Face au regain de tensions sur les marchés de matières premières, les banques se sont mobilisées pour déployer des liquidités auprès des négociants du monde entier et en particulier les négociants en métaux impactés par les turbulences du LME (London Metal Exchange). Mihai Andreoiu, senior director chez Redbridge, juge que la crise actuelle fait resurgir la question de savoir si les négociants peuvent continuer à se reposer principalement sur des lignes de financement bancaire non confirmées ?

Dans un récent article, j’évoquais la nécessité pour les sociétés de négoce de prêter une attention accrue à leurs liquidités dans un contexte de hausse des prix des matières premières (Lire notre article – Avec le rebond du commerce international, connaître ses banques reste indispensable)

Depuis, quatre mois se sont écoulés et nous avons été les témoins d’événements sans précédent sur les marchés de matières premières, dignes d’un cygne noir, avec une hausse brutale des cours. N’ayant pas la capacité d’extension d’un accordéon, les firmes de négoce en matières premières ont dû souscrire en urgence des lignes de liquidités supplémentaires (en quelques jours), non pas pour accroitre leurs volumes d’affaires, mais simplement pour répondre aux appels de marge destinés à maintenir leurs positions.

Les banques s’engagent

Les banques se sont mobilisées en déployant des liquidités conséquentes, notamment auprès des négociants en métaux affectés par une situation exceptionnelle sur le marché du London Metal Exchange (LME). En prêtant et en renforçant leurs engagements auprès de leurs clients favoris, les prêteurs ont encaissé des commissions supplémentaires substantielles.

Dans l’ensemble, le conflit en Ukraine a engendré au sein des banques un examen et une surveillance rigoureuse des expositions à la Russie et à l’Ukraine. Si les sanctions ont, dans les premiers jours du conflit, eu un impact modéré sur les flux de matières premières, l’attitude du marché bancaire est plus que prudente face à l’évolution de la situation. Les équipes de conformité et de crédit, tant du côté des traders que des banques, ont été mises à rude épreuve pour maîtriser la situation.

Les ennuis sont loin d’être terminés

Alors que les prix des matières premières avaient déjà augmenté dans un contexte, non plus transitoire, mais désormais inflationniste, ce choc a accru la volatilité à tous les niveaux. Les conséquences sont profondes, à très court terme, et les ennuis sont loin d’être terminés, même si les maisons de négoce de matières premières et leurs banques semblent avoir résisté à la tempête initiale. Le modèle de couverture a été testé lorsque les courtiers ont exigé des marges initiales plus élevées pour leurs contrats.

Certaines questions ont refait surface : les négociants en matières premières peuvent-ils continuer à compter principalement sur des lignes de financement bancaire non confirmées ? Les négociants peuvent-ils maintenir le même volume d’affaires (physique) à ces niveaux de prix avec une volatilité accrue et des pratiques changeantes des courtiers et des bourses ? La rentabilité des activités de négoce restera-t-elle intéressante avec l’augmentation du coût des financements ? Certaines activités de négoce nécessitent-elles plus de capital ? La « fuite vers la qualité » des banques, ou plutôt la fuite vers les grands bilans, est-t-elle définitive, compliquant encore plus la tâche des petits acteurs pour obtenir des financements ?

Et maintenant?

Si la formule ‘ça passera!’ s’applique à la majeure partie des développements actuels, d’autres aspects resteront. La fête de l’argent gratuit touche à sa fin. La facture sera réglée par les producteurs, les négociants et les utilisateurs finaux. Les banques spécialisées dans le financement des matières premières, si elles gèrent correctement leur portefeuille de crédit et ne sont pas trop affectées par les risques liés au conflit et à la chute d’activité en Russie, devraient pour leur part très probablement signer une nouvelle année record, au vu du niveau d’utilisation historiquement élevé des lignes de crédit. Un élément à garder à l’esprit lors du renouvellement des contrats !

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