Redbridge a interrogé 7 éditeurs sur la manière dont leurs systèmes de paiement se doivent d’évoluer afin de d’intégrer le virement instantané. Solenn Le Lay, director chez Redbridge, fait le point sur les défis de mise à disposition d’un nouveau moyen de paiement pour les entreprises.

Incontestablement, le virement instantané présente un intérêt pour la trésorerie, par sa capacité à remplacer les virements autrefois dits « urgents » ou sensibles. Avec le SCT Inst, fini le stress du cut-off time des banques, les pénalités de retard associées à un paiement mal exécuté ou les complaintes des bénéficiaires dans l’embarras de ne pas avoir reçu leur paiement… Depuis que le plafond de l’Instant Payment est passé à 100 K€ début juillet 2020, il attire davantage le monde des entreprises. Mais comment le mettre en place d’un point de vue pratique ?

Émettre un paiement instantané, mais les outils de communication bancaire sont-ils prêts ?

Les portails Internet des banques sont globalement prêts pour vous permettre d’émettre des virements instantanés online, mais qu’en est-il des systèmes de gestion de trésorerie (TMS) par lesquels passe l’essentiel de vos instructions de paiement ?

Dans le cadre de notre enquête de cette année, nous avons interrogé 7 éditeurs sur la manière dont leurs systèmes de paiement se doivent d’évoluer.

À l’instar des banques il y a un an, les éditeurs ne sont pas tous au même stade de développement : en début d’année, 3 sur 7 travaillaient avec des clients pilotes pour mettre en place l’émission de virements instantanés depuis leurs plateformes. Certains, comme DataLog Finance ou Bellin, l’ont développée en test « dans le cadre d’une montée de version en tant que fonctionnalité standard », d’autres comme NEOFI, Diapason ou FIS attendent les demandes de leurs clients pour intégrer l’émission d’Instant Payments à leur offre, et misent sur le fait que « la mise en œuvre sera très rapide (un investissement de quelques jours tout au plus), puisque ce nouveau moyen de paiement reste basé sur le format SCT existant ».

Néanmoins, pour ceux qui ont commencé à l’expérimenter, la mise en place du SCT Inst n’est pas si simple.

Internet permet le traitement d’une opération en temps réel. Tous les éditeurs ont développé de nouvelles interfaces Web, voire des applications mobiles pour la saisie de virements instantanés unitaires, avec un process de validation relativement simple et rapide. Néanmoins, comme le souligne DataLog Finance, ce process « ne peut être utilisé pour des milliers de virements sur un intervalle de temps court, à cause de la lenteur de traitement de ce type de connexion. »

« Pour des envois de masse, il est recommandé d’envoyer des fichiers », ajoute DataLog Finance. Mais comment les transmettre pour en obtenir l’exécution en temps réel ? Seules les APIs permettent une communication directe avec les banques, et malheureusement, pour l’instant, il n’y a aucune harmonisation des APIs entre banques. Chacune d’entre elles a développé son application, ce qui fait que les éditeurs doivent développer autant d’APIs que leurs clients ont de banques émettrices.

En attendant un mouvement d’harmonisation, par exemple selon le modèle proposé par STET, les éditeurs s’adaptent. Certains, comme Sage et DataLog Finance, ont choisi de nouer des partenariats et d’organiser des ateliers avec les principales banques de la place, quitte à développer une très large bibliothèque d’APIs, même si elle « pose des difficultés d’homogénéité et de coût, et rallonge les temps de déploiement ». D’autres, comme ACA, essaient « de travailler en collaboration avec leurs clients communs dans un trio entreprise-banque-éditeur ». D’autres, comme FIS et NEOFI, déploient sur demande, au fur et à mesure que les APIs sont en place et que les clients souscrivent aux bons services.

Sage anticipe que ces APIs bancaires seront appelées via un système d’authentification forte, mais déplore un process de remise et de validation encore très flou.

Pour encourager l’expansion de ce nouveau moyen de paiement sans attendre la mise en place de ces APIs, plusieurs éditeurs militent pour que les virements instantanés puissent être envoyés sous les protocoles d’échange classiques EBICS, SWIFTNet et SFTP, sous forme de fichiers SCT classiques, « avec un tag dans le fichier ou fileinfo ou requesttype spécifiant que le virement est un SCT Inst ». Là encore, malheureusement, chaque banque risque de définir ses propres règles, différentes de celles de ses consœurs, ce qui va compliquer les paramétrages et la constitution des fichiers de virements instantanés pour les trésoriers.

Une autre approche conseillée par FIS est « d’utiliser SWIFT gpi. Cette technologie, jusqu’ici surtout employée par les grandes entreprises pour un traitement rapide et un suivi très détaillé de leurs virements internationaux, peut tout à fait l’être pour l’émission des virements que l’on souhaite instantanés. »

Pour l’instant, les seules règles sur lesquelles tous les acteurs s’accordent sont d’une part, que les remises de fichiers de SCT Inst devront être bien distinctes des autres remises de SCT classiques et d’autre part, que les remises devront être monobanques (une remise par banque).

