statistiques de flux et de respect des quotas bancaires en fonction des lignes attribuées en appliquant des poids différents selon les instruments : garanties, Forex ou découverts par exemple. La partie qualitative se traduit par une synthèse des niveaux de satisfaction », souligne-t-il.
Côté banque – des métriques alignées avec la stratégie groupe
Arnaud Morgant a présenté les éléments clés fondant les décisions de crédit et de pricing au sein de la banque en général, et SGCIB en particulier. Parmi eux, les revenus détaillés par nature et suivis par client chaque année, voire chaque trimestre ; ainsi que la consommation de fonds propres évaluée à travers le RWA (Risk Weighted Assets), qui se fonde sur la notation du client, la maturité du financement ou de l’opération de marché, le type de concours (garantie de marché ou financement par exemple).
Entrent également en ligne de compte les dépôts et le courant d’affaires proportionné au niveau d’engagement. Derniers éléments importants : l’alignement sur la politique RSE de la banque « qui prend une importance croissante », l’historique de la relation et la satisfaction du client mesurée via un Net Promoter Score, en vigueur depuis plusieurs années chez SGCIB.
La rentabilité de la relation jour évidemment un rôle important dans les décisions d’octroi de financement. « Une banque ne peut pas travailler à long terme au service d’une relation globalement non rentable. Néanmoins, la décision de participer à un financement n’est pas prise de manière mécanique sur la seule base du couple rendement-risque de l’opération ou de la rentabilité globale de la relation », fait valoir Arnaud Morgant. Les questions clés seraient alors : la rentabilité globale est-elle faible pour des raisons structurelles ou peut-elle évoluer ? Quelles sont les solutions alternatives pour le client si la banque décline ? Est-on en face d’une opération stratégique sur laquelle la banque ne peut tout simplement pas ne pas être présente ?
Comprendre sa notation bancaire
Il est certain que l’équilibre d’une relation bancaire repose sur une compréhension approfondie des objectifs et des processus de ses partenaires financiers. Au-delà des métriques, comme l’allocation du side business, la notation bancaire est un élément fondamental souvent négligé par les entreprises dans leurs discussions avec leurs banquiers.
Comme l’a souligné Arnaud Morgant, cette notation joue un rôle déterminant. Elle impacte directement le circuit de décision de crédit : plus le risque perçu par la banque est élevé, plus les instances décisionnaires mobilisées seront seniors. Elle influence également de manière fondamentale le niveau de fonds propres mobilisé via le calcul du RWA, ce qui a des répercussions sur le pricing et, in fine, sur la rentabilité des fonds propres de la banque.
Pourtant, selon un sondage mené en direct auprès des participants à la table ronde, la moitié des trésoriers déclaraient ignorer leur notation bancaire interne, tandis qu’un quart n’en avait qu’une connaissance partielle. Pour David Laugier, Chief Operating Officer de Redbridge et modérateur de la session, « il ne fait aucun doute que la notation interne doit être systématiquement demandée et constituer une base de discussion avec sa banque. »
L’équipe conseil en dette de Redbridge, relève régulièrement des disparités pouvant atteindre trois crans entre les notations attribuées par les banques d’une même entreprise. Ces écarts ont des conséquences significatives, notamment dans le cadre de syndication de financements importants. Sous cet angle, réaligner la perception des prêteurs sur la réalité des risques de l’entreprise constitue bien un levier essentiel à intégrer dans la gestion de ses relations bancaires.