A l’occasion de la révision semestrielle de sa grille de commissions de réseau, appliquée aux acquéreurs, Visa Europe a introduit de nouveaux éléments et relevé le tarif des transactions issues du e-commerce. Pour Mélina Le Sauze, Director chez Redbridge, ces évolutions renforcent l’intérêt d’optimiser l’allocation des flux acquéreurs.

– A quoi servent les commissions de réseau également appelées scheme fees ?

– Mélina Le Sauze : Les réseaux cartes ont deux sources de revenus principales : les licences réglées par les émetteurs de carte d’une part, les frais de réseau facturés aux acquéreurs pour chaque transaction traitée d’autre part. Ces frais de réseau se décomposent en une dizaine de grands postes et varient selon le mode d’encaissement (proximité vs e-commerce), selon le degré de sécurisation de la transaction, ou encore le fait que l’acquéreur soit un acteur domestique ou transfrontalier.

Pour les réseaux Visa et Mastercard, les frais de réseaux varient entre 0,02 % pour les cartes domestiques à plus de 0,80 % pour les cartes internationales. En moyenne, les frais de réseau pratiqués par le français GIE CB varient de 0% à 0,14%. Ces niveaux de frais ne sont toutefois pas publics. Surtout, ils différent nettement selon les acquéreurs.

– Qu’est-ce qui explique ces différences de commissions de réseau qu’appliquent les acquéreurs ?

– Les réseaux carte ont pour politique de ne communiquer leur grille de frais qu’auprès des acquéreurs ayant une licence d’acquisition en cours de validité. Les commerçants peuvent toutefois se faire une idée de l’importance de ces frais en demandant, dans le cadre d’un appel d’offres notamment, aux établissements acquéreurs de fournir une cotation de type « interchange ++ » à la place d’une commission globalisée. A cette occasion, les acquéreurs vont détailler pour chaque transaction le niveau d’interchange applicable, ainsi que les commissions d’acquisition et son niveau de marge.

Il ressort des différences très importantes sur le niveau des commissions de réseau facturées au commerçant. Selon les acquéreurs, les commissions peuvent varier entre 1 et 4 pour une même transaction ! En effet, certains acquéreurs peuvent proposer des scheme fees plus compétitifs que d’autres. Ils peuvent subventionner les scheme fees avec une partie des rétrocessions qu’ils reçoivent des réseaux au titre d’un volume d’émission de cartes important par exemple. Ils peuvent également faire bénéficier au commerçant des rétrocessions accordées en fin de période, liées à une volumétrie importante de flux ou une bonne qualité de données transmises aux réseaux.

– Que se passe-t-il actuellement sur les commissions de réseau appliquées par Visa Europe ?

– A l’occasion de la révision semestrielle de sa grille de scheme fees, Visa Europe a introduit de nouveaux éléments tarifaires et relevé ses prix pour les transactions issues du e-commerce. Ces changements font suite au rachat de Visa Europe par Visa Inc et visent à uniformiser les frais pratiqués par le réseau international dans le monde.

En avril 2018, les trois grands changements comprennent une augmentation progressive des frais de développement des opérations de vente à distance (ecommerce et MOTO) applicable aux opérations internationales ; l’apparition de nouveaux frais de processing pour tout type de cartes ; l’ajustement de frais de clearing et settlement pour tout type de cartes.

Au global, l’évolution de la grille tarifaire est favorable aux encaissements de cartes domestiques, dont les frais de réseau baissent de 6 %. Visa se prépare à affronter le GIE CB avec des tarifs plus compétitifs, alors que le règlement européen relatif à l’interchange carte autorise les commerçants à choisir par défaut un réseau traitant les transactions de leurs clients.

La situation est moins favorable aux encaissements de cartes internationales. La nouvelle grille impactera fortement les commerçants facturés selon une structure « interchange ++ ». Les frais vont doubler sur les cartes EEA, quel que soit le canal. Ils vont progressivement quintupler sur le canal e-commerce sur les cartes hors EEA, à l’horizon 2020.

– Quid de Mastercard ?

– Les deux grands réseaux internationaux ont des grilles de commissions relativement similaires et suivent la même trajectoire à la hausse. Mastercard vient par exemple d’introduire récemment des frais d’authentification forte.

– Quelle conclusions tirer de ces évolutions ?

– Ces évolutions invitent les commerçants à demander une plus grande visibilité sur la structure de ces frais de réseau. C’est d’autant plus difficile que les schemes n’individualisent pas la facturation des frais de réseau par commerçant auprès des acquéreurs. Ces derniers se font facturer une enveloppe globale de frais de réseau qu’ils doivent répercuter auprès des marchands.

Au-delà, la tendance à la hausse régulière des commissions de réseau renforce l’intérêt des commerçants à étudier la mise en place de structures techniques offrant plus de flexibilité dans l’allocation des flux et d’adopter des stratégies d’optimisation permettant de limiter les hausses (choix du réseau préférentiel, routage des cartes, « on-us »…). La question se pose sur la possibilité d’encadrer ces frais de réseau dans le cadre de la règlementation sur les interchanges de 2015 qui arrivent à son terme en fin d’année.

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