 

Suivi des ordres

Pour les saisies manuelles via des portails Web ou des applications mobiles, la vérification de la bonne exécution des opérations est facile, puisqu’Internet permet un rafraîchissement des informations en temps réel. « La récupération du statut du SCT Inst se fait soit durant l’appel du même Web service que l’envoi, sinon par appel d’un autre Web service de récupération du statut », « ce qui fait que l’utilisateur ayant saisi le virement est immédiatement alerté en cas de rejet », confirme DataLog Finance.

« SWIFT gpi permet d’avoir une visibilité complète sur la chaîne de traitement d’un paiement, et donc de bien suivre l’exécution d’un SCT Inst ; il faut néanmoins accepter que l’instantanéité soit de quelques dizaines de minutes et non de quelques secondes », comme le souligne FIS.

Pour les fichiers de masse envoyés via les APIs ou les protocoles de communication plus classiques, le suivi sera plus compliqué, car il dépendra du type d’informations transmises par la banque exécutante et du moment où il sera transmis. Les Payments Status Reports habituels resteront vraisemblablement le meilleur support pour suivre le statut des paiements, mais comme le souligne Sage, ils devront très certainement être étoffés de « nouveaux statuts » plus adaptés au temps réel. Ces fichiers de retour devraient pouvoir être intégrés aux outils, comme aujourd’hui, et permettre de confirmer la bonne exécution des opérations, de bout en bout, comme le rappelle Bellin.

Diapason prévoit de retranscrire les statuts directement sur le tableau de bord mis à la disposition de ses clients, ACA d’utiliser le moniteur de suivi des instructions en temps réel développé dans le cadre du Tracker GPI et FIS de développer un « middleware API (appelé « code connect ») pour permettre de faciliter les connexions APIs en s’affranchissant de la diversité des standards développés par chaque système ».

Quant au rapprochement bancaire de ces opérations de SCT Inst, il pourrait se faire grâce à une nouvelle catégorie de rapprochement, automatique comme pour tous les autres types d’opérations, « un pour un, sur n’importe quel compte, qu’il soit réservé aux SCT Inst ou pas » confirme DataLog Finance.

Si le trésorier souhaite gérer ses comptes en temps réel, il pourra s’appuyer sur les relevés de comptes intradays (MT942) qu’il reçoit peut-être déjà aujourd’hui, mais dans la mesure où son travail reste basé sur des prévisions, NEOFI recommande « de gérer les retours de SCT Inst en intraday et d’attendre le lendemain pour les rapprocher. Le trésorier a-t-il en effet vraiment besoin d’avoir un état de sa trésorerie en temps réel ? » Vrai sujet qui ouvre la question de la vie du trésorier demain…

La moitié des éditeurs de la place interrogés par Redbridge indique avoir adapté ses outils pour permettre aux entreprises de tester leurs premières émissions de virements instantanés. L’autre moitié se déclare prête à accompagner ses clients sur demande. Dans chaque cas, le nouveau module serait proposé sans surcoût par rapport au contrat.

Le trésorier prudent mènera toutefois ses tests sur des virements unitaires, et avec certaines banques d’abord. Le virement instantané n’est pour l’instant opérationnel qu’avec 4 à 5 banques en France et avec quelques banques de flux de dimension internationale des pays voisins…

Enfin, en amont, il conviendra de bien négocier avec ses banques le prix du virement instantané, car l’émission de ces nouvelles opérations pourrait vite devenir un poste de coût significatif !


Pour en savoir plus sur les nouveaux moyens de paiement, lisez vite notre nouvelle enquête !

La nouvelle revue des moyens de paiements de Redbridge donne la parole aux responsables monétique en entreprise, aux prestataires de services de paiements, aux éditeurs et aux banquiers. Leurs témoignages sont complétés par l’analyse de nos consultants en trésorerie pour saisir l’ensemble des enjeux et des tendances du monde de la monétique.

Paiements innovants, paiements instantanés, e-commerce, fraude, sécurité, schéma directeur des paiements… Sur tous ces sujets, notre nouvelle publication présente le positionnement des acteurs de l’industrie des paiements et fournit un guide sur qui peut faire quoi dans la réussite de votre projet monétique.

A retrouver dans notre ouvrage :

  • Le point de vue de Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel
  • Analyse – L’avenir des paiements
  • Analyse – E-commerce, une stratégie pour maximiser ses ventes et lutter contre la fraude
  • Observatoire 2020 du virement instantané – Enquête auprès des banques, des éditeurs et des PSP

 

Ainsi que nos entretiens avec :

  • Michel Yvon, Décathlon
  • Charles Lutran, Critéo
  • Isabelle Olivier, SWIFT…

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