A l’occasion du dernier EuroFinance qui s’est tenu à Budapest, les trésoriers d’entreprise ont partagé leurs expériences en matière de prévision de trésorerie, opérations de change, paiements, automatisation de la trésorerie et architecture des données. L’IA y fut présentée …

comme un outil permettant de générer plus rapidement des informations exploitables à destination des équipes de direction, tout en réduisant les interventions manuelles. Les prévisions de trésorerie et l’automatisation des processus représentaient les champs d’application de l’intelligence artificielle les plus mis en avant par les participants, mais d’autres domaines furent présentés, notamment en matière de Forex ou encore de codage permettant de faire dialoguer entre eux des systèmes d’information.

Prise de pouls des trésorerie européennes

Interrogés en session sur les activités pour lesquelles l’IA leur serait utile, les trésoriers citent en premier lieu les prévisions de trésorerie (38 % des réponses), puis l’automatisation des processus (32 %). Cependant, plus de la moitié des personnes interrogées déclarent que leur entreprise n’utilise toujours pas l’IA pour établir des prévisions, tandis que près d’un tiers déclarent “explorer” comment utiliser cette innovation. 

92 % des participants à la session consacrée à « l’IA  et l’automatisation »  indiquaient utiliser l’IA dans leurs activités quotidiennes de trésorerie. Ce pourcentage très élevé pouvait reflèter un caractère sophistiqué, sinon biaisé du panel assistant à la session. Mais lorsque la question a porté sur la manière dont l’IA était utilisée, les réponses furent plus terre-à-terre : rédiger et peaufiner des e-mails, résumer de longs fils de discussion et des présentations, analyser des données qui auraient pris des heures à mettre en forme il y a encore un an.  

Etat des lieux de l’IA dans les processus de trésorerie

Les différentes sessions ont livré un aperçu de comment les équipes de trésorerie expérimentent l’IA. Kathy Brustad, directrice de la trésorerie mondiale et des services financiers chez Microsoft, a détaillé comment son département trésorerie utilise des modèles d’apprentissage automatique pour aider à prévoir les retards de paiement et renforcer ses prévisions de trésorerie, tout en utilisant l’IA générative pour convertir en SQL des questions formulées en anglais courant en vue d’interroger des ensembles de données structurées. Ainsi la trésorerie de Microsoft est-elle parvenue à réduire le pas de ses prévisions, limiter ses erreurs de routine et consacrer plus de temps à la prise de décision. 

Microsoft n’est toutefois pas la seule trésorerie à avoir expérimenté l’IA pour fiabiliser ses prévisions. Il y a un an déjà, Redbridge avait écrit sur le chantier de longue haleine mené sur le même sujet par le Groupement Les Mousquetaires. Dans les deux cas, les équipes livrent le même enseignement : pour renforcer ses processus de prévision de trésorerie en faisant appel à l’IA, il faut disposer de données saines, d’une gouvernance claire et d’un spécialiste à l’oeil acéré chargé de corriger en temps quasi-reel les biais et les dérives des modèles et des bases de données.  

FX and hedging: human judgment still vital

Au cours de la conférence EuroFinance, l’IA a également été évoquée sur le sujet de la gestion des opérations de change, mais toujours avec une intervention humaine. Nita Baindur, vice-présidente associée et trésorière adjointe chez Agilent a souligné comment l’IA peut aider à cartographier plus systématiquement les expositions, à proposer des couvertures et à détecter les anomalies. « L’humain intervient sur la décision du niveau de couverture » , a-t-elle déclaré, ajoutant que « même si l’IA vous donne la réponse, c’est vous qui êtes finalement responsable ».  

« L’IA ne nous remplace pas » : conséquence pour les modes opératoires

Le titre d’un atelier l’indiquait clairement : « L’IA ne nous remplace pas » . Comme l’a fait remarquer Garima Thakur, trésorière chez Creative Artist Agency, le véritable avantage de l’IA réside dans la rapidité d’exécution de certains process longs. Même constat, les trésoriers continueront à prendre les décisions, mais leurs compétences évoluent.  

A cet égard, l’atelier intitulé « Codage pour les trésoriers : ingénierie rapide pour plus d’efficacité » a mis en avant des méthodes pratiques pour améliorer le traitement des données et l’interopérabilité entre les systèmes d’information. Mario Del Natale, directeur de la trésorerie – trésorerie digitale monde chez Johnson Controls, a montré comment des prompts précis et un code simple peuvent rationaliser le reporting et la manipulation des données. Son constat ? Les équipes IT surchargées de travail ne peuvent pas traiter rapidement toutes les demandes de l’équipe de trésorerie. Les trésoriers capables de coder, avec l’aide et le soutien bienveillant de l’IT, contribueront donc à créer de la valeur plus rapidement. 

