Avec son Pacte vert lancé en 2019, la Commission européenne a fait de la lutte contre le changement climatique un objectif prioritaire. Mais cette ambition a un prix. Les besoins de financements, notamment en titrisation transition énergétique, sont estimés à 1.000 milliards d’euros sur 10 ans et devront en partie être pourvus par le secteur privé. Dans son rapport pour réformer et relancer la croissance durable en Europe, Mario Draghi a désigné la titrisation parmi les instruments à relancer pour relever les ambitieux défis de transition énergétique des 27. Il est vrai qu’en matière de titrisation verte, l’Europe a pris un sérieux retard sur les États-Unis, et même sur la Chine.

Le retard de l’Europe

Outre-Atlantique, l’agence Fannie Mae est le plus gros émetteur mondial de Mortgage Backed Securities verts. La titrisation transition énergétique est également très largement utilisée par les installateurs de panneaux photovoltaïques, qui mobilisent ainsi leurs contrats de leasing opérationnel ou les cash flows futurs de Power Purchase Agreements. Plus récemment, elle s’est élargie aux prêts consentis aux particuliers pour financer leurs installations. Dans son ensemble, la titrisation verte représente 32 % des émissions vertes aux États-Unis en 2022.

En Chine, ce pourcentage atteint 8 %. Les premiers ABS verts ont été émis dès 2016, et depuis lors, des classes d’actifs très diverses ont été exploitées : revenus d’éoliennes, leasing d’équipement énergétique, créances clients « vertes », etc.

En Europe, la titrisation, y compris pour la transition énergétique, ne représente que 2 % des émissions vertes. Le volume titrisé augmente, certes. Il a doublé en 2023 par rapport à 2022, pour atteindre 2,4 milliards d’euros, mais reste très en deçà des besoins, estimés par l’AFME à près de 300 milliards d’euros par an pour le financement de la construction verte, de la rénovation énergétique des logements et du passage à la voiture électrique.

Un marché en croissance

Parmi les opérations de titrisation vertes en Europe figurent une majorité d’émetteurs bancaires, qui utilisent cette technique pour soutenir des projets de transition énergétique. Ainsi, la Landesbank Baden-Württemberg a-t-elle pu dernièrement obtenir 350 millions d’euros pour financer des centrales solaires et des parcs éoliens, avec le support de l’European Investment Bank (EIB).

Les émetteurs non bancaires sont plus rares, mais les transactions se multiplient :

  • En 2022, Perfecta Energia (un installateur espagnol de panneaux solaires) a lancé un fond de titrisation de 133 millions d’euros, qui facilitera le développement de l’énergie solaire résidentielle.
  • En 2023, Enpal GmbH (un installateur allemand) a monté un programme de warehousing de 365 millions d’euros, permettant de financer 12.500 installations.
  • En janvier 2024, Powen Group a titrisé un portefeuille diversifié d’actifs solaires espagnols (prêts, leases, PPAs, à la fois résidentiels et industriels), pour 120 millions d’euros.
  • En novembre 2024, Enpal a lancé la toute première titrisation publique d’actifs solaires pour 240 millions d’euros. La marge est de 40 points sur l’Euribor 1 mois sur la part « AAA », et 85 points sur la part « AA -»  .

De nombreuses entreprises énergétiques se financent projet par projet dans des sociétés ad hoc en injectant dans chacune du capital et ont des difficultés à se trouver des fonds au niveau de la holding : une titrisation pourrait (re)financer certains projets en les mutualisant – a minima pour les actifs au stade de production.

Le marché de la titrisation verte peut et doit prospérer. La Commission européenne travaille à un assouplissement de la règlementation, qui devrait faciliter les transactions (pour en savoir plus, lire notre article Titrisation : une reprise nécessaire du marché européen paru précédemment).

Il faut souligner que la titrisation d’actifs liés à la production énergétique soulève des questions spécifiques par rapport aux autres formes de titrisation, notamment :

  • La mesure du risque de défaut et de remboursement anticipé par les consommateurs est rendue difficile par l’absence de données historiques, et parfois, la taille réduite des portefeuilles d’actifs ;
  • Certains risques non financiers doivent être étudiés, tels le risque de renégociation des contrats, le risque de performance technologique, de maintenance insuffisante des installations, ou encore le risque climatique.

Redbridge et son partenaire Accola disposent d’une solide expérience du conseil en titrisation, incluant plusieurs transactions de leasing opérationnel. Nous sommes convaincus que la titrisation a un rôle clé à jouer dans la réalisation des objectifs ambitieux du Pacte vert, que le collateral soit constitué de prêts, de flux de leasing ou de contrats d’offtake.

Schéma de titrisation de contrats de leasing d’énergie solaire

titrisation transition energetique

a Pour prendre un exemple concret, la société Sunrun a installé pour 5 gigawatts de panneaux solaires depuis sa création en 2007 ; 41% de ces installations ont été financées par la titrisation.
b Power Purchase Agreement: contrat d’offtake passé entre le producteur d’électricité et le consommateur
c Programme PACE (Property Assessed Clean Energy)
d Dec 2022, AFME, European Green Securitisation Regulatory State of Play

 

 

 

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