Dans les secteurs de l’assurance, de la construction/BTP et de l’immobilier, le métier de trésorier revêt une série de spécificités qui rendent l’optimisation des services et frais de cash management plus complexe. Pour Lucie Kunesova, Associate Director – Conseil en cash management chez Redbridge, ces spécificités ne sont pas un handicap mais, au contraire, reflètent un potentiel accru d’économies à faire sur le cash management. La preuve par l’exemple.
Parlons des entreprises qui, par nature, gèrent des dizaines voire des centaines de comptes bancaires séparés – assureurs, groupes immobiliers et acteur du BTP avec leurs multiples chantiers. Comment intégrer ces comptes ségrégués dans la stratégie d’optimisation des frais ?
– Ces secteurs ont en effet une problématique particulière : ils accumulent les comptes bancaires. Dans l’assurance, on doit souvent séparer les fonds par entité ou par produit pour respecter des obligations réglementaires de cantonnement. Dans l’immobilier ou la construction, chaque projet peut avoir sa structure dédiée, parfois en coentreprise, avec un compte bancaire spécifique pour isoler les flux du chantier. On se retrouve ainsi avec une multitude de comptes « locaux », disséminés dans différentes banques, ce qui rend la centralisation du cash très compliquée. Le résultat, c’est non seulement un suivi administratif lourd (ouvrir et fermer des comptes en permanence, gérer les procurations, etc.), mais aussi un coût global de cash management qui enfle sans forcément que l’on s’en rende compte – car chaque compte génère des frais de tenue de compte, des commissions sur les flux, etc. Pour le trésorier, c’est un véritable défi de tout inventorier et maîtriser ces coûts éparpillés. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a là un gisement d’économies souvent sous-exploité. La première étape, basique en apparence, c’est de recenser et consolider toutes les conditions tarifaires de ces comptes ségrégués. Beaucoup de groupes n’ont pas une vision d’ensemble à jour : il faut aller collecter les contrats de chacune des entités, rassembler les grilles tarifaires appliquées par chaque banque, et analyser les volumes de transactions sur chaque compte. C’est un travail méticuleux, mais indispensable pour voir où sont les anomalies et les leviers.
Avez-vous des exemples concrets à présenter ?
– Nous l’avons fait par exemple pour NGE, un acteur majeur du BTP qui opère sur des centaines de chantiers. Sur un périmètre de 23 banques et près de 500 comptes bancaires actifs, en analysant le détail des volumes et coûts par banque, par groupe bancaire et par type de service, nous avons pu établir le coût réel du cash management supporté par ce client. Cette photographie a servi de base pour lancer une consultation simultanée auprès de l’ensemble des banques. Au terme du processus, NGE a réduit de 65 % le coût de son cash management. Un des changements marquants a été l’abandon de l’ancienne commission de mouvement au profit d’une facturation unitaire plus claire et maîtrisable. Le groupe a également signé des conventions bancaires encadrant les nouvelles conditions sur 3 ans, afin d’inscrire ces gains dans la durée.
On retrouve des succès similaires chez d’autres clients du BTP. Demathieu Bard, pour ne citer qu’eux, disposait de plus de 400 comptes bancaires répartis sur 21 entités juridiques, avec un poids très important de la commission de mouvement dans sa tarification historique (lire notre cas client – Demathieu Bard). Là encore, une renégociation bien menée s’est conclue sur une baisse de 55 % des frais de cash management. Concrètement, la commission de mouvement a été quasiment éliminée (–80 % sur ce poste) et les frais de tenue de compte réduits de 20 %. Le tout en simplifiant la structure de facturation pour qu’elle soit plus facile à contrôler au quotidien. Autre point important, l’optimisation est passée aussi par un rééquilibrage des flux entre les banques : nous avons aidé le client à mieux répartir ses opérations sur ses différents partenaires pour tirer parti des conditions les plus avantageuses chez chacun. C’est une approche parfois négligée : en jouant sur les volumes alloués à chaque banque, on peut souvent optimiser le coût moyen, bien sûr sans compromettre la sécurité ni la qualité de service.
Quel est la clé de réussite de ces renégociations dans un environnement de trésorerie décentralisé ?
Dans tous ces projets, nous veillons à intégrer les spécificités sectorielles dès le cahier des charges. Par exemple, pour Spie Batignolles, il a fallu tenir compte des comptes de groupement d’entreprises et des comptes de chantier (SEP) propres au secteur de la construction (lire notre cas client – Spie Batignolles). Cela signifie prévoir des conditions tarifaires adaptées à ces comptes particuliers, qui ont des usages très saisonniers ou ponctuels. L’objectif est que même ces comptes périphériques – qui, pris individuellement, peuvent sembler mineurs – bénéficient eux aussi de conditions optimisées au sein de la nouvelle grille négociée. On obtient ainsi une harmonisation des frais à la baisse sur l’ensemble du périmètre bancaire du groupe. Et au final, les résultats dépassent souvent les attentes initiales du client, tout en renforçant le pilotage quotidien de la trésorerie. Je pense notamment au retour d’une cliente, responsable trésorerie, qui soulignait qu’après l’intervention de Redbridge, leur cash management était devenu « plus économique et plus transparent » qu’auparavant. C’est là un bénéfice à ne pas sous-estimer : l’optimisation des frais va de pair avec une meilleure visibilité pour la fonction trésorerie.
Pouvez-vous résumer en conclusion l’approche développée par Redbridge en matière d’optimisation des frais et services bancaires et comment cette approche est taillée pour les environnements les plus complexes ?
Chez Redbridge, nous étudions diverses solutions permettant de gérer plus efficacement la trésorerie multi-comptes de nos clients. L’important est de disposer d’une vision holistique et dynamique : combiner le meilleur des outils technologiques, des benchmarks de marché et de l’expertise humaine pour optimiser en continu. C’est ainsi que même dans des environnements complexes – avec de multiples banques, comptes et devises – on parvient à transformer la complexité en opportunité. Chaque compte, chaque service bancaire, chaque centime de frais peut être discuté, dans le respect des partenariats en place. À la clé, on trouve un triple bénéfice : des économies substantielles, une efficacité opérationnelle accrue et une meilleure transparence pour la fonction trésorerie. C’est un message d’optimisme que j’adresse aux trésoriers : même si votre organisation est très décentralisée ou contrainte par des comptes ségrégués, des marges de manœuvre existent. Avec une approche structurée et globale, vous pouvez reprendre la main sur vos frais bancaires – et dégager de la valeur là où, hier encore, vous n’en voyiez pas.