Bots et automatisation

L’automatisation robotisée des processus (Robotic Process Automation ou RPA) s’adapte à l’avènement de l’IA. Les experts du panel « Automatisation des processus de trésorerie : l’évolution des RPA à l’ère de l’IA » ont discuté de la manière dont les robots «  intelligents »  peuvent désormais gérer des flux plus complexes, interagir via des API et réduire les problèmes de réconciliation entre les systèmes. Des intervenants de Booking Holdings et BAT ont décrit comment la RPA moderne peut aider à combler les manques d’interopérabilité entre les systèmes d’information utilisés par la direction financière, mais ont unanimement souligné l’intérêt de disposer d’une stratégie plus large en matière de données et de systèmes, plutôt que d’un simple dispositif correctif pour des entrées erronées.  

Un robot peut être soit un outil permettant d’accélérer le processus, soit le signe que les données en amont doivent être corrigées. Dans un sondage rapide réalisé pendant la diffusion, la majorité des équipes de trésorerie ont déclaré qu’aucune automatisation formelle de leurs activités n’était encore en place, tandis qu’environ un tiers (32 %) ont déclaré utiliser des robots RPA et une proportion plus faible (10 %) ont déclaré combiner déjà la RPA et l’IA.  

API : plus difficiles à mettre en œuvre que ne le suggèrent les brochures

Les discussions relatives à l’IA ont régulièrement abordé le thème de la connectivité. Sans données structurées disponibles, même le meilleur modèle est voué à l’échec. Le panel « Faire progresser les API : interopérabilité et automatisation avancées” réunissait des représentants des trésoreries de Bolt et Groupe Legris, aux cotés de l’éditeur Kyriba. Les panélistes ont présenté en quoi les API permettent de réduire les interventions manuelles et renforcer la visibilité sur les flux de trésorerie à l’échelle d’un groupe, tout en déplorant qu’il restait souvent en bout de chaine au niveau de l’ERP ou du TMS un « dernier processus » difficile à automatiser.  

La session a laissé entrevoir la lassitude vis-à-vis des API gagnant un certain nombre de trésoriers. BAT a notamment indiqué avoir stoppé ses projets après avoir été confronté à des problèmes de coût, de complexité et de retour sur investissement incertain. En ligne de mire, l’incohérence des normes d’interoperabilité et les problèmes persistants d’agrégation des données, qui transforment ce qui devrait être des solutions « plug and play » en des mois de travail interne, au détriment de questions plus prioritaires. Une voie pragmatique pour aller de l’avant avec les APIs consiste à utiliser des connecteurs pré-construits lorsqu’ils existent et à se concentrer sur des projets à forte valeur ajoutée et peu complexes. En somme, à gérer les API comme un portefeuille de projets, avec des étapes claires et des critères d’abandon !  

Data Lakes et visualisation

La session « Data Lakes : créer et connecter un ensemble de données aux systèmes de trésorerie »  a exploré comment la centralisation des données bancaires, ERP, TMS, de marché et de portail bancaire aide à constituer des ensembles de données cohérents pour les prévisions de trésorerie, la planification de la liquidité et l’analyse des risques. Il s’agit d’une première étape pour l’IA en vue d’aider à identifier et à préparer ces ensembles de données pour les modèles en aval. La réussite dans ce domaine dépend moins de l’utilisation d’une plateforme d’une marque largement reconnue que de la gouvernance. Le travail interfonctionnel des services informatiques et comptables est essentiel à la réussite de tels projets.  

Une fois que les données sont fiables et combinées, la visualisation devient un levier de réussite. La session « Montrez-moi à nouveau ces données : outils de visualisation pour les trésoriers » a souligné comment les tableaux de bord interactifs, les graphiques et les analyses préétablies aident la trésorerie à passer du reporting à la compréhension. C’est là que les modèles génératifs s’avèrent déjà utiles en résumant les mouvements, en mettant en évidence les anomalies, en rédigeant des commentaires et en préparant des vues prêtes à l’emploi pour les dirigeants, à condition que les données sous-jacentes soient complètes et à jour.  

Gouvernance, risques et la question de l’IA

Les trésoriers ont souligné à plusieurs reprises l’importance de la confidentialité, de la sécurité et de l’analyse des données. L’article « L’IA ne nous remplace pas » a bien résumé la situation : alors que certaines entreprises testent des modèles internes pour garder le contrôle des données sensibles, d’autres utilisent des modèles externes, mais avec des autorisations strictes et des contrôles stratégiques en place. Dans tous les cas, les équipes juridiques, de sécurité informatique et de trésorerie se réunissent autour d’une même table. Le modèle qui conviendra à votre environnement dépendra de votre appétence pour le risque, de votre cadre réglementaire et de la maturité de votre architecture de données. 

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